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27/03/2020 | FRANCE | N°19DA01195

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 27 mars 2020, 19DA01195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société Albéa à lui verser une provision d'un montant total de 1 206 126 euros en réparation des préjudices résultant de la construction d'un tronçon de 18 kilomètres de l'autoroute A 150, entre Barentin et Ecalles-Alix.

Par une ordonnance n° 1900787 du 9 mai 2019, le juge des référés

du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société Albéa à lui verser une provision d'un montant total de 1 206 126 euros en réparation des préjudices résultant de la construction d'un tronçon de 18 kilomètres de l'autoroute A 150, entre Barentin et Ecalles-Alix.

Par une ordonnance n° 1900787 du 9 mai 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2019, la société A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 9 mai 2019 ;

2°) de condamner la société Albéa à lui verser une provision d'un montant de 1 206 126 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Albéa la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une opération d'aménagement foncier, consécutive à la construction d'un tronçon de l'autoroute A 150 entre Barentin et Ecalles-Alix, la société A..., qui exerce une activité agricole dans la commune de Villers-Ecalles sur une centaine d'hectares, s'est vu attribuer des terres d'une superficie de 42 hectares situées à Mesnil-Panneville, distante de 11 kilomètres du siège de l'exploitation à Villers-Ecalles afin de compenser la perte d'une surface équivalente. La société A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen de condamner la société Albéa, concessionnaire de l'autoroute A 150, à lui verser une provision d'un montant de 1 206 126 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de la construction de ce tronçon d'autoroute. Elle relève appel de l'ordonnance du 9 mai 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Pour rejeter la demande de provision dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le fait que la société A... n'avait pas précisé le fondement juridique de sa demande. Toutefois, il ressort des écritures de première instance que la société A... a demandé la condamnation de la société Albéa à lui verser une provision en réparation des préjudices subis en raison de la construction d'un tronçon d'autoroute qui a conduit son exploitation agricole à être divisée en deux parties distantes l'une de l'autre de 11 kilomètres. Elle se prévalait, à l'appui de cette demande, d'un rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Rouen afin de procéder à l'étude et l'évaluation des préjudices subis par l'exploitation agricole. Elle précisait également qu'en refusant de réparer le préjudice résultant des trajets supplémentaires la société Albéa violait les accords contractuels fixés par le " protocole de dommage de travaux publics " signée entre elle et certaines organisations professionnelles agricoles. Ce faisant, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a rejeté à tort comme non motivée la demande de la société A..., alors qu'il ressortait des pièces du dossier que la société A..., tiers à l'ouvrage public, recherchait la responsabilité du maître d'ouvrage pour dommages de travaux publics tout en se prévalant du protocole d'accord susmentionné. Par suite, l'ordonnance attaquée, qui est entachée d'une irrégularité, doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la provision :

5. La société A... soutient devoir construire un local de stockage sur les nouvelles parcelles, d'une superficie de 40 hectares, qui lui ont été attribuées dans le cadre de l'opération d'aménagement foncier. En dépit de l'avis favorable de l'expert, le caractère indispensable de ce lieu de stockage n'est pas établi, en l'état de l'instruction, dès lors que la société Albéa fait valoir sans être contestée que l'activité céréalière nécessitant le stockage est exercée non par la société requérante mais par M. A.... Au demeurant celui-ci stocke déjà, notamment, la récolte provenant de ses parcelles, dans un bâtiment de la société Alternae Limagro, située à Saussay, aussi loin que la ferme de Villers-Ecalles. Par ailleurs, la société A... n'est pas propriétaire des terres sur lesquelles elle estime être contrainte de construire un local de stockage. Par suite, l'obligation dont se prévaut la société A... est sérieusement contestable.

6. Il résulte de l'instruction que la construction du tronçon d'autoroute entre Barentin et Ecalles-Alix a eu pour effet de rendre plus difficiles les conditions générales de l'exploitation de la société A..., dès lors que, d'un seul tenant au départ, elle a été scindée en deux parties, distantes de 11 kilomètres, provoquant ainsi des trajets supplémentaires entre les deux sites. La société requérante se borne cependant à demander l'application de la formule d'indemnisation contenue dans le protocole d'accord signé le 7 juin 2012 entre la société Albéa et des organisations professionnelles agricoles, destiné à réparer les dommages de travaux publics dans le cadre de la construction de ce tronçon d'autoroute. Elle ne peut donc utilement s'en prévaloir, comme elle l'avait d'ailleurs admis dans sa demande indemnitaire présentée à la société Albéa, par lettre du 9 décembre 2014, dès lors que ce document n'a été prévu qu'en vue de régler les litiges éventuels à l'amiable. Dès lors, l'obligation selon laquelle la société Albéa serait redevable d'une somme, en application du protocole d'accord signé le 7 juin 2012, au profit de la société A..., présente un caractère sérieusement contestable.

7. La société A... demande une provision, d'un montant de 27 000 euros, qui correspondrait aux conséquences d'une demande d'aménagement présentée par le syndicat des bassins versants en invoquant à nouveau le rapport d'expertise. Toutefois, la société ne justifie pas de la nature de cette demande d'aménagement, ni de son caractère obligatoire. Ainsi alors que l'expert s'est borné comme il devait le faire à évaluer le préjudice allégué sans prendre parti sur des questions de droit, ni ce préjudice, ni le lien de causalité avec la construction de l'autoroute ne sont établis en l'état de l'instruction. Par suite, l'obligation dont se prévaut la société A... à ce titre présente également un caractère sérieusement contestable.

8. La société A... demande enfin une provision d'un montant de 300 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de l'indemnité de rupture d'exploitation. Elle se borne à se référer à la position de l'expert qui, s'il a admis le principe de l'existence d'un préjudice, ne l'a pas évalué au regard notamment des demandes faisant double emploi de la société requérante. Celle-ci n'assortit ce montant réclamé d'aucune explication ou justification. Par suite, cette obligation présente elle aussi un caractère sérieusement contestable.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société A... n'est pas fondée à demander la condamnation de la société Albéa à lui verser une provision. Les conclusions présentées au titre des dépens ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les conclusions présentées par la société A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à celles présentées au même titre par la société Albéa.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du 9 mai 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulée.

Article 2 : La demande de la société A... devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la société Albéa présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée A... et à la société Albéa.

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N°19DA01195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 19DA01195
Date de la décision : 27/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : DESCOUBES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-27;19da01195 ?
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