Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers statuant sur le fondement de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le maire de Cabariot a délivré à la société F...-A... un permis de construire pour la construction d'un laboratoire de transformation de viande au lieu-dit " l'Enclouse ", jusqu'à ce qu'il soit statué sur la légalité de cette décision.
Par une ordonnance n° 2002289 du 15 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu l'exécution de l'arrêté du 9 mars 2020.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État les 30 octobre et 16 novembre 2020, la société F...-A..., société à responsabilité limitée, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats auprès du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, a demandé au Conseil d'État d'annuler cette ordonnance, statuant en référé, de rejeter la demande du préfet de la Charente-Maritime et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ; elle est entachée d'insuffisance de motivation et de contradiction de motifs ;
- elle est entachée d'erreur de droit et de dénaturation en tant que le moyen tiré de la méconnaissance du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme a été jugé sérieux ; un laboratoire de transformation de viande peut être considéré comme une construction agricole lorsqu'il prolonge une activité d'élevage ; en l'espèce, les dirigeants de la société F...-A... ont une telle activité dans le cadre de la SCEA F...-A... ; le fait que l'installation soit éloignée de 25 km du site d'élevage est sans incidence, ainsi que le fait que la société n'ait pas opté pour une forme agricole et adhère au centre de formalité des entreprises de la chambre des métiers et de l'artisanat ;
- la suspension de l'exécution d'une décision ne peut être ordonnée que si les travaux ne sont pas avancés au point de priver la mesure de toute portée ; en l'espèce, les travaux sont quasi-achevés ; seules manquent les finitions.
Par une décision n° 445809 du 3 mars 2021, le Conseil d'Etat a attribué à la cour le jugement de la requête de la société F...-A....
Procédure devant la cour :
Par un mémoire enregistré le 29 mars 2021, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les travaux n'étaient pas terminés lorsque le premier juge a prononcé la suspension ; d'ailleurs, les travaux ont continué en toute illégalité après la suspension prononcée ; un arrêté portant interruption des travaux a dû être pris par le maire ;
- l'activité de la société est autonome par rapport à l'activité agricole de la SCEA et a une nature artisanale et commerciale ; le projet ne peut être regardé comme nécessaire à une exploitation agricole ; l'illégalité retenue par le juge des référés du tribunal est donc fondée ;
- le permis méconnaît également les articles R. 431-16 et R. 111-2 du code de l'urbanisme en l'absence de document attestant de la conformité du système d'assainissement ;
- le projet n'est pas desservi par une voie suffisante au regard du trafic qui sera engendré par l'activité et des nécessités d'accès des véhicules de secours ;
- le permis méconnaît l'article 4 de la zone A du plan local d'urbanisme et l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme car l'alimentation en eau potable nécessite des travaux sur le réseau sans que soit indiqué le délai de réalisation de ces travaux.
Par un mémoire enregistré le 23 avril 2021, la société F...-A..., représentée par SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut à l'annulation de l'ordonnance du 15 octobre 2020, au rejet de la demande du préfet de la Charente-Maritime et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures et ajoute que :
- les travaux ont été interrompus à la suite de l'arrêté interruptif du maire ;
- les moyens invoqués par le préfet autres que celui retenu par le tribunal ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la cour a désigné Mme G... B... en qualité de juge des référés, en application du livre V du code de justice administrative.
Après avoir, à l'audience publique du 29 avril 2021, dont les parties ont été régulièrement avisées, présenté le rapport de l'affaire, et entendu les observations de :
- Me H..., représentant la société F...-A..., en présence de M. F... et de M. A... ;
- M. D..., représentant le préfet de la Charente-Maritime, en présence de Mme E... et de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales reproduits par l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " (...) Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".
2. Par arrêté du 9 mars 2020, le maire de la commune de Cabariot a délivré à la société à responsabilité limitée F...-A... un permis de construire pour l'édification d'un laboratoire de transformation de viande porcine au lieu-dit " l'Enclouse ", d'une surface de plancher de 353,91 m². Saisi par le préfet de la Charente-Maritime, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers, par ordonnance du 15 octobre 2020, a prononcé la suspension de l'exécution de l'arrêté du 9 mars 2020. La société F...-A... a contesté cette ordonnance devant le Conseil d'Etat lequel, par décision du 3 mars 2021, a attribué à la cour le jugement de la requête de la société, qui relève de l'appel.
3. En premier lieu, la société soutient que le premier juge aurait dû constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de suspension présentée par le préfet dès lors que la construction était quasiment achevée. Elle ne produit toutefois que des photographies permettant de constater que les travaux étaient avancés, au moins en ce qui concerne le gros oeuvre, ainsi qu'elle l'a affirmé à l'audience devant le juge des référés du tribunal, mais ne permettant pas d'estimer que les travaux autorisés par le permis de construire étaient achevés à la date de la décision du premier juge, et notamment pas les aménagements extérieurs, dont elle indique elle-même dans ses écritures qu'ils restaient à réaliser. Ainsi, les travaux ne peuvent être regardés comme ayant été achevés à la date de l'ordonnance attaquée et la société n'est pas fondée à soutenir que la demande du préfet avait perdu son objet. Au demeurant, le préfet soutient en défense que les travaux se sont illégalement poursuivis après l'ordonnance de suspension du juge des référés du tribunal et produit un arrêté du 23 octobre 2020 par lequel le maire de Cabariot, sur le fondement des articles L. 480-2 et suivants du code de l'urbanisme, a mis en demeure la société F...-A... d'interrompre les travaux qui se poursuivaient en méconnaissance de l'ordonnance de référé.
4. En second lieu, pour prononcer la suspension de l'exécution du permis de construire contesté, le premier juge a estimé qu'était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce permis le moyen tiré de ce que le projet autorisé n'est pas au nombre des " constructions et installations destinées à l'exploitation agricole " autorisées par l'article 1 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme.
5. Une installation destinée à la transformation de viande, exploitée par une société de forme commerciale distincte de la personne de ses associés qui ont une activité agricole d'élevage exercée dans le cadre d'une société civile, ne peut être regardée comme destinée à l'exploitation agricole au sens du règlement rappelé ci-dessus du plan local d'urbanisme, quand bien même elle serait destinée à traiter principalement les viandes issues de l'élevage exploité par les associés de cette société. La société F...-A... ne peut utilement se prévaloir sur ce point des dispositions de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime aux termes duquel " Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ", dès lors qu'elle n'est pas exploitante agricole et qu'elle constitue une personne distincte de ses associés exploitants agricoles. Ainsi, le moyen retenu par le premier juge paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire du 9 mars 2020.
6. Il résulte de ce qui précède que la société F...-A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée qui est suffisamment motivée, le juge des référés du tribunal a suspendu l'exécution du permis de construire qui lui a été délivré le 9 mars 2020.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société requérante de la somme qu'elle demande au titre des frais liés à l'instance.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la société F...-A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société F...-A..., à la commune de Cabariot, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au préfet de la Charente-Maritime.
Fait à Bordeaux, le 3 mai 2021
Le juge des référés,
Elisabeth B...
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 21BX00947