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25/08/2021 | FRANCE | N°21BX03051

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 25 août 2021, 21BX03051


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le maire de la commune d'Urrugne a délivré à M. C... un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé 1350 route de Biriatou.

Par une ordonnance n° 2101654 du 12 juillet 2021, la présidente du tribunal administratif de Pau statua

nt comme juge des référés a suspendu l'exécution de l'arrêté du 10 août 2020.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le maire de la commune d'Urrugne a délivré à M. C... un permis de construire une maison individuelle sur un terrain situé 1350 route de Biriatou.

Par une ordonnance n° 2101654 du 12 juillet 2021, la présidente du tribunal administratif de Pau statuant comme juge des référés a suspendu l'exécution de l'arrêté du 10 août 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 21 août 2021, la commune d'Urrugne, représentée par Me Cambot, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 12 juillet 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter la demande du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ordonnance n'est pas suffisamment motivée ;

- le déféré du préfet est irrecevable ; en effet, le préfet n'a pas régulièrement notifié son recours administratif au titulaire de l'autorisation, comme l'exige l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, le pli ayant été retourné à la préfecture le 21 octobre 2020 du fait d'une erreur d'adresse ; les services de la préfecture auraient eu le temps de reprendre la formalité dans le délai prescrit de 15 jours, ce qu'ils n'ont pas fait ;

- l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite loi ELAN admet le comblement des dents creuses hors des agglomérations et villages, dans les secteurs déjà urbanisés ; la seule circonstance qu'un secteur n'est pas urbanisé au sens de l'alinéa 1 ne suffit plus à permettre de le qualifier de secteur d'urbanisation diffuse inconstructible ; l'alinéa 2 de cet article est en l'espèce applicable dès lors que le schéma de cohérence territoriale a identifié les secteurs déjà urbanisés dans lesquels des constructions nouvelles peuvent être accueillies et le plan local d'urbanisme révisé le 9 novembre 2019 délimite en zone UD les secteurs concernés ; le classement en zone UDa du secteur Mendichoko n'a pas été contesté par le préfet ; les auteurs du plan local d'urbanisme ont entendu mobiliser en priorité le potentiel de densification conformément aux exigences des articles L. 101-1 et L. 101-2 du code de l'urbanisme ; ni le préfet ni le juge des référés n'ont tenu compte de la modification intervenue dans la rédaction du texte ; le secteur est bien un secteur urbanisé au sens de l'alinéa 2 ;

- un permis de construire a d'ailleurs été délivré sur la parcelle voisine cadastrée BS n° 163 le 10 janvier 2020 sans que le préfet ne conteste ce permis ;

- subsidiairement, à supposer que l'alinéa 2 de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne serait pas considéré comme applicable, il y aurait lieu de procéder à une substitution de base légale ; elle invoque à ce titre les dispositions transitoires de l'article 42 de la loi ELAN ; en écartant cette substitution pour un motif de forme tiré de l'absence d'accord de l'autorité compétente après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, le juge des référés a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, reconnaissant que le III de l'article 42 de la loi pouvait être invoqué sur le fond ; de plus, un refus d'accord n'empêche pas le maire de délivrer l'autorisation lorsqu'il estime que l'avis conforme défavorable est illégal ;

- la suspension prononcée risque d'être particulièrement préjudiciable au pétitionnaire dont l'ouvrage pourrait être fragilisé dès lors qu'il n'est pas encore hors d'eau et hors d'air.

Par des mémoires enregistrés le 10 août 2021 et le 20 août 2021, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le pétitionnaire s'est lui-même placé dans une situation délicate en commençant les travaux malgré le recours contre le permis ; il poursuit ces travaux malgré la suspension prononcée par le juge des référés du tribunal ;

- l'ordonnance est suffisamment motivée ;

- le SCoT actuellement applicable a été approuvé le 5 novembre 2005 et n'a pas fait l'objet d'une révision depuis l'adoption de la loi ELAN du 23 novembre 2018 qui est venue consacrer la notion de secteurs déjà urbanisés ; les " espaces de densification du tissu urbain existant " identifiés en 2005 ne peuvent donc pas correspondre aux " secteurs déjà urbanisés " issus de la loi ; les nouvelles dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peuvent, en conséquence, pas s'appliquer ; de plus, l'article L. 121-8 modifié prévoit que les SCoT n'ont pas vocation à délimiter eux-mêmes les secteurs déjà urbanisés mais à fixer des critères d'identification généraux que devront ensuite appliquer les PLU pour procéder à cette délimitation ;

- le secteur concerné n'est pas un secteur déjà urbanisé ;

- le juge des référés a pu écarter la substitution de base légale demandée au motif que le préfet n'avait pas donné d'accord ; le préfet n'aurait en tout état de cause, pas pu émettre un avis favorable.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 13 août 2021, M. C..., représenté par Me Tchakerian, conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête de la commune d'Urrugne et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas eu connaissance du recours gracieux présenté par le préfet, qui n'est pas parvenu à la commune et qui n'a pas été adressé à l'adresse indiquée sur le permis ; de plus, le pli ne contenait pas le texte intégral du recours ; l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme a donc été méconnu et le déféré du préfet était irrecevable ;

- il a attendu d'être titulaire d'un permis de construire qu'il pensait purgé de tout recours pour commencer les travaux et les a régulièrement poursuivis avant d'être avisé, de façon informelle, du recours gracieux exercé par le préfet ; il n'a pas poursuivi les travaux après notification de l'ordonnance de suspension ;

- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne précise pas quel alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme était méconnu et qu'elle ne fait pas application des nouvelles dispositions issues de la loi ELAN ;

- le secteur de Mendichoko est un secteur déjà urbanisé au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;

- même s'il n'a pas été révisé depuis la loi ELAN, le SCoT identifie les espaces de densification du tissu urbain existant et répond ainsi aux modalités de mise en œuvre de l'article L. 121-8 ; le SCoT programmé pour 2024 doit reprendre cette qualification d'autant qu'entre temps, d'autres constructions ont été autorisées dans le secteur et notamment en 2020, sur la parcelle voisine de la sienne ; aux termes du PLU d'Urrugne du 9 novembre 2019, sa parcelle est classée en zone constructible UDa ; le secteur comporte 112 constructions ; la parcelle est entourée d'autres parcelles classées en zone UDa ; le secteur est largement desservi par des accès routiers, par les transports en commun, par les réseaux d'eau et d'électricité et par le service de collecte des déchets ; la comparaison ne peut pas être faite avec le secteur de La Glacière, dont la configuration est très différente et que le SCoT n'identifie pas comme un secteur urbanisé ;

- en tout état de cause, les dispositions transitoires de la loi ELAN sont applicables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la cour a désigné Mme D... A... en qualité de juge des référés, en application du livre V du code de justice administrative.

Après avoir, à l'audience publique du 23 août 2021, dont les parties ont été régulièrement avisées, présenté le rapport de l'affaire et entendu les observations de :

- Me Coto, représentant la commune d'Urrugne, qui reprend les éléments exposés dans les écritures ; sur demande de la juge des référés, il confirme que le terrain est desservi par une voie publique, les réseaux d'eau et d'électricité et le ramassage des déchets, à l'exception de l'assainissement ;

- Me Guérin, représentant M. C... également présent à l'audience, qui reprend les éléments exposés dans les écritures ; il confirme les données concernant la desserte du terrain ; sur demande de la juge des référés, il explique par ailleurs que l'adresse qui figurait sur l'enveloppe du pli qui contenait la notification du recours administratif du préfet était en réalité celle de la mairie et que cette erreur explique que M. C... n'ait jamais reçu cette notification.

L'instruction a été close à l'issue de l'audience en application de l'article R. 522-8 du code de justice administrative, les parties ayant déclaré ne pas souhaiter un différé de la date de clôture d'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales reproduits par l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".

2. Par arrêté du 10 août 2020, le maire de la commune d'Urrugne a délivré à M. C... un permis de construire pour l'édification d'une maison individuelle d'une surface de plancher de 148,5 m² sur la parcelle cadastrée section BS n° 7 située 1350 route de Biriatou. Saisi par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le juge des référés du tribunal administratif de Pau, par ordonnance du 12 juillet 2021, a prononcé la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 août 2020. La commune d'Urrugne fait appel de cette ordonnance.

Sur l'intervention de M. C... :

3. M. C..., qui est bénéficiaire du permis de construire du 10 août 2020 dont l'exécution a été suspendue par l'ordonnance de référé attaquée, justifie d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de la commune d'Urrugne. Son intervention doit ainsi être admise.

Sur les conclusions de la requête :

4. Aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a demandé par courrier du 16 octobre 2020, au maire de la commune d'Urrugne, de retirer le permis de construire délivré le 10 août 2020 à M. C... et transmis le 21 août suivant au contrôle de légalité. Ce courrier a été réceptionné le 22 octobre 2020 par la commune, ainsi qu'en atteste l'avis de réception produit au dossier par le préfet. S'agissant de la notification de ce recours administratif au titulaire du permis de construire, il ressort de l'examen du certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux que le pli a été envoyé à M. C... le 19 octobre 2020, soit dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Toutefois, si ce certificat mentionne l'adresse de M. C..., il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courriel du service clients de La Poste et de l'historique de suivi du courrier, que le pli n'a pas été distribué à M. C... et a été retourné à la préfecture le 21 octobre 2020 car l'adresse indiquée sur ce pli, au contraire de celle indiquée sur le certificat, n'était pas celle du destinataire telle qu'elle figurait sur le permis de construire contesté, mais celle de la mairie d'Urrugne. Si le certificat de dépôt, en application des dispositions précitées, fait foi de la date d'envoi, il ne fait pas foi de la mention de l'adresse du destinataire dès lors que les autres pièces produites au dossier permettent de tenir pour établi le caractère erroné de l'adresse qui figurait sur le pli. Dans ces conditions, le recours administratif exercé par le préfet, qui n'a pas été régulièrement notifié au titulaire de l'autorisation, n'a pas interrompu le cours du délai de recours contentieux de deux mois imparti au préfet par les dispositions de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales et le recours en annulation déposé le 1er février 2021 par le préfet au tribunal administratif de Pau était, par suite, tardif. Ainsi, le recours en suspension déposé ultérieurement par le préfet était irrecevable par suite de la tardiveté de son recours en annulation.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité de l'ordonnance ni sur les autres moyens de la requête, que la commune d'Urrugne est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal a suspendu l'exécution du permis de construire délivré le 10 août 2020 à M. C....

Sur les frais liés à l'instance :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la commune d'Urrugne d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il ne peut être fait droit aux conclusions tendant à l'application de ces dispositions présentées par M. C... qui, en tant qu'intervenant, n'a pas la qualité de partie à l'instance.

ORDONNE :

Article 1er : L'intervention de M. C... est admise.

Article 2 : L'ordonnance du 12 juillet 2021 de la présidente du tribunal administratif de Pau statuant comme juge des référés est annulée.

Article 3 : La demande du préfet des Pyrénées-Atlantiques devant le juge des référés du tribunal administratif de Pau est rejetée.

Article 4 : L'Etat versera à la commune d'Urrugne la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune d'Urrugne, à M. B... C... et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Une copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Fait à Bordeaux, le 25 août 2021

La juge des référés,

Elisabeth A...

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

3

No 21BX03051


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 21BX03051
Date de la décision : 25/08/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré assorti d'une demande de sursis à exécution.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Obligation de notification du recours.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : SELARL CABINET CAMBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-08-25;21bx03051 ?
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