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16/12/2021 | FRANCE | N°20BX04114

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 16 décembre 2021, 20BX04114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société Skyway Duty Free à lui verser, à titre de provision, une somme de 102 436,23 euros correspondant aux redevances d'occupation des installations commerciales aéroportuaires qu'elle n'a pas réglées.

Par une ordonnance n° 2000083 du 18 novembre 2020, le juge des référés du trib

unal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société Skyway Duty Free à lui verser, à titre de provision, une somme de 102 436,23 euros correspondant aux redevances d'occupation des installations commerciales aéroportuaires qu'elle n'a pas réglées.

Par une ordonnance n° 2000083 du 18 novembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 14 décembre 2021, la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case, représentée par Me Guijarro, demande au juge des référés de la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'infirmer cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de

Saint-Martin ;

2°) de condamner la société Skyway Duty Free à lui verser à titre de provision la somme de 169 646,12 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture ;

3°) de condamner la société Skyway Duty Free à lui payer 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- la force majeure retenue par le premier juge n'est pas caractérisée ;

- à la supposer caractérisée, la force majeure est sans effet sur une obligation de paiement des redevances d'occupation du domaine alors que l'intéressée occupe les locaux et que le contrat n'est pas suspendu ni résilié de telle sorte qu'elle ne saurait constituer une contestation sérieuse sur le bien-fondé de la créance ;

- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, aucune contestation sérieuse n'a été soulevée, et d'ailleurs ne peut être retenue, s'agissant du quantum des redevances ;

- la convention est venue à expiration le 30 juin 2021 et la société n'a pas quitté les locaux qu'elle occupe désormais sans droit ni titre.

Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2020, la société Skyway Duty Free, représentée par Me Bille, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la créance de la société Edeis aéroport de Grand Case est contestable compte tenu de l'ouragan, des blocages dus aux grèves et de la crise sanitaire.

La médiation ordonnée le 19 avril 2021 sur le fondement de l'article L. 213-7 du code de justice administrative n'a pas abouti.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 décembre 2021 à 12h00 par une ordonnance du 23 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné Mme A... comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case, gestionnaire de l'aéroport

Saint-Martin Grand Case, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de

Saint-Martin de condamner la société Skyway Duty Free, bénéficiaire d'une autorisation d'occupation temporaire de trois locaux commerciaux situés dans le domaine public aéroportuaire, à lui verser, à titre de provision, la somme de 103 436,223 euros au titre des redevances d'occupation non réglées de 2016 à 2020. Elle relève appel de l'ordonnance du 18 novembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande et porte, dans le dernier état de ses écritures, le montant réclamé à la somme de 169 646,12 euros en y incluant les indemnités au titre de l'occupation des locaux sans droit ni titre durant l'année 2021.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. Conformément aux principes applicables au domaine public qui résultent des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, toute occupation du domaine public donne lieu au paiement d'une redevance laquelle tient compte des avantages de toute nature procurés par cette utilisation.

4. En l'espèce, il résulte de la convention d'occupation conclue entre, d'une part, la société d'exploitation de Saint-Martin Aéroport, aux droits de laquelle vient la société Edeis, et, d'autre part, la société Skyway Duty Free que l'autorisation a été accordée pour une durée de cinq ans à compter du 1er juillet 2016 et que la redevance domaniale est composée d'une part fixe, sur la base d'un prix, révisable chaque année, de 520 euros hors taxe par mètre carré, et d'une part variable, fixée à 10% du chiffre d'affaires hors taxe du titulaire. Il est constant que la société Skyway Duty Free ne s'est pas acquittée de la totalité des redevances dues pour l'occupation des locaux qu'elle occupe.

5. Pour rejeter la demande de la société Edeis, le premier juge, après avoir mentionné que la société Skyway Duty Free se prévalait, pour contester l'exigibilité de sa dette, de la force majeure résultant des conflits sociaux qui ont impacté l'économie de l'île et de la crise sanitaire, a estimé que la créance dont se prévalait la société Edeis se heurtait à une contestation sérieuse.

S'agissant des années 2016 à 2019 :

6. Il est constant que ni le passage de l'ouragan Irma le 6 septembre 2017 ni les diverses manifestations de la fin du mois de décembre 2019 n'ont fait obstacle à l'exécution de la convention d'occupation du domaine public conclue entre la société Edeis et la société Skyway Duty Free, qui a occupé les locaux situés dans l'enceinte de l'aéroport durant toute la période comprise entre le 1er juillet 2016 et le 31 décembre 2019. Dès lors, la société Skyway Duty Free ne peut utilement soutenir que ces évènements seraient constitutifs d'un cas de force majeure susceptible de faire obstacle à l'application des stipulations de la convention, en particulier au paiement des redevances et autres charges fixées par ladite convention. Par ailleurs aucune pièce du dossier ne permet de considérer que le montant des redevances fixé par cette convention n'aurait pas tenu compte des avantages de toute nature que la société Skyway Duty Free a été susceptible de retirer de cette occupation durant ladite période. Par suite, la société Skyway Duty Free est redevable des redevances d'occupation sur cette période, lesquelles prennent en compte les répercussions économiques de ces évènements dès lors qu'elles sont composées d'une part variable calculée en fonction du chiffre d'affaires réalisé par le titulaire de la convention. Dans ces conditions, compte tenu des sommes déjà réglées par la société Skyway Duty Free, celle-ci reste redevable de la somme de 24 916,80 euros au titre de la redevance variable sur le chiffre d'affaires de 2016-2017 (facture n° D-011-19-309) et de la redevance variable sur le chiffre d'affaires de l'année 2018 (facture n° D-011-19-274), de la somme de 4 933,80 euros au titre de la redevance fixe pour le mois de février 2019 (facture n° D-011-19-274) et de la taxe générale sur le chiffre d'affaires afférente à la redevance variable pour l'année 2018, de la somme de 34 480 euros au titre de la redevance variable de l'année 2019 (facture n° D-011-20-642) et de la somme de 10 851,19 euros au titre des charges communes de l'année 2019 (facture n° D-011-20-641). Dès lors, l'existence de la créance de la société Skyway Duty Free n'est pas contestable à hauteur de la somme de 75 181,79 euros.

S'agissant des années 2020 et 2021 :

7. Il est constant qu'en raison de la crise sanitaire liée à la covid-19 les aéroports ont été fermés à compter du 15 mars 2020. Si la société Skyway Duty Free a continué à occuper les locaux durant toute la période de confinement, elle n'a pu exercer son activité durant cette période. Par ailleurs, compte tenu de cette crise sanitaire, des restrictions de déplacement ont été maintenues après la levée du confinement et le trafic aérien a connu une baisse notable pendant plusieurs mois. Par suite, compte tenu des conditions d'exploitation très dégradées à laquelle la société Skyway Duty Free a dû faire face en raison de cette fermeture et de ces restrictions, qui pourraient nécessiter, le cas échéant, une modification des stipulations financières de la convention, la créance dont se prévaut la société Edeis au titre des années 2020 et 2021 ne présente pas, en l'état de l'instruction, le caractère non sérieusement contestable exigé par les dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des demandes de la société requérante relatives à l'année 2021, que la société Edeis est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur la somme de 75 181,79 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Skyway Duty Free au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 200 euros à verser à la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case sur le fondement de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : La société Skyway Duty Free versera à la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case la somme de 75 181,79 euros à titre de provision sur les redevances d'occupation restant dues au titre des années 2016 à 2019.

Article 2 : L'ordonnance n° 2000083 du 18 novembre 2020 du président du tribunal administratif de Saint-Martin est réformée en ce qu'elle a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La société Skyway Duty Free versera à la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la société Skyway Duty Free tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Edeis aéroport Saint-Martin Grand Case et à la société Skyway Duty Free.

Copie en sera adressée au médiateur M. B... C....

Fait à Bordeaux, le 16 décembre 2021.

La juge des référés,

Marianne A...La République mande et ordonne au préfet de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 20BX04114 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX04114
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : SELARL CHEVRIER AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-16;20bx04114 ?
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