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09/07/2014 | FRANCE | N°13DA00833

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 09 juillet 2014, 13DA00833


Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2013, présenté pour M. C...A..., incarcéré à..., par Me D...B...; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201345 du 17 mai 2013 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 8 750 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral qu'il a subi du fait de son incarcération au sein de la maison d'arrêt de Rouen et, d'autre part, à la mise

à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 76...

Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2013, présenté pour M. C...A..., incarcéré à..., par Me D...B...; M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201345 du 17 mai 2013 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Rouen, statuant en référé, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 8 750 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice moral qu'il a subi du fait de son incarcération au sein de la maison d'arrêt de Rouen et, d'autre part, à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que des entiers dépens, comprenant la contribution pour l'aide juridique ;

2°) statuant en référé de faire droit à ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 675 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me B...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens, lesquels comprendront la prise en charge de la somme de 185 euros qui lui sera éventuellement réclamée dans l'hypothèse d'une renonciation au bénéfice de l'aide juridique ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 12 novembre 2013 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M.A... ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91 1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 555-1 du code de justice administrative : " Sans préjudice des dispositions du titre II du livre V du présent code, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés. " ; qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie " ;

Sur les conclusions à fin de provision :

En ce qui concerne le principe de la détention en cellule individuelle,

2. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 717-2 du code de procédure pénale : " Les condamnés sont soumis dans les maisons d'arrêt à l'emprisonnement individuel du jour et de nuit, et dans les établissements pour peines, à l'isolement de nuit seulement, après avoir subi éventuellement une période d'observation en cellule./ Il ne peut être dérogé à ce principe que si les intéressés en font la demande ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls, ou en raison des nécessités d'organisation du travail. " ; que l'article D. 83 de ce code ajoute : " Le régime appliqué dans les maisons d'arrêt est celui de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit dans toute la mesure où la distribution des lieux le permet et sauf contre-indication médicale. (...) " ; que selon l'article D. 189 du même code : " A l'égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale " ;

3. Considérant que si la sur-occupation d'une seule et même cellule, par plusieurs détenus, peut, en raison des conditions et des modalités de cette occupation au regard notamment du nombre de détenus, de la superficie de cette cellule et des caractéristiques de ses aménagements, être de nature à établir l'existence de traitements inhumains et dégradants, le défaut de détention en cellule individuelle ne saurait, en tant que tel, constituer une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, M. A...ne peut utilement se prévaloir des prescriptions du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants, selon lesquelles chaque détenu devrait disposer d'une superficie de 7 m², qui, en tout état de cause, n'ont qu'une valeur de recommandation, ni des principes affirmés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, alors qu'il n'apporte pas de précisions suffisantes sur les modalités et conditions de détention effectives qui lui ont été réservées dans chacune des cellules qu'il a occupées et qui caractériseraient les atteintes invoquées ;

4. Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 100 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 : " Dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d'arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas son application. / Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l'accord du magistrat chargé de l'information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d'arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle. " ;

5. Considérant que ces dispositions législatives, qui autorisent une dérogation temporaire au placement en cellule individuelle, tout en offrant au prisonnier la possibilité d'en bénéficier dans un autre établissement, ne sont pas, en tout état de cause, manifestement incompatibles avec l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a occupé, durant son incarcération, des cellules qu'il a dû partager parfois avec un ou deux codétenus ; qu'il est constant que la maison d'arrêt de Rouen doit accueillir un nombre de détenus supérieur à sa capacité d'accueil théorique ; qu'ainsi M.A..., qui se borne à relever qu'il n'a pas bénéficié d'une détention en cellule individuelle, ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées de l'article 717-2 du code de procédure pénale, auxquelles l'article 100 de la loi du 24 novembre 2009 permet de déroger, ont été méconnues ;

En ce qui concerne l'aménagement des cellules,

7. Considérant qu'aux termes de l'article D. 350 du code de procédure pénale : " Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération " ; que l'article D. 351 du même code ajoute : " Dans tout local où les détenus séjournent, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que ceux-ci puissent lire et travailler à la lumière naturelle. L'agencement de ces fenêtres doit permettre l'entrée d'air frais. La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre aux détenus de lire ou de travailler sans altérer leur vue. Les installations sanitaires doivent être propres et décentes. (...) " ; que selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ;

8. Considérant que si le requérant invoque les mauvaises conditions d'hygiène, d'éclairage, de chauffage ou d'aération, il n'apporte pas d'indications suffisantes et concrètes sur l'état des différentes cellules qu'il a occupées et qu'il n'identifie d'ailleurs pas précisément ; qu'en revanche, le garde des Sceaux, ministre de la justice, soutient, sans être contredit, que les cellules, dont il fournit le numéro, dans lesquelles le requérant a été installé seul ou avec d'autres détenus, comportaient toutes des toilettes aménagées avec des portes battantes et de hautes cloisons, disposaient d'un éclairage et d'une aération suffisantes et avaient fait l'objet de travaux de réfection ; qu'ainsi, M. A...n'établit pas que les conditions de détention auxquelles il a été exposées durant cette période violeraient les dispositions des articles D. 350 et D. 351 du code de procédure pénale, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a estimé que la créance dont il se prévalait était sérieusement contestable et rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision en indemnisation du préjudice moral subi du fait de son incarcération à la maison d'arrêt de Rouen ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n 'avait pas eu cette aide (...) " ;

11. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A...en faveur de son avocat doivent, dès lors, être rejetées ; que ses conclusions tendant au paiement des dépens doivent être, par voie de conséquence, également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C...A...et au ministre de la justice.

Copie pour information sera adressée à Me D...B....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 13DA00833
Date de la décision : 09/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision - Conditions.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL ETIENNE NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-07-09;13da00833 ?
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