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05/03/2024 | FRANCE | N°23BX03071

France | France, Cour administrative d'appel, 05 mars 2024, 23BX03071


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... et M. C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de la Côte Basque à leur verser une indemnité provisionnelle de 17 666,55 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de l'accouchement de Mme F... pour leur fils D... C.... La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau-Pyrénées est intervenue pour demander le remboursement de ses débours pour l'enfant à hauteur de 27 322,24

euros et l'indemnité forfaitaire de gestion.



Par ordonnance n° 2202233 du 28 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... et M. C... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de la Côte Basque à leur verser une indemnité provisionnelle de 17 666,55 euros en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de l'accouchement de Mme F... pour leur fils D... C.... La Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Pau-Pyrénées est intervenue pour demander le remboursement de ses débours pour l'enfant à hauteur de 27 322,24 euros et l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par ordonnance n° 2202233 du 28 novembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier à verser à Mme F...

et M. C..., à titre de provision, une somme de 7 463,70 euros, ainsi qu'une somme

de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, et rejeté les conclusions de la caisse.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2023, la CPAM de Pau-Pyrénées représentée par la Selarl Bardet et associés, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle rejette sa demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier de la Côte Basque à lui verser la somme

de 35 079,33 euros à titre de provision sur les débours exposés pour D... C...,

avec les intérêts au taux légal " à compter de la décision à intervenir " et " application

de l'article 1343-2 du code civil ", et la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de l'expert désigné par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CCI) fait état de fautes du centre hospitalier, qui n'avait pas diagnostiqué la luxation congénitale de hanche de l'enfant, ce qui a induit une prise en charge inadaptée ;

- elle produit devant la cour l'attestation d'imputabilité à ces fautes des dépenses qu'elle a exposées pour D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 18 décembre 2023 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme B... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... F... a donné naissance à son fils D... C...

le 30 octobre 2019 au centre hospitalier de la Côte Basque, par césarienne programmée en raison d'une présentation de l'enfant par le siège. Les parents ont signalé que la jambe gauche de l'enfant restait pliée, et il leur a été donné à la sortie de maternité une ordonnance pour une échographie de contrôle des hanches à l'âge d'un mois. Cet examen a révélé une luxation congénitale de hanche, qui a été traitée par tractions au centre hospitalier de la Côte basque, puis transfert à Bordeaux pour la pose d'un plâtre pelvi-pédieux, puis chirurgie avec nouveau plâtre à l'hôpital Necker à Paris. La luxation de hanche a été levée mais l'enfant reste atteint d'un déficit de mobilité de la hanche gauche de 10 %, encore susceptible d'évolution.

2. A la suite d'une expertise ordonnée à leur demande par la CCI, reconnaissant que l'absence de diagnostic d'une luxation congénitale de la hanche avait conduit à des traitements par tractions inadaptés, ce qui avait faire perdre à l'enfant des chances de voir son état s'améliorer, les parents de D... ont demandé au tribunal administratif de Pau une provision de 17 666,55 euros à valoir sur l'indemnité due au titre des préjudices de leur enfant. Par une ordonnance du 28 novembre 2023, la présidente du tribunal a reconnu le principe de la responsabilité du centre hospitalier et leur a accordé une provision de 7 463,70 euros, mais a rejeté les conclusions de la caisse de Pau-Pyrénées tendant au remboursement de débours à hauteur de 27 322,24 euros, au motif que l'imputabilité aux fautes retenues n'était pas établie.

3. La CPAM de Pau-Pyrénées, agissant pour le compte de la CPAM de Bayonne, relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté ses conclusions tendant

au remboursement par le centre hospitalier de ses débours, et porte le montant sollicité

à 35 079,33 euros en incluant les frais hospitaliers à Bordeaux en février et avril 2020 et à Paris en mai 2021.

4. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.

5. Les experts, pédiatre néonatologue et chirurgien orthopédiste pédiatre, ont indiqué que les dommages corporels de l'enfant sont en rapport direct avec le fait générateur que représente la maladie luxante de la hanche dont il était porteur dès sa naissance. Cependant, ils ont critiqué le fait que l'enfant est sorti de maternité avec un certificat rédigé par le seul interne en pédiatrie, ce qui lui a fait perdre une chance de diagnostic par un médecin aux compétences validées par une thèse, avec accès à un traitement orthopédique ambulatoire (lange en abduction pendant quatre mois). Toutefois, ils relèvent que le diagnostic a en l'espèce été porté au 47ème jour de vie, au décours de l'échographie prescrite conformément aux recommandations en cas de présentation par le siège, ce qui permet de le caractériser comme précoce, et qu'il n'est pas certain qu'un médecin plus expérimenté aurait détecté à la naissance l'anomalie, ni qu'une prise en charge orthopédique plus précoce aurait évité le recours au traitement chirurgical. Ils qualifient la perte de chance de faible et inférieure à 15 %, tout en indiquant curieusement que ce taux est " composé de 10 % par un défaut de soins ", qu'ils ne qualifient pas, " et 5 % par un défaut d'organisation et de fonctionnement du service ", ce qui caractérise l'identification d'une faute, mais non d'un lien avec le dommage.

6. Les experts ont relevé une seconde faute en ce que le centre hospitalier n'a pas anticipé, avant tout initiation du programme orthopédique, la difficulté liée à l'absence d'autorisation d'une anesthésie du nourrisson dans un centre non spécialisé, ce qui a conduit au transfert de D... en ambulance de Bayonne à Bordeaux en cours de traction pour assurer la pose du plâtre pelvi-pédieux sous anesthésie générale. Toutefois, s'il est certain que ces circonstances peuvent être qualifiées de manquement aux bonnes pratiques, rien dans le rapport de l'expert ne permet de retenir qu'elles seraient à l'origine de l'échec thérapeutique, lequel intervient dans 15 % des traitements par traction, qui a conduit à l'option chirurgicale. Dans ces conditions, le taux de perte de chance de 15 % retenu en sus à ce titre, qui a conduit à retenir ensuite une imputabilité à 30 % de la phase d'hospitalisation à Necker, ne permet pas de justifier, compte tenu des incertitudes et des ambiguïtés de l'expertise, une créance non sérieusement contestable. Seuls les frais d'ambulance exposés par la caisse le 27 février 2020

pour 461,18 euros apparaissent imputables directement au transfert interhospitalier fautif.

7. Enfin, si les experts ajoutent que les parents ont été insuffisamment informés sur les alternatives thérapeutiques, ils ne les expliquent pas, et ne mettent pas cette observation en lien avec un taux de perte de chance distinct.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du relèvement en appel des prétentions de la caisse, que sa créance ne revêt un caractère suffisant de certitude que pour la somme de 461,18 euros. Par suite, elle a droit à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale pour le tiers de cette somme, soit 153 euros.

9. Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. " La demande portant sur des intérêts à compter de la date de la présente décision est sans objet au regard de ces dispositions. Il s'ensuit que la demande de capitalisation, qui au demeurant ne peut être présentée que devant le juge du fond et ne peut prendre effet que lorsque les intérêts sont dus pour une année entière, en vertu de l'article 1343-2 du code civil, ne peut qu'être rejetée.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de la Côte Basque la somme que demande la CPAM de Pau-Pyrénées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : Le centre hospitalier de la Côte Basque versera à la CPAM de Pau-Pyrénées,

à titre de provision, la somme de 461,18 euros, ainsi que la somme de 153 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la CPAM de Pau-Pyrénées est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau-Pyrénées, à Mme A... F..., à M. E... C... et au centre hospitalier de la Côte Basque.

Fait à Bordeaux, le 5 mars 2024.

La juge des référés

Catherine B...

La République mande et ordonne au ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 23BX03071

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Numéro d'arrêt : 23BX03071
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET BARDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;23bx03071 ?
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