Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'économie mixte locale Société communale de Saint-Martin (SEMSAMAR) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner la commune de Terre-de-Bas à lui payer la somme de 410 468,62 euros, à titre de provision, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à raison de prestations de mandataire de divers travaux de réparation d'ouvrages communaux.
Par ordonnance n° 2100029 du 18 mars 2021, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné la commune de Terre-de-Bas à verser à la société SEMSAMAR une provision de 410 468,62 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2021, la commune de Terre-de-Bas, représentée par Me Deporcq, demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 18 mars 2021 du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de rejeter la demande de provision de la société SEMSAMAR ;
3°) de mettre à la charge de la société SEMSAMAR une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la SEMSAMAR devant le premier juge était irrecevable, en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, en l'absence de toute demande préalable de sa part à la commune ;
- dans l'hypothèse où la commune aurait été débitrice à l'égard de la SEMSAMAR, la créance de celle-ci serait frappée de prescription quadriennale, en vertu de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- en effet, aucun décompte n'ayant jamais été produit relativement au marché concerné, la prescription n'a commencé à courir, au plus tôt, qu'à compter de la production du bilan de clôture transmis en 2015, de sorte que la prescription était acquise en 2020, en tout état de cause ;
- par ailleurs, l'obligation de payer en cause est sérieusement contestable, la SEMSAMAR n'apportant aucune preuve relativement à l'obligation de paiement qui incomberait à la commune et quant à la nature des prestations réalisées.
Par un mémoire enregistré le 1er juin 2021, la société SEMSAMAR, représentée par Me Joory, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête de la commune est tardive, l'ordonnance attaquée lui ayant été notifiée le 18 mars 2021 alors que l'appel n'a été enregistré à la cour que le 30 avril suivant, donc postérieurement à l'expiration du délai de 15 jours prévu par l'article R. 541-3 du code de justice administrative ;
- à titre subsidiaire, contrairement à ce que prétend la commune, la SEMSAMAR lui a adressé à plusieurs reprises des demandes indemnitaires, de sorte que le contentieux était lié ;
- de plus, la prescription quadriennale ne peut être invoquée pour la première fois en cause d'appel et, en tout état de cause, elle n'est nullement caractérisée en l'espèce ;
- enfin, tant l'existence que le montant de la créance n'ont jamais été contestés par la commune et sont établis par les bilans de clôture et quitus transmis en 2015 et auxquels elle a implicitement acquiescé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. A... B... en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Terre-de-Bas relève appel de l'ordonnance du 18 mars 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser à la société d'économie mixte locale Société communale de Saint-Martin (SEMSAMAR) une provision de 410 468,62 euros.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
3. Il est constant que la société SEMSAMAR s'est vue confier, par six conventions de mandat signées en 2004, un mandat de représentation de la commune de Terre-de-Bas en vue de la réalisation de travaux urgents de reconstruction de divers bâtiments communaux à la suite du tremblement de terre de 2004. En outre et contrairement à ce que soutient en appel la commune précitée, qui n'a pas produit en première instance, la SEMSAMAR lui a adressé de nombreuses relances et diverses tentatives de règlement amiable et, en dernier lieu, le 25 août 2020, une mise en demeure de payer la somme de 410 468,62 euros. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que la demande de provision de la SEMSAMAR aurait dû être rejetée pour irrecevabilité faute d'avoir été précédée d'une demande tendant au versement de cette somme.
4. Par ailleurs et aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...). Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : /Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement (...) ".
5. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la SEMSAMAR a transmis à la commune le 3 novembre 2015 les différents bilans de clôture de ces six opérations, qui font apparaître une dette de la seconde à l'égard de la première d'un montant de 410 468,62 euros, et, d'autre part, qu'au plus tard par la mise en demeure citée au point 3, du 25 août 2020, elle lui a réclamé le paiement de cette somme. Par voie de conséquence, cette demande de paiement, intervenue avant l'acquisition de la prescription quadriennale, a interrompu celle-ci et la commune n'est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer l'acquisition à son profit de cette prescription.
6. Enfin et contrairement à ce que soutient la commune appelante, l'existence et le quantum de la dette de celle-ci à l'égard de l'intimée sont établies, notamment, par les bilans de clôture précités, prévus par les stipulations des articles 16 de chacune des conventions concernées, bilans qu'elle ne conteste pas sérieusement - d'ailleurs pour la première fois devant le juge d'appel des référés - dans la mesure où elle ne nie pas la réalité des prestations exécutées et ne précise aucunement en quoi les modalités de détermination de leur rémunération seraient erronées.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par la SEMSAMAR, que la commune de Terre-de-Bas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamnée à verser une provision de 410 468,62 euros à la SEMSAMAR. Il suit de là que ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme que demande la société SEMSAMAR en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 21BX01790 de la commune de Terre-de-Bas et les conclusions de la société SEMSAMAR relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Terre-de-Bas et à la société d'économie mixte locale Société communale de Saint-Martin (SEMSAMAR). Copie, pour information, en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Fait à Bordeaux, le 20 octobre 2021.
Le juge d'appel des référés,
Éric B...
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 21BX01790