Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Legros a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la société publique locale (SPL) Maraina à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 50 768,84 euros au titre des sommes restant dues, fixées par le décompte général et définitif, au titre de l'exécution du marché passé en 2018 avec cette SPL, agissant au nom et pour le compte de la commune de Bras-Panon en tant que mandataire, pour le lot n° 2 de l'opération de construction de salles d'arts martiaux au complexe Paul Morand.
Par ordonnance n° 2000258 du 7 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a condamné la SPL Maraina à verser, au nom et pour le compte de la commune de Bras-Panon, une somme de 50 768,84 euros à l'EURL Legros à titre de provision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 août 2020, la commune de Bras-Panon, représentée par Me B..., demande au juge des référés de la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 7 août 2020 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de rejeter la demande de l'EURL Legros ;
3°) de prononcer le sursis à exécution de l'ordonnance attaquée ;
4°) de mettre à la charge de l'EURL Legros une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière en ce qu'elle est intervenue en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- ainsi, le premier juge a statué avant l'expiration du délai fixé dans la mise en demeure du 18 mai 2020, qui précisait qu'en application des dispositions du 1er alinéa du I de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, les mesures d'instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 sont prorogées de plein droit jusqu'au 24 août 2020 inclus ;
- à défaut de réclamation préalable, la demande de l'EURL Legros est irrecevable.
Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2020, l'EURL Legros, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée n'a pas méconnu le principe du contradictoire, étant intervenue un mois et demi après la mise en demeure du 18 mai 2020 et aucune ordonnance de clôture d'instruction n'ayant été prise ;
- par ailleurs, les travaux du marché en cause étaient achevés au 5 juillet 2018 et la SPL Maraina a pris possession de l'ouvrage à la rentrée scolaire de 2019, soit antérieurement à l'envoi du projet de décompte final, reçu par le maître d'oeuvre et la SPL le 18 septembre 2019 ; par conséquent, en l'absence de réponse de la SPL au 18 octobre 2019, une relance a été faite auprès de cette dernière mais en vain, de sorte que l'EURL a dû faire application des stipulations de l'article 13.4.4 du CCAG-Travaux et a notifié au maître d'oeuvre et à la SPL son projet de décompte général signé mais n'a jamais reçu de réponse ; en conséquence, ce projet de décompte est devenu le décompte général et définitif à compter du 27 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. C... en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL, titulaire du lot n° 2 du marché public de travaux de l'opération de construction de salles d'arts martiaux au complexe Paul Morand conclu en 2018 avec la société publique locale (SPL) Maraina, maître d'ouvrage délégué, agissant au nom et pour le compte de la commune de Bras-Panon, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion de condamner la SPL précitée à lui verser une provision de 50 768,84 euros au titre des sommes restant dues, fixées par le décompte général et définitif.
2. La commune de Bras-Panon relève appel de l'ordonnance du 7 août 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a condamné la SPL Maraina à verser à l'EURL Legros la provision de 50 768,84 euros sollicitée par elle.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes des dispositions du premier alinéa du I de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles devant les juridictions de l'ordre administratif : " Les mesures d'instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 sont prorogées de plein droit jusqu'au 24 août 2020 inclus ".
4. Il résulte de l'instruction que la demande de l'EURL Gros adressée au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a été communiquée par le greffe de cette juridiction tant à la SPL Maraina qu'à la commune de Bras-Panon le 20 mars 2020. En l'absence de toute production des défenderesses, une mise en demeure de produire leurs observations dans le délai d'un mois leur a été envoyée le 18 mai suivant, laquelle rappelait les dispositions précitées du premier alinéa du I de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020. En conséquence, les défenderesses de première instance pouvaient légitimement inférer de cette mise en demeure que leurs observations pouvaient être produites jusqu'au 24 août 2020 inclus. Par suite, l'ordonnance litigieuse, prise le 7 août 2020, a méconnu le principe du contradictoire et doit être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer, par voie d'évocation, sur la demande présentée par l'EURL Legros devant le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion.
Sur la provision :
6. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
7. D'autre part aux termes de l'article 13.3.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 3 mars 2014 : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées (...) ". Selon l'article 13.3.2 : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3. / Toutefois, s'il est fait application des dispositions de l'article 41.5, la date du procès-verbal constatant l'exécution des travaux visés à cet article est substituée à la date de notification de la décision de réception des travaux comme point de départ des délais ci-dessus. / S'il est fait application des dispositions de l'article 41.6, la date de notification de la décision de réception des travaux est la date retenue comme point de départ des délais cidessus ". Aux termes de l'article 13.4 : " Décompte général. - Solde : / 13.4.1. Le maître d'oeuvre établit le projet de décompte général (...) / Le maître d'oeuvre transmet le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2. / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : / - trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; / - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire. (...) 13.4.4. si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé, composé : / - du projet de décompte final tel que transmis en application de l'article 13.3.1 ; / - du projet d'état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; / - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. / Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. / Si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif ". Et aux termes de l'article 41.3 : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'oeuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. /La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. /Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'oeuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire ".
8. Il résulte de l'instruction, d'une part, que le procès-verbal des opérations préalables est intervenu le 18 juin 2018 et que le maître d'oeuvre a proposé, le 30 août 2018, une réception comportant pour unique réserve de " lever les avis suspendus ou défavorables du contrôleur technique " en retenant la date du 5 juillet 2018 pour l'achèvement des travaux et, d'autre part, que, le 13 septembre 2018, le maître d'oeuvre a établi un compte rendu de levée des réserves n° 3 ne faisant figurer aucune réserve concernant les travaux confiées à l'EURL Legros. En conséquence et en vertu des stipulations du second alinéa de l'article 41.3 du CCAG, les propositions du maître d'oeuvre s'imposaient au titulaire et au maître de l'ouvrage. Il suit de là que la date de réception des travaux concernés devait être fixée au 5 juillet 2018. Il en découle également qu'en l'absence de décision de réception des travaux et en vertu des stipulations de l'article 13.3.2, l'EURL Legros était en droit d'adresser son projet de décompte final au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage délégué dès la formulation des propositions du maître d'oeuvre quant à la date de réception des travaux et de levée des réserves, soit au plus tard à compter du 13 septembre 2018.
9. En outre, il est constant que l'EURL a adressé, le 30 août 2019, à la SPL Maraina et au maître d'oeuvre, la société PETR Architectes, qui en ont accusé réception le 18 septembre suivant, son projet de décompte final. Après relance de l'EURL, la SPL s'est bornée, le 17 décembre 2019, à lui retourner ce projet en exposant qu'il n'était pas visé par le maître d'oeuvre. L'EURL a alors renvoyé à la SPL et au maître d'oeuvre son projet de décompte général signé, qui a été reçu par la SPL et le maître d'oeuvre le 17 janvier 2020.
10. Il résulte de ce qui vient d'être exposé qu'aucun décompte général n'a été notifié à l'EURL dans le délai de trente jours stipulé à l'article 13.4.2 du CCAG à la suite de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par l'entreprise et que le projet de décompte général signé établi par cette dernière n'a reçu aucune réponse de la part de la SPL Maraina dans le délai de dix jours qui a suivi sa réception. En conséquence et en vertu des stipulations du dernier alinéa de l'article 13.4.4 du CCAG, ce projet de décompte général est devenu le décompte général et définitif et aucune irrecevabilité ne saurait être opposée à l'EURL pour " défaut de réclamation " comme soutenu par la commune appelante. Dès lors, l'EURL est fondée à se prévaloir de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable pour demander la condamnation de la SPL Maraina, agissant au nom et pour le compte de la commune de Bras-Panon, à lui verser une provision de 50 768,84 euros au titre des sommes restant dues, fixées par le décompte général et définitif.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution de l'ordonnance attaquée :
11. La présente ordonnance statuant sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'ordonnance litigieuse, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au sursis à exécution de cette dernière.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'ordonnance du 7 août 2020 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion.
Article 2 : L'ordonnance du 7 août 2020 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion est annulée.
Article 3 : La société SPL Maraina agissant au nom et pour le compte de la commune de Bras-Panon est condamnée à verser à l'EURL Legros une provision de 50 768,84 euros
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'EURL Legros relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Bras-Panon, à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Legros et à la société publique locale Maraina.
Fait à Bordeaux, le 10 mars 2021.
Le juge d'appel des référés,
C...
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 20BX02865