Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
5 décembre 2003, présentée pour la société à responsabilité limitée S2M, dont le siège est sis 44 rue du 14 juillet à Liévin (62500), par Me Sileghem ; la société S2M demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00-920 du 9 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 1993, 1994 et 1995, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de la décharger desdites cotisations ;
3°) et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société S2M soutient :
- en premier lieu, que c'est à tort que l'administration a remis en cause l'application de l'article 44 sexies du code général des impôts au motif que la société exposante aurait repris une activité préexistante ; qu'il résulte, en effet, de l'instruction 4A-6-01 du 20 novembre 2001 que la reprise d'activité préexistante est caractérisée, d'une part, par le critère tiré de l'identité entre l'activité exercée par l'entreprise nouvelle et celle de l'entreprise préexistante, d'autre part, celui de la reprise en droit ou en fait des moyens d'exploitation de l'entreprise préexistante par la nouvelle entreprise, ou, à défaut, par l'existence de relations juridiques ou d'intérêt entre les deux entreprises ; qu'en l'espèce, le critère tenant à la reprise des moyens d'exploitation d'une entreprise préexistante n'est pas rempli faute de toute entreprise préexistante ; qu'en effet, M. X n'a pas créé d'entreprise individuelle, ni exercé d'activité professionnelle préexistante à l'activité de la société S2M mais s'est borné à rendre service, à titre gratuit et amical, au dirigeant de la société polonaise Y ; que les commissions prétendument versées à M. X par la société Z ne correspondent pas, en réalité, à des paiements de commissions mais à des remboursements de frais engagés pour Y par M. X et à des ristournes de volumes accordées par Z à Y ; que si l'administration fiscale affirme qu'il a exercé une activité indépendante, elle n'a engagé aucune procédure pour taxer les revenus qu'il aurait perçus pendant cette période ; qu'il n'y a eu, en outre, ni transfert de fonds de commerce ou clientèle, ni reprise de salarié, ni transfert de matériel ; qu'il n'y a pas eu davantage de relation juridique ou d'intérêt avec un autre entreprise exerçant une activité identique à celle de S2M ; que d'autre part, il n'y a pas eu d'exercice d'une activité identique à celle d'une entreprise préexistante ; que M. X a décidé de créer en mars 1992 la société S2M en collaboration avec la société Y en raison des possibilités de développement du marché polonais alors qu'avant cette création, Y se chargeait seule de la commercialisation en Pologne ; que S2M ne se contente pas d'acheter des produits pour les revendre à Y mais mène une action commerciale sur le terrain et forme des techniciens de Y et des régies polonaises pour développer les ventes ; qu'en outre, les produits vendus par S2M à Y ne sont pas les mêmes que ceux que les sociétés A et Z vendaient à Y avant la création de l'exposante ; que le chiffre d'affaire de S2M avec Z est bien plus important que celui qui était réalisé par Y ; que les éléments relatifs à l'appréciation du bénéfice de l'exonération doivent s'apprécier au moment de la création de l'entreprise et non pas en fonction d'éléments ultérieurs ; que l'exposante n'a pas davantage repris l'activité d'intermédiaire de M. X, faute que celui-ci ait exercé une telle activité ; que s'il fallait admettre qu'il a exercé une activité d'intermédiaire, celle-ci serait différente de celle exercée par S2M, l'identité d'activité s'appréciant selon l'instruction du
20 novembre 2001 de façon stricte ;
- en second lieu, que le redressement notifié au motif que la société exposante aurait omis de constater en diminution de ses achats les ristournes à recevoir du fournisseur Z du
1er janvier au 31 mars 1995 n'est pas fondé ; que cette comptabilisation n'a pas été faite pour des raisons de prudence ; qu'en effet, au titre de l'année 1993, S2M a reçu un courrier de la société Z du 24 septembre 1993 précisant le montant de la remise sur le chiffre d'affaires export ; que cette remise a été confirmée pour 1994 par courrier du 12 avril 1994 ; que, pour 1995 en revanche, cette société n'a donné aucune information sur le principe du maintien de la ristourne, ni sur son mode de calcul ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 11 mai 2004, le mémoire en défense, présenté pour l'Etat, par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des impôts ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;
Il soutient :
- que la requérante ne pouvait prétendre au régime d'exonération d'impôt sous lequel elle s'était placée ; qu'en effet, sont exclues de ce dispositif, les entreprises qui reprennent une activité préexistante quelles que soient les modalités de cette reprise ou les modifications pouvant intervenir dans l'activité initiale ; qu'en l'espèce, à son démarrage la société S2M disposait d'un client unique, la société Y pour les besoins de laquelle elle s'approvisionnait auprès des sociétés Z, principalement et A, alors qu'auparavant, la société Z vendait directement ses produits à Y par l'intermédiaire de M. X, ce dernier apparaissant intervenir personnellement dans les transactions réalisées entre Z et Y dès lors que Y utilisait pour ses livraisons un véhicule immatriculé au nom de M. X, que le nom de celui-ci figurait sur les factures émises par Z, que M. X réceptionnait factures et marchandises dans un local à usage privatif et que la société Z lui versait des commissions ; que l'existence d'une identité d'activité peut être démontrée alors même que la société préexistante n'a exercé cette activité que pendant une courte période ou de façon marginale ; que la société S2M ne peut soutenir que les actions menées par M. X n'étaient que ponctuelles alors qu'elles avaient un véritable caractère de permanence ; que de février 1991 à mai 1992, la société Z apparaît avoir alloué à
M. X en rémunération de son entremise dans les ventes faites à la société Y la somme totale de 118 633,80 qui correspond à des commissions à des taux de 6 à 8 % ; que l'absence de conséquences tirées par l'administration de l'activité occulte de M. X s'explique par le caractère tardif de ces constatations ; que le critère relatif à l'identité d'activité est également rempli ; qu'en effet, l'activité de M. X ne se limitait pas en pratique à celle d'un simple intermédiaire puisqu'il se comportait en fait vis-à-vis des fournisseurs comme un véritable négociant représentant la société Y ; que la circonstance que la société S2M ait triplé les ventes réalisées antérieurement par Z à Y est sans incidence sur cette identité ; que la requérante ne conteste pas avoir continué à vendre partie des produits que Z commercialisait avant ; que les nouveaux produits qui s'inscrivent dans un élargissement de gamme ne modifient pas la nature de l'activité ;
- en second lieu, que le redressement relatif aux ristournes est fondé ; qu'en effet, le bénéfice imposable doit, en application de l'article 38-2 du code général des impôts, être déterminé en tenant compte de l'ensemble des produits définitivement acquis et des créances et dettes certaines même si ce montant n'est payable qu'ultérieurement ; qu'en l'espèce, les modalités de calcul des ristournes à obtenir de Z étaient définies par convention écrite comme le précise un document du
24 septembre 1993 ; que la requérante n'a produit aucun élément faisant état d'une changement de la politique tarifaire de son fournisseur qui, au contraire, par télécopie du 12 avril 1994 lui a transmis le nouveau barème de remise sans en modifier le mode de calcul ; qu'à défaut de document faisant état de la suppression des remises ou une modification de leur taux, les ristournes étaient reconduites tacitement aux mêmes conditions ; qu'ainsi, la créance était certaine dans son principe comme dans son montant ;
Vu, enregistré le 10 juin 2004, le mémoire présenté pour la société S2M concluant aux mêmes fins que sa requête ; la société S2M soutient en outre :
- que le fait que la société Z ait comptabilisé les sommes versées à M. X, lequel n'a pourtant émis aucune facture, ne prouve rien et n'est pas opposable à l'exposante ; que ces paiements correspondaient bien à des sommes dues à Y ; que le délai de prescription de six ans en matière d'activité occulte n'empêchait pas l'administration de notifier un redressement à
M. X ; qu'ainsi, l'administration, qui a la charge de la preuve, n'établit pas que M. X ait perçu des commissions, ni qu'il soit intervenu dans les ventes conclues entre A et Z, d'une part, et Y d'autre part ;
- que s'agissant de l'identité d'activité, l'administration ne conteste pas que les produits achetés à A par l'exposante n'étaient pas les mêmes que ceux vendus directement à Y par A, ni le fait qu'elle a fait un important travail commercial sur le terrain pour développer une clientèle pour Y et étendre la gamme des produits vendus, ni, enfin, que l'activité, le cas échéant, exercée par M. X, qui n'a pu être qu'une activité d'intermédiaire, n'est pas identique à celle de l'exposante, qui a une activité de négoce et de prospection ;
Vu, enregistré le 26 août 2005, le mémoire présenté le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, concluant aux mêmes fins que son précédent mémoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2005 à laquelle siégeaient Mme Helmholtz, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et
M. Soyez, premier conseiller :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Sur la remise en cause du régime d'exonération d'impôt accordé aux entreprises nouvelles :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : I. Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leur résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération (...) III. Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent bénéficier du régime défini au I ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL S2M, qui a été créée en mars 1992 par M. X, a poursuivi l'activité que celui-ci avait exercée à compter du mois de février 1991 et consistant à intervenir dans le cadre des opérations d'achats et de ventes de matériels électriques entre les sociétés françaises Z et A, fournisseurs des produits, et la société polonaise Y, M. X étant l'interlocuteur unique desdites sociétés, la facturation étant faite à son adresse, devenue le siège de la nouvelle société, et les livraisons ayant lieu dans les mêmes locaux avant comme après la création de la société S2M ; que, si cette dernière fait valoir, d'une part, que ses activités, qui comportent notamment des actions de prospection commerciale en Pologne, sont plus larges que celles exercées par M. X, que le chiffre d'affaires qu'elle réalise avec la société Z est sans commune mesure avec celui réalisé auparavant par ce fournisseur avec la société Y, enfin, que les produits qu'elle négocie sont différents, ces circonstances ne sauraient suffire à la faire regarder comme une entreprise nouvelle au sens des dispositions précitées ; qu'il ne résulte pas, d'autre part, de l'instruction, compte tenu de l'importance de l'aide que M. X a apportée à la société Y et de l'importance des échanges financiers survenus entre eux, et alors qu'il n'est pas établi par la seule lettre du dirigeant de la société Y que les sommes perçues par M. X n'aient pas, au moins partiellement, rétribué ses interventions, que comme la requérante le prétend, M. X serait intervenu à titre seulement amical et bénévole, nonobstant la circonstance qu'il n'ait pas fait l'objet d'une procédure de redressement de ses revenus déclarés ; qu'ainsi, c'est par une exacte application de la loi fiscale que l'administration a considéré que la société requérante avait repris une activité existante et l'a écartée du bénéfice des dispositions précitées ;
Considérant, en second lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'instruction 4A-6-01 du 20 novembre 2001 qui est postérieure aux années d'imposition en litige ;
Sur les ristournes à recevoir non comptabilisées :
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 38 du code général des impôts que les créances acquises à la clôture d'un exercice doivent être rattachées à cet exercice pour la détermination du bénéfice imposable ; que si la société requérante soutient qu'elle n'a pas comptabilisé, en diminution de ses achats, les ristournes à recevoir du fournisseur Z du
1er janvier au 31 mars 1995 pour des raisons de prudence, l'administration établit, en faisant valoir que les ristournes accordées par ce fournisseur en 1993 ont été tacitement reconduites en 1994 et n'avaient pas été remises en cause pour l'exercice 1995, que les créances en cause étaient certaines dans leur principe et dans leur montant au cours de l'exercice clos en 1995 ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration les a réintégrées dans le résultat imposable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société S2M n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société S2M demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les conclusions tendant à cette fin doivent, par suite, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée S2M est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée S2M et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
''
''
''
''
2
N°03DA01259