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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX02305

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 15 décembre 2021, 21BX02305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Sulpice-la-Pointe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Évasion Paysage à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une part, une provision de somme de 23 988 euros TTC contre restitution du véhicule Renault Master et, d'autre part, une provision de 5 747,82 euros au titre des différents préjudices subis.

Par ordonnance n° 2100860 du 17 mai 2021, le juge des référés du tribun

al administratif de Toulouse a condamné la société Évasion paysage à verser à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Sulpice-la-Pointe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Évasion Paysage à lui verser, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une part, une provision de somme de 23 988 euros TTC contre restitution du véhicule Renault Master et, d'autre part, une provision de 5 747,82 euros au titre des différents préjudices subis.

Par ordonnance n° 2100860 du 17 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné la société Évasion paysage à verser à la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe la somme de 24 735,82 euros à titre de provision.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 29 mai 2021 sous le n° 21BX02305, la société à responsabilité limitée Évasion paysage, représentée par Me Dirou, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 17 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de la commune comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter la demande de la commune comme non fondée ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert afin de déterminer si le véhicule en cause est affecté d'un vice caché ou de tout autre désordre le rendant impropre à son usage ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la commune relève de la compétence du juge judiciaire en ce que le contrat de vente de véhicule d'occasion conclu entre elle et la commune concernée est un contrat de droit privé ;

- cette demande a déjà été rejetée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, devenue définitive ;

- cette demande ne repose sur aucune obligation non sérieusement contestable ; ainsi, la créance dont se prévaut la commune ne repose sur aucun jugement déclaratif de droit qui aurait prononcé l'annulation ou la résolution du contrat ; de plus, elle n'avait pas connaissance du vice au moment de la vente et le vice caché allégué ne saurait être démontré par un rapport émanant d'un expert missionné par la commune ; enfin, la commune se trouve enrichie du fait qu'elle demeure propriétaire du véhicule et de la restitution du prix de vente de celui-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2021, la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe, représentée par Me Marco, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Évasion paysage le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la société Évasion paysage n'est pas recevable, en l'absence de production de la copie de l'ordonnance attaquée ;

- la demande de la commune ressortit bien à la compétence du juge administratif, comme l'a estimé le premier juge, en vertu de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- contrairement à ce que soutient l'appelante, l'ordonnance n° 2100622 du 8 février 2021 n'est pas revêtue de l'autorité de chose jugée ;

- saisi d'une demande de provision le premier juge des référés n'avait pas à donner suite à une demande d'expertise ;

- la créance dont la commune se prévaut n'est pas sérieusement contestable dans son principe et son quantum, le vice caché du camion acheté par elle auprès de l'appelante étant avéré et la commune se trouvant dans l'impossibilité d'utiliser ce véhicule.

II°) Par une requête, enregistrée le 11 juin 2021 sous le n° 21BX02496, la société à responsabilité limitée Évasion paysage, représentée par Me Dirou, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution de l'ordonnance du 17 mai 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle soulève des moyens sérieux à l'encontre de l'ordonnance attaquée ;

- l'exécution de cette ordonnance aurait pour elle des conséquences difficilement réparables, étant dans l'impossibilité de verser la somme de 27 000 euros eu égard à sa situation financière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2021, la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe, représentée par Me Marco, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Évasion paysage le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société appelante n'établit pas l'existence de conséquences difficilement réparables en cas d'exécution de l'ordonnance attaquée ;

- l'appelante ne fait état d'aucun moyen sérieux de nature à justifier l'annulation de l'ordonnance attaquée.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. A... B... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Sulpice-la-Pointe a acheté, le 28 octobre 2018, auprès de la société Évasion Paysage un véhicule Renault Master Polybenne. La vérification réglementaire effectuée le 4 juillet 2019 a mis en évidence un certain nombre de non-conformités du véhicule, qui ont été confirmées à l'occasion d'une expertise amiable contradictoire du 7 juillet 2020. La commune a, en conséquence, demandé l'annulation de la vente et la restitution du prix d'achat du véhicule, ce que la société Evasion Paysage a refusé dès lors qu'elle s'estimait elle-même lésée par son fournisseur. Par une requête du 16 février 2021, la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société Évasion Paysage à lui verser une provision d'un montant de 23 988 euros contre restitution du véhicule Renault Master ainsi qu'une provision de 5 747,82 euros au titre des différents préjudices subis.

2. La société Évasion Paysage relève appel de l'ordonnance du 17 mai 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe la somme de 24 735,82 euros à titre de provision.

3. Les requêtes n° 21BX02305 et n° 21BX02496 sont relatives à une même ordonnance et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même ordonnance.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. En premier lieu et aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, applicable aux faits de l'espèce : " Les marchés publics relevant de la présente ordonnance passés par des personnes morales de droit public sont des contrats administratifs ". Aux termes du II de l'article 5 de la même ordonnance : " II. - Les marchés publics de fournitures ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits. ". Aux termes de l'article 9 du même texte : " Les acheteurs publics ou privés soumis à la présente ordonnance sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices définis respectivement aux articles 10 et 11 ". Enfin, l'article 10 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 dispose : " Les pouvoirs adjudicateurs sont : (...) 1° Les personnes morales de droit public ; (...) ".

5. La commune de Saint-Sulpice-la-Pointe est une personne morale de droit public qui a conclu avec la société appelante un contrat aux fins d'acquérir un camion-benne. Or, ce contrat s'analyse, en vertu des dispositions précitées des articles 3 et 10 de l'ordonnance du 23 juillet 2015, en un marché public de fournitures. Par conséquent et comme l'a relevé le premier juge, le contrat passé par la commune intimée avec la société Évasion Paysage est un contrat administratif et il appartient au juge administratif de connaître du litige né de ce contrat.

6. En second lieu, si elles sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée. Il suit de là que, comme l'a estimé le premier juge, l'existence de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse n° 2100622 du 8 février 2021, à laquelle se réfère l'appelante, n'avait pas pour effet de rendre irrecevable la demande de la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe. Par conséquent, c'est à bon droit qu'il a écarté la fin de non-recevoir opposée à cette demande par la société Évasion paysage.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

7. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

8. Il est constant que la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe a acquis auprès de la société Évasion paysage, le 25 octobre 2018, un camion de marque Renault modèle " Master " qualifié de " Polybenne " sur la facture émise par la venderesse, au prix de 23 988 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction, y compris de l'expertise amiable et contradictoire effectuée le 7 juillet 2020 en présence des représentants de la commune et de la société précitées, expertise qui, contrairement à ce que soutient cette dernière, pouvait être retenue à titre d'information par le premier juge, que le véhicule acheté par la commune présentait plusieurs non-conformités réglementaires et avait été transformé en méconnaissance des obligations applicables en la matière, notamment en le dotant d'une polybenne de type bras de levage, sans respect des règles de l'art et sans saisir le service des mines. Il résulte également de l'instruction que ces non-conformités et ces transformations ne pouvaient être connues de la commune lors de l'acquisition de ce camion.

9. En outre et contrairement à ce que soutient l'appelante, il résulte de l'instruction que ce véhicule, en raison des transformations qu'il a illégalement subies et des discordances entre son certificat d'immatriculation et ses caractéristiques actuelles, ne peut plus être utilisé par la commune intimée.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que c'est à bon droit que le premier juge, qui n'avait pas à se prononcer, en tout état de cause, sur la demande d'expertise dont il était saisi à titre subsidiaire, a regardé l'obligation de la société Evasion Paysage à l'égard de la commune comme n'étant pas sérieusement contestable tant dans son principe que dans son montant, à hauteur de 24 735,82 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe, la société Évasion paysage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe une provision de 24 735,82 euros, incluant les frais annexes liés à l'achat du véhicule concerné.

12. Le juge des référés de la cour statuant par la présente ordonnance sur les conclusions à fin d'annulation de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 21BX02496 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la même ordonnance sont devenues sans objet.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande la société Évasion paysage au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

14. Il y a lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Évasion paysage le paiement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21BX02496.

Article 2 : La requête n° 21BX02305 de la société Évasion paysage est rejetée.

Article 3 : La société Évasion paysage versera à la commune de Saint-Sulpice-la-Pointe la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Évasion paysage et à la commune de Saint-Sulpice-La-Pointe.

Fait à Bordeaux, le 15 décembre 2021.

Le juge d'appel des référés,

Éric B...

La République mande et ordonne à la préfète du Tarn, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

3

No 21BX02305-21BX02496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 21BX02305
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : MARCO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx02305 ?
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