Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2021 et un mémoire enregistré le 22 avril 2021, la SCI Louis Patrimoine et la société Brico services Saint-Junien, représentées par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 juin 2020 par lequel le maire de Saint-Junien a délivré à la SAS Sojudis E. Leclerc un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction d'un bâtiment commercial à l'enseigne Brico dépôt et d'un parking aérien, de l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture, d'engazonnement du parking du personnel et de la démolition du centre auto et du contrôle technique existants, en tant que cet arrêté vaut autorisation de construire ;
2°) de mettre à la charge, solidairement, de la commune de Saint-Junien et de la SAS Sojudis E. Leclerc la somme de 4 000 euros au titre des frais liés au litige.
Elles soutiennent que :
- elles justifient d'un intérêt pour agir dès lors qu'elles occupent les parcelles voisines du projet et que le projet va générer un accroissement des flux de circulation de nature à affecter les conditions d'accès de leur bâtiment et donc les conditions d'utilisation et de jouissance de leur bien ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que le permis de construire a reçu un commencement d'exécution ;
- plusieurs moyens sont de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ; en premier lieu, le signataire du permis de construire contesté était incompétent, en deuxième lieu, les articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ont été méconnus, en troisième lieu, l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme a été méconnu, en quatrième lieu, le dossier de permis de construire est incomplet en l'absence d'examen au cas par cas au titre des rubriques 41, 39 et 30, en cinquième lieu, les articles R. 423-50 et R. 423-52 du code de l'urbanisme ont été méconnus, en sixième lieu, l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme a été méconnu, en septième lieu, l'article 5.2 des dispositions générales du Titre I du plan local d'urbanisme et de l'article UI 12 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnues, en huitième lieu, les dispositions des articles L. 111-19 et L. 111-21 du code de l'urbanisme ont été méconnues, en neuvième lieu, les dispositions de l'article 6 des dispositions générales du Titre I du plan local d'urbanisme, de l'article UI 3 du règlement de ce plan et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues, en dixième lieu, les dispositions de l'article 6.4 des dispositions générales du plan local d'urbanisme et de l'article UI 4 du règlement de ce plan ont été méconnues, en onzième lieu, les dispositions de l'article UI 6 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnues, en douzième lieu, les dispositions de l'article UI 11 du règlement du plan local d'urbanisme et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ont été méconnues et, en treizième lieu, les dispositions de l'article UI 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnues.
Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2021, la SAS Sojudis, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérantes la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison du défaut d'intérêt pour agir des requérantes ;
- les moyens soulevés ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.
Par un courrier du 30 mars 2021, les parties ont été informées de ce que, en application des dispositions de l'article 3 de l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif, il serait statué sans audience sur ce dossier et de ce que la clôture de l'instruction était fixée au 16 avril 2021 à 12 heures.
Par un courrier du 16 avril 2021, les parties ont été informées de ce que la clôture d'instruction était reportée au 26 avril 2021 à 12 heures.
Mme D... B... a été désignée comme juge des référés par une décision de la présidente de la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et notamment son article 3 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 29 juin 2020 le maire de Saint-Junien a délivré à la SAS Sojudis E. Leclerc un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la construction d'un bâtiment commercial à l'enseigne Brico dépôt et d'un parking aérien, de l'installation de panneaux photovoltaïques en toiture, d'engazonnement du parking du personnel et de la démolition du centre auto et du contrôle technique existants. La SCI Louis Patrimoine et la société Brico services Saint-Junien demandent au juge des référés d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation de construire.
Sur la fin de non-recevoir opposée :
2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SCI Louis Patrimoine a conclu un contrat de crédit-bail immobilier avec les sociétés propriétaires des parcelles cadastrées section EK numéros 289, 290 et 293 sur lesquelles est implanté un bâtiment commercial et qui sont situées à environ 50 mètres des parcelles d'implantation du projet autorisé par le permis de construire contesté, de l'autre côté d'un giratoire. Il résulte également de l'instruction que la société Brico services Saint-Junien a conclu une convention de sous-location avec la SARL Louis Patrimoine pour exercer, dans le bâtiment commercial situé sur les parcelles cadastrées section EK numéros 290 et 293, une activité de vente d'articles de bricolage, de jardin et de la maison et d'animalerie. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SAS Sojudis E. Leclerc, les sociétés Louis Patrimoine et Brico services Saint-Junien sont au nombre des personnes mentionnées à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, alors même que la SCI Louis Patrimoine n'a pas encore levé l'option d'achat sur les parcelles objet du crédit-bail.
4. Par ailleurs, le projet autorisé par le permis de construire contesté consiste, notamment, en la réalisation, sur une surface de plancher autorisée de 5 635 m², d'un bâtiment commercial pour une activité de vente d'articles de bricolage et de jardinage. Compte tenu de la configuration des lieux, un tel projet est de nature à générer sur les voies d'accès au magasin exploité par la société Brico services Saint-Junien, en particulier sur le giratoire commun aux deux activités, un trafic supplémentaire, qui ne peut être regardé comme négligeable, alors même qu'il existe d'autres voies pour accéder au lieu d'implantation du projet et que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que les réserves de capacité sur les deux giratoires situés à proximité des parcelles dont il s'agit étaient " excellentes ".
5. Dans ces conditions, la construction autorisée par l'arrêté contesté du 29 juin 2020 doit être regardée comme étant de nature à affecter directement, au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, les conditions de jouissance de l'immeuble dans lequel la société Brico services Saint-Junien exerce son activité et qu'elle sous-loue à la SCI Louis Patrimoine. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir de ces deux sociétés doit être écartée.
Sur les conclusions à fin de suspension :
6. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ". Aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme : " Un recours dirigé (...) contre un permis de construire (...) ne peut être assorti d'une requête en référé suspension que jusqu'à l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. / La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite (...) ".
En ce qui concerne l'urgence :
7. Il résulte de l'instruction qu'aucune circonstance particulière de l'espèce ne justifie d'écarter la présomption résultant des dispositions de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme. La condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit, par suite, être regardée comme remplie.
En ce qui concerne les moyens propres à créer un doute sérieux :
8. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; (...) ". La rubrique 41 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement prévoit que les " aires de stationnement ouvertes au public de 50 unités et plus " sont soumises à la procédure d'examen au cas par cas.
9. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le projet prévoit, notamment, la création de 175 places de stationnement. Contrairement à ce que soutient la SAS Sojudis E. Leclerc, cette partie du projet relève ainsi de la rubrique 41 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, alors même que les aires de stationnement dont il s'agit sont situées sur une propriété privée et qu'elles sont affectées à un commerce dès lors qu'elles sont ouvertes au public. Par suite, en application des dispositions citées au point précédent, le dossier devait comporter la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas. Or il est constant que le dossier ne comportait pas une telle décision. Eu égard aux autres pièces figurant au dossier de la demande, l'absence d'un tel document a pu être, dans les circonstances de l'espèce, susceptible de fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le maire de Saint-Junien s'est fondé sur un dossier incomplet en accordant le permis de construire sollicité sans disposer, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-6 du code de l'urbanisme, de la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale, est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté.
11. En revanche, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait signé par une autorité incompétente, qu'il aurait été pris sur la base d'un dossier incomplet en l'absence d'examen au cas par cas au titre des rubriques 30 et 39 et qu'il méconnaîtrait les articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, les articles R.423-50 et R. 423-52 du code de l'urbanisme, l'article R. 423-53 du code de l'urbanisme, l'article 5.2 des dispositions générales du Titre I du plan local d'urbanisme de Saint-Junien et de l'article UI 12 du règlement de ce plan, les articles L. 111-19 et L. 111-21 du code de l'urbanisme, les dispositions de l'article 6 des dispositions générales du Titre I du plan local d'urbanisme, de l'article UI 3 du règlement de ce plan et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, les dispositions de l'article 6.4 des dispositions générales du plan local d'urbanisme et de l'article UI 4 du règlement de ce plan, les dispositions de l'article UI 6 du règlement du plan local d'urbanisme, de l'article UI 11 du règlement de ce plan et de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et les dispositions de l'article UI 13 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un tel doute.
12. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du maire de Saint-Junien du 29 juin 2020.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la SCI Louis Patrimoine et de la société Brico services Saint-Junien, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SAS Sojudis E. Leclerc. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Junien et de la SAS Sojudis E. Leclerc la somme que demandent les sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'exécution du permis de construire n° PC08715419H0047 délivré le 29 juin 2020 à la SAS Sojudis E. Leclerc par le maire de Saint-Junien est suspendue jusqu'à ce que la cour ait statué sur la requête de la SCI Louis Patrimoine et de la société Brico services Saint-Junien.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la SAS Sojudis E. Leclerc tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présente ordonnance sera notifiée la SCI Louis Patrimoine, à la société Brico services Saint-Junien, à la commune de Saint-Junien et à la SAS Sojudis E. Leclerc.
Fait à Bordeaux le 29 avril 2021.
Le juge des référés,
Marianne B...
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX01260 5