La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°22BX00243

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 17 mars 2022, 22BX00243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 30 mars 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au CHU de la Guadeloupe de le réintégrer et de reconstituer sa carrière et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de just

ice administrative.

Par un jugement n° 2000840 du 19 novembre 2021, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 30 mars 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au CHU de la Guadeloupe de le réintégrer et de reconstituer sa carrière et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000840 du 19 novembre 2021, le tribunal administratif

de la Guadeloupe a annulé la décision du 30 mars 2020 du directeur du CHU de Guadeloupe et sa décision de rejet du recours gracieux de M. A..., a enjoint au CHU de Guadeloupe

de réintégrer M. A... à compter du 18 mars 2020 et de reconstituer sa carrière depuis cette date, a mis à la charge de cet établissement une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. A...

et les conclusions présentées par le CHU de la Guadeloupe.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 janvier 2022, le CHU de la Guadeloupe, représenté

par Me Lacroix, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2021 du tribunal administratif de la Guadeloupe ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le courrier de mise en demeure adressé à M. A... respectait les conditions de forme requises et l'informait du risque encouru ; cette mise en demeure lui a été adressée par courrier recommandé et courrier simple ; le pli recommandé a été présenté à son domicile

le 16 mars 2020, de sorte qu'il a nécessairement reçu le courrier simple à la même date ;

- M. A... ayant volontairement décidé de ne pas retirer le courrier recommandé, la mise en demeure lui a été régulièrement notifiée à la date de présentation du pli ;

- la décision de radiation des cadres a été notifiée en mains propres le 20 avril 2020 ; la décision est entrée en vigueur le 20 avril 2020, date à laquelle le délai de 15 jours de mise en instance du pli recommandé était expiré ;

- M. A... a été admis, à sa demande, à la retraite à compter du 18 mars 2020 ; cette circonstance fait obstacle à ce que l'exécution de l'annulation de sa radiation des cadres implique sa réintégration effective et la reconstitution de sa carrière à partir du 18 mars 2020 ; cette décision de mise à la retraite est créatrice de droit et ne peut pas être retirée sans demande en ce sens de M. A....

Vu :

- le code des postes et télécommunications ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations

des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".

2. M. A..., conducteur ambulancier au centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe, a été radié des cadres pour abandon de poste à compter du 18 mars 2020 par une décision du directeur de cet établissement du 30 mars 2020. Par un jugement

du 19 novembre 2021, dont le centre hospitalier relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cette décision et enjoint à l'établissement de réintégrer M. A... à compter du 18 mars 2020 et de reconstituer sa carrière.

3. En premier lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

4. Aux termes de l'article R. 1-1-6 du code des postes et des communications électroniques : " Lorsque la distribution d'un envoi postal recommandé relevant du service universel est impossible, le destinataire est avisé que l'objet est conservé en instance pendant quinze jours calendaires. A l'expiration de ce délai, l'envoi postal est renvoyé à l'expéditeur lorsque celui-ci est identifiable ". Lorsque l'administration notifie la mise en demeure, préalable à la radiation des cadres d'un agent, par lettre recommandée avec accusé de réception, elle ne peut, si elle décide de radier des cadres cet agent, regarder cette mise en demeure comme opposable que si l'intéressé n'a pas retiré le pli à l'expiration du délai de garde de quinze jours calendaires prévu par l'article R. 1-1-6 du code des postes et télécommunications.

5. Il ressort des pièces du dossier que le courrier recommandé, par lequel le directeur du CHU de la Guadeloupe a mis M. A... en demeure de régulariser sa situation ou de reprendre son poste au plus tard le 18 mars 2020, a été présenté au domicile de l'intéressé le 16 mars 2020 puis retourné à son expéditeur avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Ainsi, le délai de quinze jours dont M. A... disposait, en vertu des dispositions précitées, pour retirer le pli en cause et répondre à la mise en demeure n'était pas expiré à la date du 30 mars 2020 à laquelle le directeur du centre hospitalier a pris sa décision. Par ailleurs, si le CHU de la Guadeloupe fait valoir que cette mise en demeure a également été adressée à M. A... par envoi simple, elle n'est pas en mesure de démontrer à quelle date l'intéressé a reçu ce second courrier. Enfin, la décision de radiation des cadres, quoique notifiée le 20 avril 2020, a été prise dès

le 30 mars 2020. Dans ces conditions, M. A... ne pouvait être regardé comme ayant pris connaissance de la mise en demeure à la date à laquelle a été prise la décision de radiation des cadres, soit le 30 mars 2020. L'établissement ne pouvait dès lors légalement estimer, à cette date, que le lien avec le service avait été rompu du fait de l'intéressé. La décision de radiation des cadres pour abandon de poste a ainsi, comme l'ont estimé les premiers juges, été prise en méconnaissance des principes énoncés au point 3.

6. En second lieu, l'annulation d'une décision ayant irrégulièrement radié des cadres un fonctionnaire pour abandon de poste oblige l'autorité compétente à réintégrer l'intéressé à la date de son éviction irrégulière et à prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour reconstituer sa carrière et le placer dans une situation régulière. Le CHU de la Guadeloupe n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal lui a ordonné de réintégrer M. A... au 18 mars 2020 et de reconstituer sa carrière. Le CHU fait valoir, pour la première fois en appel, que l'intéressé a, sur sa demande, été admis à faire valoir ses droits à la retraite à la date du 18 mars 2020. Cependant, à supposer que l'exécution du jugement attaqué n'appelle plus de mesure particulière, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de l'injonction prononcée par le tribunal.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel du CHU de la Guadeloupe, qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure qu'elles prévoient, y compris les conclusions au titre des frais d'instance.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du CHU de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe. Copie en sera adressée à M. B... A....

La présidente de la 2ème chambre,

Catherine GIRAULT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 22BX00243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 22BX00243
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07 Procédure. - Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-17;22bx00243 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award