Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Koné a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, à lui verser la somme de 69 236,48 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché de remplacement des portes palières automatiques de quatre ascenseurs et du remplacement complet d'un ascenseur conclu le 18 avril 2018, assortie des intérêts moratoires définis à l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 à compter du 6 février 2020 et de l'indemnité forfaitaire de 40 euros prévue à l'article 9 du même décret.
Par une ordonnance n° 2001237 du 14 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 octobre 2020 et 13 janvier 2021, la société Koné, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de condamner l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, à lui verser à titre de provision, d'une part, la somme de 69 236,48 euros toutes taxes comprises au titre du solde arrêté dans le décompte général et définitif du marché, assortie des intérêts moratoires à compter du 6 février 2020 et jusqu'au versement effectif des fonds, au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2020, majoré de huit points de pourcentage et, d'autre part, la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat des communes de l'Oise la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière dès lors que le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur un moyen qui n'avait pas été soulevé en défense et qui n'était pas d'ordre public ;
- elle est irrégulière également en ce que le juge des référés a commis une erreur de droit en estimant à tort que l'obligation n'est pas sérieusement contestable, l'office public n'ayant jamais contesté la réalité des travaux, ni dans leur principe, ni dans leur montant ;
- postérieurement à l'achèvement des travaux, elle a adressé le projet de décompte final à l'office public et au maître d'oeuvre, qui ne lui ont pas notifié dans un délai de trente jours le décompte général ; elle a dès lors adressé un projet de décompte général signé à l'office public, qui n'a pas non plus, dans un délai de dix jours, établi le décompte général ; ce projet de décompte général accepté tacitement devient le décompte général et définitif ; le solde de 69 236,48 euros toutes taxes comprises contenu dans ce décompte constitue une créance non sérieusement contestable ; ce décompte général et définitif liant les parties, des pénalités ne sauraient lui être infligées a posteriori ;
- le projet de décompte final n'est entaché d'aucune insuffisance puisqu'il visait les factures impayées par l'office public, lesquelles comportaient utilement l'avancement des travaux de remplacement des portes palières et celui des travaux de remplacement de l'ascenseur ; il n'avait pas non plus à faire état de chaque phase de travaux à exécuter ; le maître d'ouvrage disposait de toutes les informations utiles pour procéder au règlement des sommes dues dès juin 2019 ;
- ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux applicable est celui du 8 septembre 2009, tel que modifié par l'arrêté du 3 mars 2014, faute de dérogation contractuelle explicite dans le marché ;
- le solde n'ayant pas été mis en paiement, elle a droit aux intérêts moratoires à compter du 6 février 2020 au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations de refinancement les plus récentes, en vigueur au 1er janvier 2020, majoré de huit points de pourcentage ainsi qu'à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement fixée à 40 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 décembre 2020 et 25 janvier 2021, l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, représenté par Me A... B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Koné de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le juge du référé provision n'étant pas tenu par les moyens des parties et compte tenu du principe selon lequel le juge ne saurait condamner la personne publique à une somme qu'elle ne doit pas, le juge des référés du tribunal administratif a pu estimer que l'obligation en litige demeurait susceptible en l'état de l'instruction de faire l'objet d'une contestation ;
- en tout état de cause, le juge des référés n'a pas statué sur un nouveau moyen dès lors qu'il avait soulevé le moyen tiré du non-respect de la procédure contractuelle ;
- le tribunal administratif a fait une exacte application des stipulations des articles 13.3, 13.1.2 et 13.1.3 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dès lors que le " projet de décompte final " ne comporte aucune partie retraçant les " travaux et autres prestations du marché ", pas plus que le montant pour chaque phase exécutée ; l'absence de décompte général et définitif résulte du fait que le projet de décompte général se fonde sur un projet de décompte final vicié ;
- la procédure de décompte général et définitif instituée par la modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux du 3 mars 2014 n'est pas applicable au présent marché ; celui du 8 septembre 2009 étant applicable, la société Koné aurait dû adresser une mise en demeure d'établir le décompte général, ce qu'elle n'a pas fait ;
- à supposer que la cour fasse droit au moyen d'irrégularité de l'ordonnance, il est fondé à soutenir pour la première fois en appel le non-respect de la procédure contractuelle prévue par les dispositions des articles 13.3, 13.1.3 et 13.4.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux de 2009, au demeurant identique à la version issue de la modification de 2014 ;
- le montant de la provision est sérieusement contestable dès lors que la société Koné est débitrice d'un montant supérieur à celui qu'elle réclame ; le solde négatif du marché s'élève à la somme de 22 763,52 euros toutes taxes comprises, compte tenu des pénalités de retard d'un montant de 92 000 euros.
Vu :
- le décret n° 2020-1806 du 18 novembre 2020 ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'arrêté du 3 mars 2014 modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de la seule obligation invoquée devant lui par la partie qui demande une provision, sans avoir à trancher de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
2. Par un acte d'engagement du 18 avril 2018, l'office public de l'habitat des communes de l'Oise a confié à la société Koné les travaux de remplacement de portes palières automatiques sur quatre ascenseurs et le remplacement complet d'un ascenseur. La société Koné a adressé au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre, respectivement les 19 octobre et 21 octobre 2019, sa demande de paiement final et, faute de réponse à l'issue d'un délai de trente jours, a notifié au maître d'ouvrage un projet de décompte général signé. En l'absence de réponse de ce dernier dans le délai de dix jours prévu à l'article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, la société Koné se prévaut de l'existence d'un décompte général et définitif né tacitement en application des stipulations de ce même cahier des clauses administratives générales. Elle a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens de condamner l'office public de l'habitat des communes de l'Oise à lui verser une somme de 69 236,48 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. La société Koné relève appel de l'ordonnance du 14 octobre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Pour rejeter la demande de provision de la société Koné, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur la circonstance que le projet de décompte final ne pouvait, avoir fait courir, en l'état de l'instruction, le délai de trente jours prévu par l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux au motif qu'il ne contenait pas suffisamment d'éléments permettant d'établir et de justifier le montant en application des stipulations des articles 13.3 et 13.1.3 du même cahier des clauses administratives générales. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier de première instance qu'un tel moyen remettant en cause le contenu du projet de décompte final aurait été soulevé par l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, qui soutenait seulement que le juge des référés, saisi d'une demande de provision, ne pouvait être le tribunal compétent au sens des stipulations de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa version antérieure au 1er avril 2014 et l'absence de mise en demeure préalable d'établir le décompte général du marché. Dès lors, en relevant d'office ce moyen qui n'était pas d'ordre public pour rejeter la demande de provision, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a entaché d'irrégularité son ordonnance qui doit, par suite, être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Koné devant le tribunal administratif d'Amiens et la cour.
Sur la provision :
5. L'arrêté du 3 mars 2014, modifiant l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, n'a pas eu pour objet ou pour effet d'abroger l'arrêté du 8 septembre 2009 et de créer un nouveau cahier des clauses administratives générales, mais, comme l'expose d'ailleurs son intitulé, s'est borné à en modifier certaines dispositions, tel que l'article 13.4.2, applicable aux marchés de travaux dont la consultation est postérieure au 1er avril 2014 ainsi que le prévoit son article 8.
6. L'avis de consultation du marché conclu le 18 avril 2018 entre l'office public de l'habitat des communes de l'Oise et la société Koné a été publié le 16 janvier 2018. L'office public de l'habitat des communes de l'Oise soutient que les stipulations du 3.4.6 du cahier des clauses administratives particulières, en ce qu'elles prévoient que les projets de décompte sont adressés au maître d'oeuvre, établissent que le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux du 8 septembre 2009 est celui applicable dès lors que celui modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 prévoit une notification des projets à la fois au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur. Toutefois, cette mention " projets de décompte ", insuffisamment précise alors qu'il existe plusieurs types de projets de décompte dont certains tels que le projet de décompte mensuel sont toujours adressés uniquement au maître d'oeuvre, ne saurait établir que les parties ont entendu déroger au cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014. Dès lors en visant le cahier des clauses administratives générales pris en application de l'arrêté du 8 septembre 2009 et alors qu'il ne résulte d'aucune des stipulations du cahier des clauses administratives particulières, que les parties auraient entendu déroger à l'applicabilité du cahier des clauses administratives générales dans sa version modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014, le marché fait référence à cet arrêté du 8 septembre 2009 dans son état modifié par celui du 3 mars 2014. Par suite, l'office public de l'habitat des communes de l'Oise n'est pas fondé à soutenir que le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux du 8 septembre 2009 dans sa version antérieure au 1er avril 2014 serait celui applicable entre les parties.
7. Aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. / Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final. " Aux termes de l'article 13.3.2. : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux (...) ". Aux termes de l'article 13.4.2 : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après:/ - trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire (...) ". Aux termes de l'article 13.4.3 : " Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. (...) ". Aux termes de l'article 13.4.4 : " Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif. Le délai de paiement du solde, hors révisions de prix définitives, court à compter du lendemain de l'expiration de ce délai. "
8. La société Koné a adressé au maître d'ouvrage ainsi qu'au maître d'oeuvre un document intitulé projet de décompte final lequel, après avoir rappelé le montant du marché, reprend uniquement une liste de factures numérotées avec un montant, une date de facture et de règlement le cas échéant, ainsi qu'un solde d'un montant de 69 236,48 euros toutes taxes comprises. En l'état de l'instruction, comme le soutient l'office public de l'habitat des communes de l'Oise, ce document, eu égard à sa présentation et à son contenu, même s'il avait été précédé de l'envoi des factures comportant des informations plus précises, ne peut être regardé comme le projet de décompte final au sens des articles 13.3.1 et 13.3.2 précités du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux dont la réception par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre peut faire courir le délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2, dont le dépassement peut donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite dans les conditions prévues par l'article 13.4.4. Dans ces conditions, la créance dont se prévaut la société Koné ne peut être regardée comme non sérieusement contestable.
9. Il résulte de ce qui précède que la demande de provision la société Koné doit être rejetée. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent donc aussi qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'office public de l'habitat présentées sur le même fondement.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du 14 octobre 2020 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est annulée.
Article 2 : La demande de la société Koné devant le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'office public de l'habitat des communes de l'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Me C... D... pour la société Koné, et à Me A... B... pour l'office public de l'habitat des communes de l'Oise.
Fait à Douai le 22 avril 2021.
Le président de la cour,
Signé
Jean-François MOUTTE
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Bénédicte Gozé
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N°20DA01682