Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... et Mme B... C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :
1°) de condamner l'office public Lille Métropole Habitat à leur verser une provision de 407 442,92 euros avec intérêts à compter du 5 février 2018, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge de l'office public Lille Métropole Habitat le versement d'une somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1807043 du 27 novembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à leur demande en condamnant l'office public Lille Métropole Habitat à leur verser la somme totale de 91 650,61 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 12 décembre 2018 et le 1er mars 2019, M. et Mme C..., représentés par Me D..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de confirmer l'ordonnance n° 1807043 du 27 novembre 2018 sur les points non contestés ;
2°) de la réformer en condamnant l'office public Lille Métropole Habitat à leur verser :
- une provision de 120 000 euros pour la perte de leur habitation sans déduire les frais de relogement ;
- une provision de 14 054,40 euros pour les frais d'acquisition d'un nouveau logement ;
- une provision de 3 000 euros pour les frais de leur deuxième déménagement ;
- une provision de 35 467,04 euros pour les frais de démolition de leur ancienne habitation ;
3°) de majorer ces sommes des intérêts de droit à compter du 5 février 2018, date de réception de la demande préalable d'indemnisation adressée à l'office public Lille Métropole Habitat ;
4°) de mettre à la charge de l'office public Lille Métropole Habitat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
2. L'office public Lille Métropole Habitat a entrepris la construction d'un programme immobilier de quarante logements sociaux, parkings et locaux à usage de bureaux dans le quartier de l'Epeule à Roubaix. Durant l'exécution de ces travaux, le 15 décembre 2011, des désordres sont apparus sur la propriété de M. et Mme C.... Evacués, ils ont été relogés par l'office public à partir du 23 décembre 2011 dans le cadre d'une convention d'occupation précaire dans un appartement à Roubaix. Le 12 avril 2012, à la demande de la commune de Roubaix, l'expert désigné par le tribunal administratif de Lille a conclu que l'immeuble des époux C... était en cours d'effondrement et qu'il n'existait aucune solution technique pour stopper ce phénomène d'affaissement du sol et éviter la ruine du bâtiment. Ce rapport a conduit le maire de Roubaix à prendre un arrêté de péril le 9 mai 2012 imposant aux époux C... la démolition partielle de l'immeuble. L'expert désigné par le tribunal de grande instance de Lille, à la demande de la société Tommasini, a conclu dans son rapport du 6 décembre 2016 à la nécessité de démolition totale de l'immeuble sans possibilité de reconstruire et à la responsabilité de l'ensemble des acteurs du chantier, dont l'office public Lille Métropole Habitat. Par un courrier du 2 février 2018 réceptionné le 5 février 2018, les époux C... ont présenté à l'office public une demande préalable d'indemnisation. Le 2 août 2018, M. et Mme C... ont saisi le tribunal administratif de Lille en référé d'une demande de condamnation de l'office public Lille Métropole Habitat à leur verser une provision de 407 442,92 euros majorée des intérêts. Ils relèvent appel de l'ordonnance n° 1807043 du 27 novembre 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à leur demande en condamnant l'office public à leur verser la somme totale de 91 650,61 euros.
En ce qui concerne l'existence d'une obligation :
3. Pour retenir l'existence d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur la responsabilité sans faute de l'office public en sa qualité de maître d'un ouvrage public sur lequel étaient réalisés des travaux publics ayant causé des dommages à un tiers. Cette responsabilité et l'existence de l'obligation pour le montant accordé par l'ordonnance attaquée ne sont pas contestées en appel.
En ce qui concerne le montant de l'obligation :
4. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
Sur le préjudice lié à la destruction de l'immeuble :
5. Si l'indemnité due au titre de la destruction d'un immeuble doit être limitée à la valeur vénale de celui-ci, cette limitation n'exclut pas l'indemnisation des autres chefs de préjudice liés à la perte de cet immeuble, notamment des frais rendus nécessaires par l'obligation de se reloger.
6. A la suite de la destruction de leur immeuble les requérants ont dû être relogés par l'office public Lille Métropole Habitat qui a pris en charge l'ensemble des loyers et charges depuis décembre 2011. Une convention d'occupation précaire a été conclue et signée le 23 décembre 2011 par l'office public Lille Métropole Habitat et les époux C... qui stipule dans son préambule que le relogement sera supporté par le responsable du sinistre et/ou son assureur subrogé dans ses droits et obligations. Pour fixer le montant de la provision s'agissant du chef de préjudice tenant à la destruction de l'immeuble, le juge des référés du tribunal a retenu une valeur vénale de 120 000 euros, qui n'est plus sérieusement contestée en appel, dont il a déduit une somme de 68 0936,63 euros correspondant aux frais supportés par l'office public au titre de la convention d'occupation. Pour les motifs exposés au point précédent il n'y a pas lieu de procéder à une telle déduction dès lors que ces frais, s'ils avaient été supportés par les requérants, auraient constitué un préjudice distinct lié à l'obligation de se reloger devant être indemnisé. Par suite, il y a lieu de porter le montant de la provision, que l'office public Lille Métropole Habitat est condamné à verser à M. et Mme C..., au titre de la perte de leur immeuble, à la somme de 120 000 euros.
Sur les frais de déménagement :
7. Le juge des référés a retenu une somme de 1 330 euros au titre de l'indemnisation du préjudice tenant à la nécessité de supporter des frais de déménagement en se fondant sur le premier déménagement réalisé en décembre 2011 et dont le coût de 1 255, 40 euros a été pris en charge par l'office public. Si les requérants soutiennent que ce montant est insuffisant, ce déménagement ayant dû être réalisé en urgence et ne portant que sur une partie de leurs biens, ils n'apportent au soutien de cette allégation aucun élément justificatif. Par ailleurs si l'expert avait évalué dans une rubrique, frais de déménagements futurs, le montant à la somme de 3 000 euros, il indiquait aussi dans la réponse à des dires en page 75 de son rapport qu'il y intégrait d'autres éléments. Dans ces conditions il ne résulte ainsi pas de l'instruction que le juge des référés ait à tort retenu la somme de 1 330 euros.
S'agissant des frais d'acquisition d'un nouveau logement :
8. Les époux C... demandent l'indemnisation des frais d'acquisition qu'ils seront amenés à débourser pour redevenir propriétaires. Toutefois, ils n'apportent toujours pas en appel d'élément pour établir le caractère certain de ce préjudice. Ainsi, l'existence de cette obligation ne peut être regardée comme non sérieusement contestable au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Lille a écarté ce chef de préjudice.
S'agissant des frais de démolition de l'immeuble :
9. Les époux C... demandent enfin l'indemnisation des frais supplémentaires de démolition de leur propriété, d'un montant de 1 123,04 euros, mis à leur charge par la commune de Roubaix qui a ordonné ces travaux. Il résulte de l'instruction, en particulier d'un avis de somme à payer du 24 janvier 2015 ainsi que d'une mise en demeure de payer du 11 juin 2015, établis par la commune de Roubaix, que, la somme supplémentaire de 1 123,04 euros a été demandée aux intéressés, en plus de la somme de 34 344 euros, pour les travaux effectués d'office sur leur habitation au titre des articles L.511-4 et R. 511-5 du code de la construction et de l'habitation et qu'ils ont dû l'acquitter. Ainsi, contrairement à ce qu'a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Lille, la somme supplémentaire demandée est nécessairement en lien avec les travaux publics réalisés par l'office public Lille Métropole Habitat ayant entraîné la ruine de leur immeuble. Par suite, il y a lieu de porter le montant de la provision que l'office public Lille Métropole Habitat est condamné à verser à M. et Mme C... pour les frais de démolition de leur propriété, à la somme totale de 35 467,04 euros.
10. Il résulte de ce qui précède, compte-tenu également de la somme non contestée en appel de 4 000 euros accordée au titre du préjudice moral par le tribunal, qu'il y a lieu de porter la provision totale de 91 640,61 euros, que l'office public Lille Métropole Habitat a été condamné à verser à M. et Mme C... par l'ordonnance attaquée, à 160 797,04 euros.
Sur les intérêts :
11. M. et Mme C... ont droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 160 797,04 euros mentionnée ci-dessus, à compter du 5 février 2018, date de réception de leur demande préalable par l'office public Lille Métropole Habitat.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu de mettre à la charge de l'office public Lille Métropole Habitat, partie perdante dans la présente affaire, la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur le même fondement par l'office public ne peuvent en revanche qu'être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : La somme de 91 640,61 euros que l'office public Lille Métropole Habitat a été condamné par l'ordonnance n° 1807043 du 27 novembre 2018 du tribunal administratif de Lille à verser à M. et Mme C... est portée à 160 797,04 euros. Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 5 février 2018.
Article 2 : L'ordonnance attaquée est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : L'office public Lille Métropole Habitat versera à M. et Mme C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'office public Lille Métropole Habitat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... et Mme B... C... et à l'office public Lille Métropole Habitat.
N°18DA02499 5
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