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16/02/2021 | FRANCE | N°20DA01512

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 16 février 2021, 20DA01512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités espagnoles, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à déf

aut, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation et de prendre une no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités espagnoles, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2005562 du 4 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2020, Mme D... A..., représentée par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de l'admettre au bénéfice provisoire de l'aide juridictionnelle ;

3°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2020 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

4°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer le dossier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à défaut d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 53-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;

- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Khater, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... D... A..., ressortissante algérienne née le 28 janvier 1998, entrée irrégulièrement sur le territoire français, a déposé une demande d'asile en France le 10 juin 2020. Par un arrêté du 28 juillet 2020, le préfet du Nord a ordonné son transfert aux autorités espagnoles. Par un jugement du 4 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme D... A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme D... A... relève appel de ce jugement.

2. En premier lieu, Mme D... A... se borne à reprendre en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille, au point 3 de son jugement, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre. Une telle motivation doit permettre d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application, c'est-à-dire, pour un transfert en vue d'une première prise en charge, l'un des critères du chapitre III du règlement du 26 juin 2013 et, pour un transfert en vue d'une reprise en charge, l'un des critères du b) c) ou d) de l'article 18 dudit règlement.

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que cet arrêté vise, notamment, les règlements n° 603/2013 et n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il énonce, notamment, que les empreintes digitales de l'intéressée ayant été enregistrées en Espagne le 16 septembre 2019, les autorités de ce pays ont été saisies d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 13-1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, et que les autorités espagnoles ont accepté la prise en charge de Mme D... A... par un accord du 9 juillet 2020. Les mentions de cet arrêté permettent ainsi à l'intéressée de comprendre que l'Espagne est l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

6. En troisième lieu, Mme D... A... soutient que l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen de sa situation. Toutefois, l'arrêté attaqué fait état de la situation familiale et personnelle de l'intéressée et de ce qu'elle n'a fait valoir aucun problème de santé lors de son entretien individuel. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de Mme D... A... ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel (...) ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

8. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte-rendu de l'entretien que Mme D... A... a bénéficié de l'entretien individuel prévu par les dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans les locaux de la préfecture du Nord, le 10 juin 2020, selon des modalités permettant le respect de la confidentialité et avec l'assistance d'un interprète en langue arabe, que Mme D... A... a déclaré comprendre. En outre, l'agent de la préfecture qui a mené cet entretien doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien au sens des dispositions citées au point précédent. Le préfet du Nord établit, par la production de la première page des brochures communes signée par l'intéressée, lui avoir remis les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " et le guide du demandeur d'asile, en langue arabe que Mme D... A... a déclaré comprendre. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision de transfert aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doivent être écartés.

9. En cinquième lieu, Mme D... A... se borne à reprendre en cause d'appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 et de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif de Lille, au point 6 de son jugement, d'écarter ce moyen.

10. En sixième lieu, les dispositions de l'article 31 du règlement (UE) n° 604/2013 sont relatives à l'" échange d'informations pertinentes avant l'exécution d'un transfert " et celles de l'article 32 à l'" échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert ". Par suite, ces dispositions, qui concernent seulement son exécution, sont sans incidence sur la régularité de la décision contestée. En tout état de cause, Mme D... A... n'apporte aucun élément de nature à établir que sa situation de mère de deux jeunes enfants, dont l'un nécessite un suivi ophtalmologique et l'autre un suivi psychologique, aurait nécessité que des garanties particulières soient préalablement prises auprès des autorités espagnoles, dont il n'est ni établi ni même soutenu qu'elles ne pourraient pas offrir toutes les garanties d'un accueil adapté et personnalisé sur le territoire espagnol.

11. En septième lieu, aux termes de l'article 53-1 de la Constitution : " La République peut conclure avec les Etats européens qui sont liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile et de protection des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, des accords déterminant leurs compétences respectives pour l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées. / Toutefois, même si la demande n'entre pas dans leur compétence en vertu de ces accords, les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. " Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. / Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. "

12. Si la mise en œuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

13. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, qui mentionne que Mme D... A... est entrée récemment sur le territoire français, qu'elle ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France stable, qu'elle n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner en Espagne, et que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 16 et 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, que le préfet du Nord a examiné s'il y avait lieu de faire application des dispositions de l'article 17 de ce règlement. A cet égard, si Mme D... A... se prévaut de sa situation de mère de deux jeunes enfants, dont l'un, né en France, a besoin d'un suivi ophtalmologique et l'autre d'un suivi psychologique, et indique que le père des deux enfants est incarcéré en France et devrait, à l'issue de cette incarcération, être éloigné à destination de l'Algérie, ces circonstances, qui ne caractérisent pas une vie privée et familiale stable fixée en France, alors au demeurant qu'il n'est nullement établi que l'état de santé des enfants de Mme D... A... ne pourrait être pris en charge en Espagne, ne justifient pas que le préfet du Nord fasse application de la clause de souveraineté permettant à l'Etat français de se reconnaître compétent pour examiner, à titre dérogatoire, sa demande d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 53-1 de la Constitution, de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

14. En huitième lieu, aux termes de l'article 11 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou sœurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes : / a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et sœurs mineurs non mariés, l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux; / (...) ".

15. Si Mme D... A... invoque la présence sur le territoire français du père de ses enfants, incarcéré, elle a déclaré lors de l'entretien individuel en être divorcée et élever seule ses enfants, sans établir devant la cour qu'un lien aurait été maintenu entre le père et ces derniers. Elle indique elle-même que le père de ses enfants devrait en tout état de cause être éloigné à destination de l'Algérie. Enfin, leurs demandes d'asile respectives n'ont pas été introduites simultanément. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 11 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.

16. En neuvième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

17. Pour les mêmes raisons qu'exposées au point 13 du présent arrêt, Mme D... A... ne peut être regardée comme ayant fixé sa vie privée et familiale sur le territoire français. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

18. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " et aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les Etats membres dans toutes les procédures prévues par le présente règlement. "

19. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant, qu'elles aient pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs ou qu'elles aient pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

20. Pour les mêmes raisons qu'exposées aux points 13 et 15 du présent arrêt, Mme D... A... n'établit aucun obstacle à ce que ses enfants l'accompagnent en Espagne. Il suit de là que la décision contestée, qui n'emporte pas sa séparation de ses enfants, n'a pas porté une atteinte aux intérêts supérieurs des enfants mineurs au sens des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas méconnu les dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E... B....

Copie sera adressée au préfet du Nord.

2

N°20DA01512


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 20DA01512
Date de la décision : 16/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Khater
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : GIRSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-16;20da01512 ?
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