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27/09/2021 | FRANCE | N°21BX03572

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 27 septembre 2021, 21BX03572


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du permis de construire délivré le 16 juillet 2021 par le maire de la commune de Fouras à la SCI des Coquilles pour la reconstruction d'une habitation au 42 allée du Tourillon sur le territoire de cette commune.

Par une ordonnance n° 2102009 du 18 août 2021, le juge des référés du tribu

nal administratif de Poitiers a suspendu l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du permis de construire délivré le 16 juillet 2021 par le maire de la commune de Fouras à la SCI des Coquilles pour la reconstruction d'une habitation au 42 allée du Tourillon sur le territoire de cette commune.

Par une ordonnance n° 2102009 du 18 août 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2021.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021 sous le n° 21BX03572, la SCI des Coquilles, représentée par Me Lahalle, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 18 août 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance n'est pas suffisamment motivée ; elle ne permet pas de saisir le moyen retenu ;

- l'ordonnance est également entachée d'erreur de droit ; elle retient une méconnaissance de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme alors que ces dispositions ne font qu'ouvrir des droits dérogatoires aux constructeurs et ne permettent pas, par elles-mêmes, de refuser ou d'annuler une autorisation d'urbanisme ; le juge des référés ne pouvait retenir, de manière autonome, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article sans caractériser aucune méconnaissance par le permis d'une règle d'urbanisme opposable ;

- la notion de reconstruction à l'identique s'apprécie par rapport à la destination, à l'implantation, à l'aspect et au volume mais des adaptations ne sont pas exclues ; en l'espèce, la construction autorisée a la même destination que la construction détruite sans augmentation de la capacité d'accueil ; l'implantation est rigoureusement identique, ainsi que le volume, la conception architecturale et l'aspect ; les différences, consistant dans la surélévation de la maison sur pilotis, dans la suppression d'un garage, dans l'ajout d'une fenêtre, dans la suppression d'une baie vitrée, dans la suppression d'une ouverture et dans la modification de la toiture en façade sud, ne remettent pas en cause le caractère identique de la construction ;

- le projet respecte l'ensemble des conditions fixées par l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ; aucune disposition expresse de la réglementation locale d'urbanisme ne s'oppose à son application ; le plan local d'urbanisme classe la parcelle en zone UCs dont le règlement ne comporte aucune disposition interdisant les reconstructions à l'identique ; la parcelle est en zone Rs3 du plan de prévention des risques naturels littoraux et aucune disposition du règlement de ce plan ne fait davantage expressément obstacle à la reconstruction à l'identique ; l'article 2.4.2.1 du règlement de la zone autorise même expressément les reconstructions ; le caractère volontaire de la démolition ne fait pas obstacle à l'application de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ;

- le préfet a invoqué à tort l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que, s'agissant d'un territoire couvert par un plan de prévention des risques, un refus ne peut être opposé sur le fondement de cet article que si les prescriptions du plan apparaissent insuffisantes et dès lors que le risque allégué lié au phénomène de submersion marine n'est pas avéré ; le plan de prévention des risques a qualifié l'aléa de modéré et le règlement de la zone permet les constructions telles que celle autorisée par le permis en litige ; la surélévation sur des pilotis de 80 cm permet de laisser libre l'écoulement de l'eau et garantit un niveau de plancher de 5,30 m supérieur à la cote de référence de 5,20 m ; le terrain n'a jamais été affecté par une tempête ou une submersion marine, notamment lors de la tempête Xynthia ;

- à supposer que l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme s'oppose à l'autorisation du projet, l'application de l'article L. 111-15 du même code permet d'autoriser le projet nonobstant toute disposition contraire ;

- dès lors que l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme s'applique, le maire ne pouvait faire application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme pour surseoir à statuer sur la demande de permis de construire.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2021, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le premier juge n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit en retenant l'un des moyens soulevés, tiré de ce que le projet ne portait pas sur une reconstruction à l'identique ;

- il a suffisamment motivé son ordonnance en indiquant le moyen retenu ;

- le pétitionnaire n'a pas apporté la preuve du caractère régulier de la construction préexistante ;

- aucun élément du dossier de demande ne permettait au maire de s'assurer du caractère identique de la construction projetée par rapport à la construction initiale ; la surélévation de la construction sur des pilotis en béton constitue une modification architecturale notable ; elle a pour effet d'augmenter la hauteur de la construction par rapport au sol naturel ; contrairement à ce que font apparaître les plans, la hauteur finale de la construction sera nécessairement plus élevée que celle de la construction initiale, la hauteur du pignon étant identique ; de plus, en façade sud, une ouverture est supprimée et la toiture substantiellement modifiée et en façade nord, une fenêtre est supprimée et une baie vitrée supprimée.

Un mémoire en production de pièces présenté pour la SCI des Coquilles a été enregistré le 22 septembre 2021.

II°) Par une requête enregistrée le 2 septembre 2021 sous le n° 21BX03580, la commune de Fouras, représentée par Me Gourvennec, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 18 août 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est entachée d'erreur de droit dès lors que la seule constatation que le projet ne répondait pas aux conditions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ne suffit pas à entraîner l'illégalité du permis en litige ; dès lors que le juge des référés n'a retenu aucun autre moyen, le rejet du déféré s'imposait ;

- des différences mineures peuvent être admises entre la construction initiale et le projet de reconstruction pour l'application de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ; en l'espèce, le volume, la surface, la hauteur par rapport au premier plancher habitable et les matériaux sont identiques ; le simple rehaussement de 80 cm pour se conformer au plan de prévention des risques ne fait pas obstacle à la qualification de reconstruction à l'identique ; la non reprise du garage dans le projet est également sans incidence puisqu'il s'agit d'un bâtiment distinct qui ne fait pas l'objet de la demande de reconstruction à l'identique ;

- s'agissant de l'effet dévolutif de l'appel, elle se réfère à ses écritures de première instance.

Par un mémoire enregistré le 17 septembre 2021, la SCI des Coquilles, représentée par Me Lahalle, intervient au soutien de la requête de la commune de Fouras et conclut à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle renvoie aux moyens qu'elle a développés dans l'instance n° 21BX03572 visée ci-dessus.

Par un mémoire enregistré le 21 septembre 2021, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient les mêmes moyens que dans l'instance n° 21BX03580 susvisée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme C... A... en qualité de juge des référés, en application du livre V du code de justice administrative.

Après avoir, à l'audience publique du 22 septembre 2021, dont les parties ont été régulièrement avisées, présenté le rapport de l'affaire et entendu les observations de :

- Me Tremouilles, représentant la commune de Fouras, qui reprend les éléments développés dans les écritures ; elle insiste sur le fait que la construction préexistante avait été régulièrement autorisée et qu'il en a été justifié par la production de pièces ; elle ajoute qu'aucune disposition n'impose qu'il soit fait référence dans le permis de construire à l'autorisation relative à la construction initiale ; elle souligne également que le rehaussement de la construction sur des pilotis a pour but de rendre le projet conforme au plan de prévention des risques ; elle soutient également que le préfet n'avait pas soulevé en première instance le moyen tiré de ce que le projet méconnaît l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme ; elle soutient qu'en tout état de cause, le terrain se situe dans un espace déjà urbanisé, comme toute la Pointe de la Fumée ;

- Me Colas, représentant la SCI des Coquilles, qui reprend également les éléments développés dans les écritures et insiste sur le fait que le projet de renaturation de la Pointe de la Fumée est sans incidence sur le caractère urbanisé du secteur concerné ;

- M. B..., représentant le préfet de la Charente-Maritime, qui reprend aussi les éléments développés dans les mémoires en insistant sur la surélévation de la construction projetée par rapport à la construction préexistante ; il indique que le secteur qui est en voie de renaturation, ne peut pas être considéré comme urbanisé si l'on se réfère aux vues des lieux après la tempête Xynthia.

L'instruction a été close à l'issue de l'audience en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative, les parties ayant déclaré ne pas souhaiter un différé de la date de clôture d'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales reproduits par l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".

2. Par arrêté du 16 juillet 2021, le maire de la commune de Fouras a délivré à la SCI des Coquilles un permis de construire pour la reconstruction à l'identique d'une habitation située au 42 allée du Tourillon sur le territoire de cette commune. Saisi par le préfet de la Charente-Maritime, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, par ordonnance du 18 août 2021, a prononcé la suspension de l'exécution de l'arrêté du 16 juillet 2021. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre dès lors qu'elles sont dirigées contre une même décision, la SCI des Coquilles et la commune de Fouras font appel de cette ordonnance.

Sur l'intervention de la SCI des Coquilles dans l'instance n° 21BX03580 :

3. La SCI des Coquilles, bénéficiaire du permis de construire dont l'exécution a été suspendue par le juge des référés du tribunal, justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la requête de la commune de Fouras dirigée contre l'ordonnance du 18 août 2021 prononçant la suspension de l'exécution de ce permis de construire. Son intervention doit, par suite, être admise.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ".

5. Pour prononcer la suspension de l'exécution du permis de construire contesté, le premier juge a retenu que le moyen invoqué par le préfet de la Charente-Maritime, tiré de ce que le projet envisagé ne constituait pas une reconstruction à l'identique au sens de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, était de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ce permis de construire.

6. Toutefois, les moyens invoqués par le préfet de la Charente-Maritime, tirés de ce que le projet de construction autorisé ne peut être admis au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'érosion et de submersion marines de la commune de Fouras, des dispositions de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme et de l'article N 2 du règlement du futur plan local d'urbanisme qui justifiait que soit prononcé un sursis à statuer, ne paraissent pas fondés en l'état de l'instruction. Par suite, et quand bien même le projet autorisé ne pourrait être qualifié de reconstruction à l'identique au sens de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, ce moyen n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire délivré le 16 juillet 2021 à la SCI des Coquilles.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, que la SCI des Coquilles et la commune de Fouras est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu l'exécution du permis de construire du 16 juillet 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la SCI des Coquilles dans l'instance 21BX03572 et de la même somme à la commune de Fouras dans l'instance 21BX03580 au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il ne peut être fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la SCI des Coquilles dans l'instance 21BX03580 dès lors qu'en tant qu'intervenante dans cette instance, elle n'a pas la qualité de partie.

ORDONNE :

Article 1er : L'intervention de la SCI des Coquilles dans l'instance n° 20BX03580 est admise.

Article 2 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 18 août 2021 est annulée.

Article 3 : La requête présentée par le préfet de la Charente-Maritime devant le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SCI des Coquilles et la même somme à la commune de Fouras en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel de la SCI des Coquilles est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Fouras, à la SCI des Coquilles et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Fait à Bordeaux, le 27 septembre 2021

La juge des référés,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 21BX03572, 21BX03580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 21BX03572
Date de la décision : 27/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré assorti d'une demande de sursis à exécution.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : CABINET LAHALLE DERVILLERS et ASSOCIES;SELARL LGP;CABINET LAHALLE DERVILLERS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-27;21bx03572 ?
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