La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2022 | FRANCE | N°22BX02870

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 08 décembre 2022, 22BX02870


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau de juger, sur le fondement de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales que la garantie qu'ils ont offerte au comptable public du centre des finances publiques de Bordeaux est propre à assurer le recouvrement de la créance détenue par le Trésor et de les dispenser de présenter des garanties autres que celles qu'ils ont déjà constituées.

Par ordonnance du 7 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bord

eaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau de juger, sur le fondement de l'article L. 279 du livre des procédures fiscales que la garantie qu'ils ont offerte au comptable public du centre des finances publiques de Bordeaux est propre à assurer le recouvrement de la créance détenue par le Trésor et de les dispenser de présenter des garanties autres que celles qu'ils ont déjà constituées.

Par ordonnance du 7 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2022, M. et Mme B..., représentés par Me Caubet-Hilloutou, demandent à la cour, sur le fondement de l'article L 552-1 du code de justice administrative et L 279 du livre des procédures fiscales, de décider que les garanties proposées sont propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor, de les dispenser de présenter d'autres garanties et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le juge des référés a inversé le raisonnement qu'ils lui ont proposé qui consistait à apprécier en premier lieu le cautionnement par la SCI Tandonnet-Brascassat et ensuite l'hypothèque légale que le comptable pouvait prendre sur l'immeuble appartenant à la SCI s'il estimait le cautionnement insuffisant, et a ainsi substitué des motifs à ceux évoqués par l'administration s'agissant du caractère suffisant de l'acte de cautionnement alors que la question de la solvabilité de la SCI n'était pas en débat et ne leur a donc pas permis de présenter leur position sur ce point ; son ordonnance est donc entachée d'irrégularité ;

- les garanties qu'ils ont proposées étaient propres à rassurer le trésor public sur le paiement éventuel de la dette fiscale ; ils ont présenté un acte de cautionnement de la SCI Tandonnet-Brascassat conforme aux dispositions du code civil et également proposé au compte de prendre une hypothèque légale sur l'immeuble de cette société, immeuble dont la valeur excède plus de 56 fois la valeur de leur dette fiscale ; les créances du Trésor sont au nombre des hypothèques légales et une telle hypothèque prend rang au jour de son inscription au fichier immobilier ; la circonstance que le bien fasse l'objet d'une procédure d'expropriation est sans incidence dès lors que le créancier hypothécaire conserve son droit de préférence et que l'expropriation purge l'hypothèque légale en application de l'article 1461 du code civil ; le comptable public a donc commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- le débat sur les droits de la SCI sur son bien en raison de l'application de l'article L. 222-2 du code de l'expropriation est inopérant dès lors que le caractère suffisant des garanties fournies par le contribuable dépend de la comparaison entre le montant dû et la valeur des garanties proposées ; or ils proposent deux garanties, l'hypothèque étant complémentaire du cautionnement ;

- le cautionnement est une garantie admise habituellement par l'administration des impôts comme le rappelle le bulletin officiel des impôts BOI-REC-GAR-20-40 opposable à l'administration et prévue par le code civil ; la SCI dispose d'un bien dont la valeur est largement supérieure à la dette fiscale ; lorsque la créance de l'Etat sera susceptible d'être exigible courant 2026, la SCI aura perçu le prix de l'expropriation de son bien dès lors que le juge de l'expropriation va statuer au terme d'une audience du 26 janvier 2023 ; la valeur de l'expropriation est au surplus largement excédentaire par rapport aux autres dettes de la SCI consistant en emprunts d'une valeur totale de 303 456 euros et s'élève alors à 651 244 euros soit 39 fois le montant de leur dette fiscale ;

- la jurisprudence admet qu'une SCI puisse se porter caution d'un de ses associés sans exiger que l'activité de caution entre dans son objet social ; la caution n'est pas une activité professionnelle mais une activité civile se rattachant à la personnalité morale de la société prévue par l'article 2288 du code civil ;

- la jurisprudence judiciaire dont se prévaut l'administration n'est pas topique dès lors que le patrimoine de la SCI est largement supérieur à la créance de l'Etat et que son existence n'est pas compromise en cas de mise en jeu de la garantie ;

- l'acte de cautionnement signés par les 2 seuls associés de la SCI remplit les conditions de l'article 1854 du code civil ;

- l'offre de garantie par une hypothèque sur le bien présentée par la SCI n'est pas une éventualité mais une offre en complément de l'acte de cautionnement ;

- la circonstance que le bien fasse l'objet d'une procédure d'expropriation est sans incidence sur la possibilité de prendre une hypothèque dès lors que le créancier hypothécaire conserve son droit de préférence sur l'indemnité ; l'expropriation est une garantie pour le Trésor qui obtient le paiement de sa créance dès le paiement par l'expropriant de l'indemnité ; l'article L. 222-2 du code de l'expropriation, invoqué par l'administration doit être écarté comme contraire à l'article 1e du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il permet la privation du droit de propriété avant le versement de l'indemnité due au propriétaire ; le moyen tiré de l'inconventionnalité de cet article est opérant et recevable ; cet article méconnait l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme dès lors qu'il empêche la SCI de constituer une garantie sur ses biens alors qu'elle n'a reçu aucune indemnité plus de 16 mois après la publication de l'ordonnance d'expropriation mais ils ne peuvent plus exercer leur droit à une question prioritaire de constitutionnalité ; le juge des référés s'est mépris sur la portée du moyen qui tendait à un contrôle de conventionnalité tiré de l'article 1e du premier protocole additionnel et non à un contrôle de constitutionnalité de cet article du code de l'expropriation ;

- contrairement à ce qu'a estimé l'administration le montant cautionné garantit pleinement les droits du Trésor ; l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ne fixe pas de montant maximum des garanties constituées qui peut être d'un montant plus élevé que le montant en principal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'expropriation ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné notamment Mme A... en qualité de juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., qui ont contesté les suppléments d'impôts sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2017, 2018 et 2019 à la suite du contrôle de la société civile immobilière (SCI) Tandonnet-Brascassat dont M. B... est associé gérant à hauteur de 99 %, et qui ont sollicité le bénéfice du sursis de paiement à hauteur des impositions contestées, se sont vus opposer par le comptable public des refus de la garantie qu'ils ont proposée pour bénéficier de ce sursis de paiement. Par ordonnance du 7 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la contestation de ce refus.

2. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / (...) / Lorsque la réclamation mentionnée au premier alinéa porte sur un montant de droits supérieur à celui fixé par décret, le débiteur doit constituer des garanties portant sur le montant des droits contestés. (...) ". Aux termes de l'article L. 279 du même livre, auquel renvoie l'article L. 552-1 du code de justice administrative : " En matière d'impôt directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont été refusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable, porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge du référé administratif (...). Le juge du référé décide dans le délai d'un mois si les garanties offertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277 et si, de ce fait, elles doivent être ou non acceptées par le comptable. Il peut également dans le même délai, décider de dispenser le redevable de garanties autres que celles déjà constituées. Dans les huit jours suivant la décision du juge, le redevable et le comptable peuvent, par simple demande écrite, faire appel devant le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet. Celui-ci dans le délai d'un mois décide si les garanties doivent être acceptées, comme répondant aux conditions de l'article L 277.(...) ".

3. Les garanties proposées par le contribuable doivent présenter un degré de sécurité et de disponibilité suffisant pour permettre au Trésor d'exercer ses droits de préférence, de rétention et de suite. Il appartient ainsi au juge des référés de dire dans quelle mesure la garantie proposée par le contribuable, qui souhaite différer le paiement des impositions qu'il conteste durant l'instruction de sa réclamation, et éventuellement jusqu'au jugement, est susceptible d'assurer, dans des conditions de sécurité et de disponibilité satisfaisantes, le recouvrement de l'imposition contestée. Il appartient au contribuable d'apporter les éléments nécessaires à l'appréciation de la valeur des garanties offertes.

4. Les requérants soutiennent que les garanties qu'ils ont proposées au comptable public durant l'année 2022, consistant en un acte de cautionnement de la SCI Tandonnet-Brascassat, propriétaire d'un immeuble, pour le paiement de la créance fiscale du Trésor ainsi qu'en l'inscription d'une hypothéque légale sur les biens de la SCI si le cautionnement était jugé insuffisant, suffisaient dans la mesure où la valeur de l'immeuble propriété de la SCI présentait une valeur bien supérieure à leur dette fiscale.

5. Toutefois, ainsi que l'a considéré le premier juge qui n'a pas procédé à une inversion du raisonnement des requérants et n'a pas davantage méconnu le contradictoire, il résulte de l'instruction que les biens appartenant à la SCI Tandonnet-Brascassat, constitués des parcelles cadastrées section 63BY n° 117, 118, 119 et 331, ont fait l'objet le 19 juin 2020 d'une ordonnance d'expropriation, publiée au fichier immobilier le 21 juillet 2021, au profit de l'établissement public Bordeaux Euratlantique. Dès lors, à compter de cette date, du fait de l'intervention de cette ordonnance, la SCI Tandonnet-Brascassat ne disposait plus desdites parcelles. Par suite, la garantie proposée consistant en un acte de cautionnement de cette société n'ayant plus de droits sur son patrimoine, sur lequel le comptable public ne pouvait donc prétendre à l'inscription d'une hypothèque, ne présentait pas un caractère susceptible d'assurer, dans des conditions de sécurité et de disponibilité satisfaisantes, le recouvrement de l'imposition contestée, sans que les requérants puissent se prévaloir utilement de la doctrine administrative qui ne contient aucune position contraire à ce qui précède. A cet égard, est inopérante la circonstance invoquée selon laquelle l'acte de cautionnement serait conforme aux dispositions légales régissant les cautionnements. Il en va de même, ainsi que l'a estimé le premier juge qui ne s'est pas mépris sur sa portée, du moyen tiré de l'inconventionnalité de l'article L 222-2 du code de l'expropriation avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au respect des biens, dès lors que l'insuffisance des garanties proposées par les requérants résulte de leur absence de droits sur les biens, du fait de l'intervention de l'ordonnance d'expropriation devenue définitive du juge judiciaire transférant leur propriété à la société Euratlantique dont ils ont contesté la proposition d'indemnisation. Enfin, il résulte de ce qui précède que si les requérants se prévalent du montant de l'indemnité d'expropriation que la SCI sera amenée à percevoir, bien supérieur au montant de la dette fiscale, l'acte de cautionnement proposé ne permet pas, à lui seul, au comptable public de disposer d'une garantie suffisante de recouvrement de la somme due auprès de la SCI lors du paiement de cette indemnité d'expropriation. Par suite, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que cette offre de garantie n'avait pas à être acceptée par le comptable public.

6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté leur demande. Leur requête doit donc être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme C... B... et au directeur régional des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde.

Copie sera adressée au ministre de l'action et des comptes publics.

Fait à Bordeaux, le 8 décembre 2022.

La juge des référés,

Evelyne A...

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 22BX02870


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 22BX02870
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CAUBET-HILLOUTOU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-08;22bx02870 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award