Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de désigner un expert pour déterminer l'origine des désordres affectant le mur de clôture de sa propriété située à Saint Benoit (86) et indiquer les moyens d'y mettre fin.
Par une ordonnance n°2002360 du 11 février 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande au juge des référés de la cour :
1°) de réformer l'ordonnance n° 2002360 du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'ordonner l'expertise sollicitée.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'absence d'un dommage grave et spécial ou d'une faute de la collectivité publique feraient obstacle à une action indemnitaire au titre des dommages accidentels dus à la conception inappropriée de la voirie devant sa propriété, dépourvue de trottoir éloignant les véhicules ainsi que d'un dispositif de recueil des eaux pluviales ;
- l'expertise est utile pour confirmer le lien de causalité affirmé par une expertise amiable non contradictoire, dès lors que Grand Poitiers refuse de l'admettre ; aucune appréciation ne peut être portée sur l'issue d'une éventuelle procédure indemnitaire avant que l'expert ne se prononce sur ce lien de causalité, seul élément qui doit être apporté par un tiers à l'ouvrage public ;
- la stabilité des pilastres de son portail est compromise, et les fissures de la dépendance en limite de rue, sur le seul côté de la voie publique, sont évolutives ; il n'appartenait pas au magistrat de prendre position sur des éléments techniques, que seul l'expert peut apporter, sur l'origine du basculement vers la voie ;
- le constat demandé par Grand Poitiers à Saretec est péremptoire et incomplet ;
- les dommages subis excèdent ceux que les riverains doivent supporter dans l'intérêt général ;
Par un mémoire, enregistré le 9 avril 2021, la communauté urbaine du Grand Poitiers, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que les frais d'expertise soient avancés par le demandeur, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les désordres sont minimes et ne pourraient présenter un caractère anormal, et qu'aucun lien de causalité n'apparaît avec une route en bon état, qui n'a pas fait l'objet de travaux récents, qui ne dessert que peu d'habitations, limitée à 30 Km/h et interdite aux véhicules de plus de douze tonnes, et qui comporte un dispositif de recueil des eaux pluviales. En outre, la construction de la maison date des années 1990, l'enduit du mur a presque 20 ans, et la surélévation de la dépendance serait susceptible d'avoir créé un risque de fissures.
La présidente de la cour a désigné, par une décision du 1er avril 2021, Mme Catherine Girault, présidente de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a acquis en 1996 une maison d'habitation située chemin du Val Béni à Saint Benoît (Vienne). Ayant constaté des fissurations dans un mur de clôture et sur le mur d'une dépendance côté route, et la déstabilisation des piliers de son portail, il a pris contact avec la communauté urbaine Grand Poitiers, qui a envoyé un agent le 30 avril 2019 examiner les désordres. Par ailleurs, il a sollicité son assureur, qui a diligenté le cabinet Polyexpert, lequel a retenu l'hypothèse d'une infiltration en pied de mur des eaux pluviales ruisselant de la voirie, et recommandé de réaliser un ouvrage éloignant les véhicules du mur de clôture et collectant les eaux de voirie. Toutefois, le cabinet Saretec, consulté par la communauté urbaine dans le cadre de cette procédure, ayant estimé que le lien de causalité n'était pas établi, Grand Poitiers a refusé toute indemnité à M. D.... Celui-ci relève appel de l'ordonnance du 11 février 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'expertise judiciaire.
2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'octroi d'une telle mesure est subordonné à son utilité pour le règlement d'un litige principal appréciée en tenant compte, notamment, de l'existence d'une perspective contentieuse recevable, des possibilités ouvertes au demandeur pour arriver au même résultat par d'autres moyens, et de l'intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir.
3. Pour rejeter la demande d'expertise du requérant, le premier juge, qui a relevé que
M. D... entendait se placer sur le terrain de la responsabilité sans faute des collectivités publiques, a rappelé que celle-ci supposait l'existence d'un dommage grave et spécial, sauf cas de dommage présentant un caractère accidentel. Il a ensuite constaté que les photographies produites montraient des désordres d'importance mineure, qui paraissaient insusceptibles d'avoir causé à l'intéressé un préjudice grave et spécial.
4. M. D..., qui a lui-même indiqué que les dommages présentaient un caractère évolutif et qu'il ne pouvait en dater précisément l'apparition, ne conteste pas que les dommages ne présentent pas un caractère accidentel. Il se borne à soutenir que la stabilité de son portail pourrait être compromise, mais n'apporte aucun élément de nature à conforter une telle hypothèse, non visible sur les photographies produites. Au demeurant, il n'a pas soumis à la discussion contradictoire des deux cabinets d'experts réunis amiablement les devis d'un montant de 9 000 euros environ dont il disposerait, et ne les a pas davantage produits au dossier, ce qui ne permet pas d'apprécier les travaux qu'il envisage. Au regard de l'ensemble des constatations de ces deux cabinets d'experts, de l'existence avérée d'une grille avaloir des eaux pluviales, et de l'absence de toute évolution récente de la configuration du chemin très étroit et peu passant qui dessert sa maison, il ne conteste pas utilement l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a regardé les dommages allégués comme insusceptibles de revêtir le caractère de gravité nécessaire pour engager la responsabilité de la collectivité publique, et par suite de justifier l'expertise qu'il demandait.
5. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la communauté urbaine du Grand Poitiers au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté urbaine du Grand Poitiers au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... D... et à la communauté urbaine du Grand Poitiers.
Fait à Bordeaux, le 12 mai 2021.
La juge d'appel des référés,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au préfet de la Vienne, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 21BX00817 2