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05/08/2022 | FRANCE | N°22BX01802

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 05 août 2022, 22BX01802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des séquelles dont elle demeure atteinte en relation directe et certaine avec l'agression dont elle a été victime le 7 juin 2017 par le mineur B... A... dont elle avait la charge en tant qu'assistante familiale employée par le département du Nord et d'évaluer les Ã

©ventuels préjudices qu'elle subit, en lien direct avec cette agression.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des séquelles dont elle demeure atteinte en relation directe et certaine avec l'agression dont elle a été victime le 7 juin 2017 par le mineur B... A... dont elle avait la charge en tant qu'assistante familiale employée par le département du Nord et d'évaluer les éventuels préjudices qu'elle subit, en lien direct avec cette agression.

Par une ordonnance n° 2106630 du 21 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné l'expertise sollicitée aux fins de déterminer les conséquences sur l'état de santé de Mme E... de l'agression dont elle a été victime, commise par un enfant dont l'accueil lui avait été confié dans le cadre de ses fonctions d'assistante familiale, et a fixé la mission de l'expert désigné.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 5 juillet 2022 et le 19 juillet 2022, le département du Nord, représenté par la Selarl Interbarreaux Racine agissant par Me Hounieu, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2106630 du 21 juin 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de Mme E... comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le juge des référés de première instance a méconnu la répartition des compétences juridictionnelles en accueillant la demande formulée par Mme E... dès lors qu'elle est manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative ;

- il a excédé ses pouvoirs dès lors qu'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur le fondement de responsabilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme D... C... pour statuer en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., agente contractuelle recrutée en qualité d'assistante familiale par le département du Nord du 13 juillet 2012 au 25 septembre 2019, s'est vu confier l'accueil à son domicile du jeune B... A..., âgé de 14 ans, à compter du 30 novembre 2016. Après avoir alerté sa supérieure hiérarchique à plusieurs reprises sur son comportement, Mme E... a été agressée violemment par le jeune B... le 7 juin 2017 et a perdu connaissance. Mme E... a subi de nombreux traitements médicamenteux et opératoires pour soulager ses douleurs physiques mais également ses angoisses post-traumatiques. Le 23 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne a notifié à Mme E... un taux d'incapacité permanente fixé à 7%. Le 25 septembre 2019, le département du Nord a mis fin au contrat de travail de Mme E... pour inaptitude. Mme E..., qui estime que son état de santé s'est aggravé et l'empêche de reprendre une vie normale et de travailler, a indiqué qu'elle souhaitait engager la responsabilité de son employeur, pour risque, du fait de l'agression dont elle a été victime, afin d'obtenir réparation de l'intégralité des préjudices qu'elle subit. Elle a sollicité à cette fin la prescription d'une expertise judiciaire. Par une ordonnance du 21 juin 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné l'expertise sollicitée aux fins de déterminer les conséquences sur l'état de santé de Mme E... de l'agression dont elle a été victime, commise par un enfant dont l'accueil lui avait été confié dans le cadre de ses fonctions d'assistante familiale, et a fixé la mission de l'expert désigné. Le département du Nord relève appel de cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative :

" Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative

préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". Cette utilité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. Avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties éventuellement appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige, et dès lors que ce dernier est de nature à relever, fût-ce pour partie, de l'ordre de juridiction auquel il appartient, le juge des référés a compétence pour ordonner une mesure d'instruction sans que soit en cause le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Il n'en est autrement que lorsqu'il est demandé au juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction qui porte à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas l'ordre de juridiction auquel il appartient.

4. Aux termes de l'article L. 421-13 du code de l'action sociale et des familles : " Les assistants maternels agréés employés par des particuliers doivent obligatoirement s'assurer pour tous les dommages, quelle qu'en soit l'origine, que les enfants gardés pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes. Leurs employeurs sont tenus, avant de leur confier un enfant, de vérifier qu'ils ont bien satisfait à cette obligation. / Les assistants maternels employés par des personnes morales, les assistants familiaux ainsi que les personnes désignées temporairement pour remplacer ces derniers sont obligatoirement couverts contre les mêmes risques par les soins des personnes morales qui les emploient ". Il résulte de ces dispositions législatives que la responsabilité du département, dont relève le service de l'aide sociale à l'enfance, est engagée, même sans faute, envers une assistante familiale agréée pour les dommages subis par celle-ci du fait d'un enfant dont l'accueil lui a été confié. Dès lors, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif sans excéder son office, le contentieux indemnitaire envisagé par Mme E... est susceptible de relever de la compétence de la juridiction administrative. Par suite, il n'était pas demandé audit juge des référés d'ordonner une mesure d'instruction portant à titre exclusif sur un litige dont la connaissance au fond n'appartient manifestement pas l'ordre de juridiction auquel il appartient.

5. Il résulte de ce qui précède que le département du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a admis la compétence de la juridiction administrative pour ordonner l'expertise, dont l'utilité n'est pas contestée, sollicitée par Mme E....

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise au titre des frais liés à l'instance à la charge de Mme E... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du département du Nord est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au département du Nord, à Mme G... E... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Pau. Une copie en sera adressée au docteur H... F..., expert.

Fait à Bordeaux, le 5 août 2022.

Le juge des référés,

Karine C...

La République mande et ordonne aux préfets de la Dordogne et du Nord, en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22BX01802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 22BX01802
Date de la décision : 05/08/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL INTERBARREAUX RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-08-05;22bx01802 ?
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