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16/02/2021 | FRANCE | N°20DA01688

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 16 février 2021, 20DA01688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 19

91 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 200...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, d'enjoindre au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2002945 du 29 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de l'admettre au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2020 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de se prononcer sur son droit au séjour dans un délai de deux mois, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 3 avril 1998, entrée irrégulièrement sur le territoire français, a déposé une demande d'asile en France le 5 août 2020. Par un arrêté du 2 septembre 2020, le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités italiennes. Par un jugement du 29 septembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. Il ressort de l'arrêté attaqué que celui-ci vise le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et précise que la consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes digitales de Mme A... ont été relevées en Italie à deux reprises, le 25 janvier 2020 et le 28 janvier 2020, pays dans lequel elle a déposé une demande d'asile. L'arrêté contesté précise également que les autorités italiennes ont accepté leur responsabilité par un accord implicite intervenu le 21 août 2020. Ces motifs permettent d'identifier le critère prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dont le préfet du Nord a entendu faire application pour désigner l'Italie comme le pays vers lequel Mme A... pouvait être transférée. Cette décision est ainsi suffisamment motivée.

5. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un Etat membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier Etat membre auprès duquel la demande a été introduite, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable devient l'Etat membre responsable (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile

7. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, en se bornant à invoquer les défaillances du système italien et sa situation d'extrême vulnérabilité, Mme A... ne renverse pas cette présomption et n'établit pas que ce pays l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant ni que la situation générale dans ce pays ne permettrait pas d'assurer, à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, un niveau de protection suffisant aux demandeurs d'asile. Mme A... ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Italie dans la procédure d'asile ou que les juridictions italiennes ne traiteront pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, Mme A... ne justifie pas ni même n'allègue d'une vie privée et familiale stable en France.

8. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige aurait été pris en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

2

N°20DA01688


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 20DA01688
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-16;20da01688 ?
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