Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2023, M. B... A..., représenté par Me Malabre, demande à la cour :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 60 jours et a fixé la Guinée comme pays de destination ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail valable jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur sa requête d'appel, dans un délai de cinq jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de prendre une nouvelle décision dans le délai de 15 jours, sous astreinte du même montant ;
3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 400 euros à son avocat sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, s'il n'était pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à lui-même, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a présenté une requête d'appel contre le jugement du 20 juillet 2023 du tribunal administratif de Limoges qui n'a prononcé l'annulation de l'arrêté contesté qu'en tant qu'il porte retrait de l'autorisation de travail qui lui avait été délivrée le 31 mars 2022 ;
- si la jurisprudence considère comme irrecevables les demandes en référé suspension dirigées contre les obligations de quitter le territoire français, la recevabilité d'une telle demande ne fait pas doute s'agissant du refus de titre de séjour ;
- la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite s'agissant des refus de renouvellement de titres de séjour ; il séjourne, étudie et travaille en France depuis l'âge de 16 ans et son droit au travail a été reconnu et renouvelé ; il n'a pu donner suite à la proposition de contrat en alternance qui lui avait été faite, la préfecture ayant illégalement indiqué à son employeur qu'il n'était pas autorisé à travailler ; en l'absence de droit à exercer un emploi et à percevoir des ressources, il est endetté et menacé d'expulsion de son logement ; il est urgent de mettre fin à cette situation ;
- l'abrogation de son autorisation de travail est illégale car intervenue après le délai prévu à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, décidée en violation du principe du contradictoire, prononcée par une autorité incompétente et portant sur une autorisation qui n'était pas illégale ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'abrogation de son autorisation de travail sur laquelle il se fonde ; il résulte de l'ordonnance du 27 avril 2023 du juge des référés du tribunal qu'à la date de la décision contestée et à la date du jugement, il était autorisé à travailler ; le refus du tribunal d'annuler le refus de séjour par voie de conséquence de l'annulation de l'abrogation de l'autorisation de travail permet à la préfecture de se prévaloir d'une décision illégale pour refuser un titre de séjour ; si le tribunal a considéré que le refus de titre de séjour reposait sur une absence de promesse d'embauche ou de contrat de travail, cette absence de contrat est liée à son licenciement qui a lui-même été décidé à la suite d'une décision illégale de la préfecture laquelle a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, comme il aurait dû le faire à la suite de l'annulation du précédent refus de séjour en application de l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il aurait dû a minima, après l'annulation du refus illégal, recevoir récépissé de sa demande de renouvellement de son titre initial en qualité d'étudiant qui autorise à travailler ;
- dès lors qu'il est en France depuis janvier 2018, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance à l'âge de 16 ans et qu'il a étudié et bénéficié d'une formation, d'un apprentissage et d'une offre d'embauche en France où il est parfaitement intégré, il relevait de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-13 de ce code ;
- il relevait à sa majorité de l'article L. 313-15, devenu L. 435-3 du code et devait donc se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié ; en lui délivrant un titre de séjour en qualité d'étudiant qui ne permet de travailler qu'à temps partiel et à titre accessoire, la préfecture a fait usage d'une pratique qui vise à précariser la situation des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance et éviter le renouvellement du titre ; en lui refusant à nouveau un changement de statut alors qu'il avait ab initio droit à un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet a commis une erreur de droit ; il peut contester ce refus par la voie de l'exception, dès lors qu'il n'en a jamais reçu notification ; le refus de renouvellement du titre étudiant est la conséquence nécessaire et directe du refus initial de délivrer un titre salarié ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour salarié est entaché d'une erreur de droit et d'une violation de la loi dès lors qu'il repose sur une abrogation illégale de l'autorisation de travail ;
- la décision contestée méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'une erreur d'appréciation sur ce point ; il est en France depuis l'âge de 16 ans ; il est arrivé en France en 2018 et y a effectué sa scolarité et sa formation ; il est parfaitement francophone ; il a bénéficié d'un contrat jeune majeur, a travaillé et a pu commencer à acquérir son indépendance professionnelle et financière ; il est suivi médicalement en France et reconnu travailleur handicapé ; la préfecture n'a pas étudié et instruit sa demande de façon sérieuse ; s'il n'a pu poursuivre un parcours dans certains domaines, c'est en raison de son inaptitude médicale ; ses parents sont décédés ; il n'a pas d'attaches ailleurs qu'en France.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête relative au fond du litige, enregistrée sous le n° 23BX02643 ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme Jayat, président de chambre, en qualité de juge des référés, en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né en 2002, est entré en France le 22 juin 2018. Il a été pris en charge par le département de la Haute-Vienne à la suite d'une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République de Clermont-Ferrand en date du 14 juillet 2018, puis d'un jugement en assistance éducative du 16 août 2018. Par un arrêté du 7 février 2020, l'autorité préfectorale lui a délivré un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel a été renouvelé jusqu'au 6 décembre 2021. Le 18 novembre 2021, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 29 août 2022, la préfète de la Haute-Vienne a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 28 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté et enjoint à la préfète de la Haute-Vienne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois. Par un arrêté du 17 mai 2023, la préfète de la Haute-Vienne a abrogé la décision portant autorisation de travail délivrée le 31 mars 2022 par la plateforme interrégionale de la main-d'œuvre étrangère de Tulle, a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de soixante jours et a fixé la Guinée comme pays de destination. Par un jugement du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Limoges, saisi par M. A..., a prononcé l'annulation de l'arrêté du 17 mai 2023 en tant qu'il porte abrogation de l'autorisation de travail du 31 mars 2022 et a rejeté le surplus des conclusions de M. A... dirigées contre l'arrêté préfectoral du 17 mai 2023. M. A..., qui a par ailleurs présenté une requête d'appel contre ce jugement, demande dans la présente instance qu'il soit sursis à l'exécution de la partie de l'arrêté du 17 mai 2023 dont le tribunal n'a pas prononcé l'annulation.
Sur l'admission de M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. A... et dès lors qu'il n'a pas encore été définitivement statué sur la demande d'aide juridictionnelle qu'il a présentée, le 6 octobre 2023, il y a lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 17 mai 2023 :
3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". En application de l'article L. 522-3 du même code, lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions de l'article L. 522-1 de ce code relatives à la procédure contradictoire et à la tenue d'une audience.
4. A l'appui de ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 17 mai 2023, M. A... soutient que le refus de délivrance d'un titre de séjour doit être annulé par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'abrogation de son autorisation de travail sur laquelle il se fonde, qu'il relevait de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet aurait donc dû consulter la commission du titre de séjour en application de l'article L. 432-13 de ce code, qu'en lui refusant à nouveau un changement de statut alors qu'il avait dès l'origine droit à un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet a commis une erreur de droit, que le refus de délivrance d'un titre de séjour salarié est entaché d'une erreur de droit et d'une violation de la loi dès lors qu'il repose sur une abrogation illégale de l'autorisation de travail, que la décision contestée méconnaît son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle est également entachée d'une erreur d'appréciation sur ce point et que la préfecture n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation. Au vu de la requête, il apparaît manifeste qu'aucun de ces moyens ne paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence posée à l'article L. 521-1 du code de justice administrative, que la requête en référé de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
ORDONNE :
Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Fait à Bordeaux, le 6 novembre 2023.
La juge des référés,
Elisabeth Jayat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 23BX02644