Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E..., épouse F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2000037 du 14 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2020, Mme E..., épouse F... représentée par Me H... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, fixe à un mois le délai de départ volontaire et fixe l'Algérie comme pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1800 euros à verser à son avocat sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;
- elle ne respecte pas le principe du contradictoire dans la mesure où d'une part, elle n'a pas pu présenter ses observations orales avant le prononcé de la décision, notamment des éléments pertinents tirés de sa vie personnelle et familiale en France, et d'autre part le préfet a manqué à son obligation d'information à son encontre en ce qu'elle ignorait qu'elle pouvait être susceptible de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que sa demande d'asile était refusée ; son droit d'être entendue a été méconnu.
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation, notamment mis en exergue par la motivation et les moyens de la décision ;
- le préfet s'est estimé en compétence liée par le rejet de sa demande d'asile et a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur la situation personnelle de la requérante et les conséquences qu'elle emporte ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où la décision porte une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale ;
- elle méconnait les dispositions des articles 3-1 et 9 al.1 et 4 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que les deux parents participent à l'entretien de leurs quatre enfants ;
En ce qui concerne la décision de fixation du délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est dépourvue de base légale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation et s'est placé dans un cas de compétence liée ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et de celle de ses quatre enfants ;
En ce qui concerne la décision de fixation du pays de renvoi :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2020, le préfet de la
Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de Mme E... épouse F....
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme E... épouse F... ne sont pas fondés.
Par une décision du 11 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a admis Mme E... épouse F... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. G... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., épouse F..., ressortissante algérienne née le 19 mars 1982, est entrée en France accompagnée de son époux et des quatre enfants au moyen d'un visa court séjour le 20 juillet 2017. Elle a sollicité l'asile politique le 2 janvier 2018 qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 février 2018. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA)le 30 août 2018. Par arrêté du 27 novembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Mme E..., épouse F... relève appel du jugement du 14 février 2020 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la décision de fixation du délai de départ volontaire et de la décision de fixation du pays de renvoi contenues dans cet arrêté du 27 novembre 2019.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise les textes dont elle fait application et notamment les dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision mentionne également les faits relatifs à la situation de l'intéressée sur lesquels elle se fonde, et notamment que Mme E..., épouse F... a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le
2 janvier 2018, que cette demande qui relevait de la procédure accélérée, a fait l'objet d'une décision de rejet de l'OFPRA en date du 28 février 2028, confirmée par une décision de la CNDA du 30 août 2018. Cette décision fait, par ailleurs, état de la période de validité du visa délivré par les autorités françaises à Mme E..., épouse F..., de la date à laquelle cette dernière déclare être entrée en France ainsi que de la date à laquelle elle s'est rendue en préfecture pour y déposer une demande d'asile. Cette décision indique, en outre, que
Mme E..., épouse F..., est entrée en France à l'âge de 35 ans, et qu'elle n'avait été admise à y séjourner qu'à titre temporaire le temps de l'instruction de sa première demande d'asile, et qu'elle n'a pas fait état de sa volonté de s'établir durablement en France lors de sa demande de visa, ce qui représente un détournement de visa. Enfin, elle relève qu'elle n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre sa vie ailleurs qu'en France, notamment en Algérie, pays dont elle a la nationalité, accompagnée de son époux, lui-même en situation irrégulière et de ses quatre enfants, dont trois sont mineurs et l'ainée en situation irrégulière. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, des décisions par lesquelles l'administration octroie ou refuse un délai de départ volontaire, fixe le pays à destination duquel il sera reconduit et lui interdit le retour sur le territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code et prévoient notamment la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable à leur édiction, ne peuvent être utilement invoquées par Mme E..., épouse F... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
4. En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
5. Il est constant que Mme E..., épouse F... a sollicité l'asile. Il lui appartenait, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, de fournir à l'administration, notamment à la suite du rejet de sa demande par la CNDA, tout élément utile relatif à sa situation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.
6. En quatrième lieu, pour prendre l'obligation de quitter le territoire français il ne ressort ni de la motivation de cette décision ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait cru en situation de compétence liée, compte tenu du rejet de la demande d'asile.
7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la
Haute-Garonne, qui s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de Mme E..., épouse F..., et qui a notamment pris en compte les décisions de l'OFPRA et de la CNDA rejetant la demande d'asile de l'intéressée, se serait estimé lié par ces décisions. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée doit être écarté.
8. En sixième lieu, Mme E..., épouse F... reprend le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. A ce titre, elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
9. En septième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Dès lors que rien ne fait obstacle à ce que la requérante ainsi que son conjoint, en situation irrégulière, poursuivent avec leurs trois enfants également en situation irrégulière, leur vie familiale hors de France, sans qu'y fasse également obstacle la circonstance que leur fille ainée soit mariée à un compatriote en situation régulière, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
11. En dernier lieu, Mme E..., épouse F... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés.
Sur la fixation du délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E..., épouse F..., n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire.
13. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) ". Il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'a pas à motiver spécifiquement sa décision. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation du délai de départ volontaire fixé par la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à la durée du séjour de Mme E... en France, qu'en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, soit le délai de droit commun prévu par le II de l'article L. 511-1, le préfet ait fait une appréciation manifestement erronée de la situation de l'intéressée.
Sur la fixation du pays de renvoi :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme E..., épouse F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi.
16. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que l'intéressée " n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ", est suffisamment motivée en fait et en droit. Cette motivation ne révèle pas que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation.
17. En troisième lieu, Mme E..., épouse F..., qui n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmations relatives aux risques auxquels elle serait exposée en Algérie en sa qualité de descendante de harki, n'établit pas qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Algérie. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E..., épouse F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement d'une somme à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E..., épouse F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., épouse F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. G... B..., président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier-conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.
La présidente-assesseure,
Karine C...Le président
Dominique B...
La greffière,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX02227 2