Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Getelec TP SAS a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) à lui payer, à titre de provision, la somme de 476 049,52 euros, correspondant à l'exécution de travaux liés à la réalisation d'une station d'épuration des eaux usées sur la commune de Goyave.
Par une ordonnance n° 2000492 du 28 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le SIAEAG à verser à la société Getelec TP SAS la somme de 476 049, 52 euros à titre de provision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2020, le SIAEAG, représenté par le cabinet Earth Avocats, demande au juge des référés de la cour :
1°) de réformer cette ordonnance en ce qu'elle l'a condamné à verser une provision à la société Getelec TP SAS ;
2°) de mettre à la charge de la société Getelec TP SAS la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête de première instance, en ce qu'elle tend au paiement de la situation n° 9 et du solde du marché et au paiement des intérêts moratoires liés au solde du marché est irrecevable faute de mise en demeure d'établir le décompte général conformément au cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de travaux de 2009 ;
- la société Getelec TP SAS est déchue de son droit au paiement des intérêts moratoires sur l'avance forfaitaire et sur les situations 1 à 9 incluses dès lors qu'ils n'ont pas été mentionnés dans le projet de décompte final.
Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2021, la société Getelec TP SAS, représentée par Me A..., conclut :
- au rejet partiel de la requête et à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle tend à lui verser la somme de 328 545,82 euros ;
- à ce que les intérêts moratoires afférents à la situation n° 11 soient actualisés au 31 décembre 2020 ;
- à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du SIAEAG au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SEMSAMAR ayant procédé le 18 décembre 2020 au paiement partiel de la situation n° 9, le SIAEAG reste à lui devoir la somme de 33 683,26 euros au principal sur cette situation ;
- le SIAEAG ne conteste pas lui être redevable de la somme de 178 803,17 euros au principal sur la situation n° 11 qu'elle a transmise au maître d'oeuvre le 5 août 2016 et au mandataire du maître d'ouvrage le 1er septembre 2016 ; l'irrecevabilité de sa demande tendant au paiement de cette situation est dès lors infondée ; au demeurant, l'absence de décompte général définitif n'est pas de nature à faire obstacle à une demande de provision correspondant à une situation finale impayée ;
- le retard dans le paiement de l'avance forfaitaire et des situations n° 1 à 9 a fait courir de plein droit des intérêts moratoires en application des dispositions d'ordre public de l'article 98 du code des marchés publics, de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013, du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 et du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de travaux ; le SIAEAG lui est ainsi redevable de la somme de 53 904,47 euros ;
- pour obtenir le paiement partiel de la situation n° 9, elle a dû renoncer au paiement des intérêts moratoires d'ordre public qui s'élevaient à la somme de 72 905,98 euros ;
- en application des dispositions d'ordre public de l'article 98 du code des marchés publics, de la loi n° 2013-100, du décret n° 2013-269 et du cahier des clauses administratives générales relatif aux marchés de travaux, le SIAEAG lui est redevable de la somme de 62 154,92 euros au titre des intérêts moratoires arrêtés au 31 décembre 2020.
La présidente de la cour a désigné M. Didier Artus, président de chambre, comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché conclu le 21 avril 2015, le SIAEAG a confié à la société Getelec TP SAS, à la société Vinci Environnement et à la SARL Mick Théophile la conception et la réalisation d'une station d'épuration des eaux usées sur la commune de Goyave pour un montant total de 6 953 982 euros dont 6 576 402 euros devant revenir à la société Getelec TP SAS. Les travaux réalisés par la société Getelec TP SAS ont été achevés le 23 août 2016 et réceptionnés avec réserves le 27 septembre 2016. Le 31 janvier 2018, les réserves ont été levées. La société Getelec TP SAS a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le SIAEAG, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une somme de 476 049,52 euros, au titre de l'exécution de travaux liés à conception et à la réalisation de la station d'épuration de Goyave. Par une ordonnance n° 2000492 du 28 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le SIAEAG à verser à la société Getelec TP SAS la somme de 476 049,52 euros à titre de provision. Le SIAEAG relève appel de cette ordonnance en ce qu'elle l'a condamné à verser une provision à la société Getelec TP SAS. La société Getelec TP SAS demande, par la voie de l'appel incident, à ce que les intérêts moratoires afférents à la situation n° 11 soient actualisés au 31 décembre 2020.
2. Aux termes de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après : / - quarante jours après la date de remise au maître d'oeuvre du projet de décompte final par le titulaire ; / - douze jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. / Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, dans les délais stipulés ci-dessus, le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. / L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. (...). ".
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que le titulaire du marché peut obtenir du juge des référés qu'il ordonne au pouvoir adjudicateur le versement d'une indemnité provisionnelle et qu'il n'est pas tenu de saisir, par ailleurs, le juge du contrat d'une demande au fond. Dès lors, la saisine du juge des référés, sur le fondement des articles R. 541-1 et suivants du code de justice administrative, de conclusions tendant au versement d'une provision sur le solde du marché doit être regardée comme la saisine du tribunal administratif compétent au sens de l'article 13.4.2 du CCAG applicable aux marchés de travaux.
4. Il résulte de l'instruction que, si la société Getelec TP SAS a notifié le 5 août 2016 à la SAFEGE, maître d'oeuvre, un projet de décompte général, établi le 29 juillet 2016, faisant état d'un solde du marché de travaux de 178 803,17 euros en sa faveur, le SIAEAG n'a pas notifié à l'intéressée le décompte général. Il résulte de ce qui précède, conformément aux stipulations de l'article 13.4.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) relatif aux marchés publics de travaux, applicable au marché conclu entre le SIAEAG et la société Getelec TP SAS dès lors qu'il fait référence au cahier des clauses administratives générales en tant que pièce contractuelle générale et qu'il n'exclut pas l'application des stipulations de cet article, que la société Getelec TP SAS était ainsi tenue de mettre en demeure le SIAEAG de lui notifier le décompte général avant de saisir le tribunal d'une demande de provision sur le solde du marché conclu le 21 avril 2015 et sur les intérêts moratoires afférents à ce solde. Si la société Getelec TP SAS a, par une lettre notifiée le 20 mai 2019, mis en demeure le SIAEAG de lui régler la somme de 440 351,65 euros, cette lettre ne saurait être regardée comme une mise en demeure de lui notifier le décompte général. Dès lors, les conclusions de première instance de la société Getelec TP SAS tendant au versement d'une provision sur le solde du marché et les intérêts moratoires contractuels afférents à ce solde étaient irrecevables en application des stipulations du contrat conclu entre le SIAEAG et la société Getelec TP SAS. Par suite, le SIAEAG est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal y a fait droit. Il suit de là que les conclusions incidentes de la société Getelec TP SAS tendant à l'actualisation de ces intérêts moratoires doivent, en tout état de cause, être rejetées.
5. Par ailleurs, si l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d'une mesure prononcée en référé, à ce qu'il soit ordonné au maître d'ouvrage de verser au titulaire d'un tel marché une provision au titre d'une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l'exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n'aurait pas encore été établi. Ainsi, lorsque le maître de l'ouvrage ne procède pas au versement d'acomptes auxquels a droit le titulaire du marché, ce dernier peut demander au juge des référés le versement d'une provision représentative de tout ou partie de leur montant.
6. Il résulte de l'instruction que la situation n° 9 dont la société Getelec TP SAS demande le paiement à titre de provision correspond à un acompte sur le prix du marché conclu le 21 avril 2015. Par suite, contrairement à ce que soutient le SIAEAG, la demande de la société Getelec TP SAS tendant à ce que lui soit versée une provision sur cette situation n'était pas irrecevable en raison du défaut de mise en demeure de procéder à l'établissement du décompte général, l'absence de ce dernier ne faisant pas obstacle au versement d'une provision sur un acompte. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit à la demande de paiement d'une provision sur la situation n° 9 de la société Getelec.
7. Aux termes de l'article 13. 3. 1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. (...) ". Aux termes de l'article 13. 3. 3 du même cahier : " Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final. ".
8. Les intérêts moratoires dus sur les acomptes mandatés ou payés au-delà du délai contractuel constituent des éléments de créance trouvant leur cause dans l'exécution du marché. L'entreprise doit, à peine de déchéance, les intégrer dans leur principe ou dans leur montant à son projet de décompte final si, à la date d'établissement de cette pièce, lesdits acomptes ayant été mandatés ou payés, elle est en mesure de déterminer le retard sur la base duquel les intérêts moratoires doivent être liquidés.
9. Il résulte de l'instruction que, à la date d'établissement de son projet de décompte final, la société Getelec TP SAS était en mesure de déterminer précisément le montant des intérêts moratoires sur l'avance forfaitaire et sur les situations 1 à 9 dont elle réclamait le paiement, le paiement de cette avance et de ces situations étant intervenu avant l'établissement du projet de décompte final daté du 29 juillet 2016. Toutefois, le projet de décompte final produit par la société Getelec TP SAS fait seulement état d'un solde en sa faveur de 178 803,17 euros, correspondant au principal de la situation de travaux n° 11. Par suite, le SIAEAG est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à la demande de la société Getelec TP SAS dès lors qu'elle était irrecevable.
10. Par ailleurs, s'il résulte de l'instruction que la société Getelec TP SAS n'a reçu le paiement de la situation n° 9 que le 18 décembre 2020, elle était, à la date d'établissement du projet de décompte final, en mesure de déterminer le montant des intérêts moratoires liés au paiement de la situation n° 9 échus pour la période du 23 avril 2016 au 29 juillet 2016. Toutefois, le projet de décompte final établi le 29 juillet 2016 ne comportant aucune indication relative aux intérêts moratoires liés au paiement de cet acompte, elle n'est pas recevable à les demander devant le juge du contrat.
11. Ainsi l'existence de l'obligation du SIAEAG envers la société Getelec TP SAS ne présente en l'état de l'instruction un caractère non sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative qu'en ce qui concerne le paiement de la situation n° 9. Dès lors, le SIAEAG est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe l'a, par l'ordonnance attaquée, condamné à verser à la société Getelec TP SAS une provision de 476 049,52 euros. Il y a lieu, par suite, de rejeter la demande de provision présentée par la société Getelec TP SAS en ce qu'elle excède la somme de 228 020,40 euros. Compte tenu du versement d'une somme de 178 803,17 euros effectué le 18 décembre 2020, il y a lieu de condamner le SIAEAG à verser la somme de 33 683,26 euros à la société TP SAS et de réformer l'ordonnance du 28 septembre 2020 en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SIAEAG, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Getelec TP SAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du SIAEAG présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : La somme de 476 049,52 euros que le SIAEAG a été condamné à verser à la société Getelec TP SAS à titre de provision par l'ordonnance n° 2000492 du tribunal administratif de la Guadeloupe est ramenée à 33 683,26 euros.
Article 2 : L'ordonnance du tribunal administratif de la Guadeloupe n° 2000492 du 28 septembre 2020 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 3 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Getelec TP SAS et au Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG).
Fait à Bordeaux, le 18 mars 2021.
Le juge d'appel des référés,
Didier ARTUS
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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20BX03363