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21/03/2022 | FRANCE | N°21BX04691

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 21 mars 2022, 21BX04691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à lui verser une provision

de 48 069,25 euros au titre des préjudices subis du fait de la maladie imputable au service

dont elle est atteinte.

Par ordonnance n° 2100332 du 13 décembre 2021, la juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier universitaire de Poitiers à lui verser

une pro

vision de 21 493 euros, et a également fait droit à sa demande de frais à hauteur

de 1 500 euros....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers à lui verser une provision

de 48 069,25 euros au titre des préjudices subis du fait de la maladie imputable au service

dont elle est atteinte.

Par ordonnance n° 2100332 du 13 décembre 2021, la juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier universitaire de Poitiers à lui verser

une provision de 21 493 euros, et a également fait droit à sa demande de frais à hauteur

de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2021, le centre hospitalier universitaire de Poitiers demande au juge d'appel des référés :

1°) d'annuler cette ordonnance du 13 décembre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'elle a écarté la prescription quadriennale opposée par le CHU de Poitiers et accordé des indemnités correspondant à l'accident de 2006 alors que la créance en découlant était prescrite ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- Mme B..., agent des services hospitaliers (ASH) qui a bénéficié d'une reconnaissance d'imputabilité au service de la pathologie du rachis déclarée en 2006, avait repris ses fonctions en septembre 2008 ; les nouvelles douleurs déclarées en 2017 et 2018 ont été regardées comme une rechute de la maladie lombaire imputable au service, mais au regard d'une consolidation acquise en 2018, elle a été placée ensuite en congé de maladie ordinaire ;

- c'est à tort que la première juge n'a pas retenu la prescription quadriennale opposée aux préjudices imputables à " l'accident du 11 décembre 2007 ", alors que l'intéressée devait être tenue pour consolidée à la date de reprise du travail le 22 septembre 2008 ; la consolidation ne relève pas de la décision de l'employeur mais correspond à un état de fait, la stabilisation de l'état de santé, qu'il appartient au juge de constater, le cas échéant en ordonnant une mesure d'expertise ; en ne recherchant pas l'existence d'une consolidation, la première juge a entaché sa décision d'une erreur de droit et d'une erreur de fait ; la créance relative aux préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux temporaires résultant de la maladie entre le 18 octobre 2006 et le 21 septembre 2008 était prescrite au 1er janvier 2013, et donc sérieusement contestable.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2022, Mme B... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du CHU une somme de 2 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHU ne conteste pas que sa responsabilité sans faute est engagée ;

- l'expertise a objectivé l'étendue de ses préjudices ;

- l'expert ayant reconnu la consolidation au 24 octobre 2018, les préjudices subis de 2006 à 2008 n'étaient pas prescrits et c'est à bon droit que la première juge, qui s'est fondée sur les pièces du dossier sans exiger une décision de l'administration, a estimé que la reprise des activités professionnelles le 22 septembre 2008 était sans effet sur la date de consolidation ;

- les sommes allouées doivent être confirmées ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., agent des services hospitaliers qualifié au centre hospitalier universitaire de Poitiers, a été victime d'une discopathie, opérée en octobre 2007, et reconnue comme imputable au service par décision du 11 décembre 2007. A l'issue d'une période

de congés de maladie, elle a repris ses fonctions, d'abord à mi-temps thérapeutique,

le 22 septembre 2008. En 2017 de nouvelles douleurs invalidantes ont conduit à reconnaître la persistance d'une discopathie dégénérative, et elle a été placée à nouveau en arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter du 25 mai 2018, reconnue comme une rechute par décision

du 11 janvier 2019. Elle a sollicité une expertise du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, qui a été ordonnée le 6 février 2020. Le rapport du chirurgien orthopédiste a été déposé le 21 octobre 2020. Après avoir sollicité en vain du CHU une indemnité, Mme B... a demandé au même juge de condamner le centre hospitalier à lui verser une provision

de 48 069,25 euros à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, qu'elle a également demandée au fond. Le centre hospitalier relève appel de l'ordonnance du 13 décembre 2021 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser à Mme B... une provision de 21 493 euros.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. Le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie imputable au service, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que les pertes de revenus et l'incidence professionnelle ou des préjudices personnels, a droit à obtenir de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité réparant ces chefs de préjudice. L'agent a également droit à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage résultant d'un accident de service, dans le cas où cet accident serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique qui l'emploie.

4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".

5. S'agissant d'une créance indemnitaire détenue sur une collectivité publique au titre d'un dommage corporel engageant sa responsabilité, le point de départ du délai de prescription prévu par ces dispositions est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités liées à ce dommage ont été consolidées. Il en est ainsi pour tous les postes de préjudice, aussi bien temporaires que permanents, qu'ils soient demeurés à la charge de la victime ou aient été réparés par un tiers, tel qu'un organisme de sécurité sociale, qui se trouve subrogé dans les droits de la victime.

6. Le centre hospitalier se borne à critiquer la réponse apportée par la première juge à l'exception de prescription quadriennale qu'il a opposée pour les préjudices antérieurs à 2008. Contrairement à ce qu'il soutient, il ressort de l'ordonnance attaquée que la première juge

a recherché la date de consolidation de la pathologie en litige, et qu'elle a retenu la date proposée par l'expert, soit le 24 octobre 2018. Il ressort du rapport d'expertise que la patiente n'avait précédemment " jamais été consolidée ". La circonstance qu'elle ait repris le travail en 2008,

qui ne signifie pas que sa maladie n'était plus susceptible d'évoluer, ne saurait, au regard

de l'histoire ultérieure de la maladie, caractériser une consolidation. Au demeurant, le CHU a lui-même reconnu, dans sa décision du 11 janvier 2019, que les arrêts de travail du 25 mai au

27 juillet 2018 et du 27 août au 23 octobre 2018 " sont en relation directe avec la maladie professionnelle tableau 98 du 10 août 2007, reconnue imputable au service ". Dans ces conditions, il n'est pas fondé à contester la date de consolidation du 24 octobre 2018, ni à soutenir, compte tenu de la date de la réclamation préalable du 25 novembre 2020, que les créances relatives aux préjudices antérieurs à 2008 auraient été prescrites à la date à laquelle l'intéressée l'a saisi d'une demande indemnitaire.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête du CHU de Poitiers doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige:

8. Les conclusions du CHU, partie perdante dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU

une somme de 1 200 euros à verser à Mme B... sur le fondement des dispositions

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du CHU de Poitiers est rejetée.

Article 2 : Le CHU versera à Mme B... une somme de 1200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier universitaire de Poitiers et à Mme A... B....

Fait à Bordeaux, le 21 mars 2022

La juge d'appel des référés,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 21BX04691


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 21BX04691
Date de la décision : 21/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015-04 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision. - Conditions.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-21;21bx04691 ?
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