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01/06/2022 | FRANCE | N°22BX00102

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 01 juin 2022, 22BX00102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Coveris a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la collectivité territoriale de Martinique (CTM) à lui verser une provision d'un montant de 497 851, 56 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 novembre 2019 et de leur capitalisation en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Par une ordonnance n° 2000261 du 29 décembre 2021, le j

uge des référés du tribunal administratif de la Martinique a condamné la CTM au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Coveris a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la collectivité territoriale de Martinique (CTM) à lui verser une provision d'un montant de 497 851, 56 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 novembre 2019 et de leur capitalisation en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement.

Par une ordonnance n° 2000261 du 29 décembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a condamné la CTM au paiement à la société Coveris d'une provision de 497 851,56 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 novembre 2019, avec capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2022, la CTM, représentée par Me Catol, demande au juge d'appel des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 29 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de rejeter la demande de provision présentée devant le premier juge par la société Coveris ;

3°) de mettre à la charge de la société Coveris une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge n'a pas tenu compte de l'existence de réserves non levées, qui faisaient obstacle à ce que fût reconnue l'existence d'un décompte général et définitif tacite, et de l'absence de mise en demeure adressée par la société Coveris au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage afin d'obtenir un décompte général ;

- de plus, le marché a déjà été presque entièrement soldé puisqu'une somme de 696 847,12 euros TTC a déjà été versée à l'intimée, sur un montant total de 696 847,12 euros TTC ; par voie de conséquence, aucune provision n'était due, en vertu de la jurisprudence Mergui.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, la société Coveris, représentée par Me Hounieu, conclut au rejet de la requête et à ce que la CTM lui verse une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. A... B... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat conclu le 17 juillet 2015, la collectivité territoriale de Martinique (CTM) a confié à la société Coveris le lot n° 5 " façades vitrées " d'un marché en vue de la reconstruction de l'observatoire volcanique du Morne des Cadets pour un montant de 619 911,41 euros HT. Le 28 février 2019, la réception du marché a été prononcée sous réserves. Le 18 juillet 2019, la société Coveris a établi son projet de décompte final, et en l'absence de notification d'un décompte général dans le délai de trente jours, prévu par l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG-Travaux), a adressé un projet de décompte général définitif conformément aux stipulations de l'article 13.4.4 du même CCAG le 10 octobre 2019 tant au maître d'œuvre qu'au maître de l'ouvrage. S'estimant titulaire d'un décompte général et définitif tacite, la société a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la CTM à lui verser une provision d'un montant de 497 851,56 euros.

2. La CTM relève appel de l'ordonnance du 29 décembre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a condamné la CTM à verser à la société Coveris une provision de 497 851,56 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 27 novembre 2019, avec capitalisation des intérêts.

3. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

4. D'autre part et aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) ". Selon l'article 13.3.2 : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'œuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais ci-dessus ". Aux termes de l'article 13.4 : " Décompte général. - Solde : / 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général (...) / Le maître d'œuvre transmet le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2. / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'œuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) 13.4.4. si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, un projet de décompte général signé, composé : / - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; / - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif ". Et aux termes de l'article 41.3 : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. /La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. /Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire ". Enfin, aux termes de l'article 41.5 : " S'il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, le maître de l'ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois.

La constatation de l'exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l'article 41.2 ".

5. Il résulte des stipulations citées au point 4 que lorsque le pouvoir adjudicateur entend prononcer la réception en faisant application des dispositions de l'article 41.6 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, relatives à la réception avec réserve des travaux, la date de notification de la décision de réception des travaux constitue le point de départ des délais prévus au premier alinéa de l'article 13.3.2, quelle que soit l'importance des réserves émises par le pouvoir adjudicateur. En revanche, cette date est celle de la levée des réserves lorsque la réception a été prononcée sous réserves en application de l'article 41.5 de ce cahier.

6. Il résulte de l'instruction que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la réception des travaux confiés à la société Coveris est intervenue non pas avec réserves, en faisant application des dispositions de l'article 41.6 du CCAG Travaux relatives à la réception avec réserve des travaux, mais sous réserves selon les modalités prévues par l'article 41.5 de ce CCAG. En conséquence, c'est la date de levée de réserves qui constitue en l'espèce le point de départ des délais prévus au premier alinéa de l'article 13.3.2. Or, les réserves en cause, qui concernaient des problèmes d'étanchéité de l'ouvrage et étaient susceptibles de le rendre impropre à sa destination, n'ont pas été levées. Par ailleurs la CTM n'a pas notifié de décompte. Dans ces conditions, c'est à tort que le premier juge a considéré que le projet de décompte général transmis par la société Coveris est tacitement devenu le 26 octobre 2019 le décompte général et définitif du marché liant définitivement les parties.

7. Il résulte de ce qui précède que la CTM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique l'a condamnée à verser à la société Coveris une provision de 497 851,56 euros ainsi qu'une somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement et a mis à sa charge le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En outre, dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement à la CTM d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique du 29 décembre 2021 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Coveris au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique est rejetée

Article 3 : La société Coveris versera à la CTM la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la collectivité territoriale de Martinique et à la société par actions simplifiée Coveris. Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Martinique.

Fait à Bordeaux, le 1er juin 2022.

Le juge d'appel des référés,

Éric B...

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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No 22BX00102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 22BX00102
Date de la décision : 01/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CATOL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-01;22bx00102 ?
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