Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi.
Par jugement n° 1903852 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée le 25 février 2020, Mme E..., représentée par Me G... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 18 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour " étranger malade " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la période transitoire ;
4°) d'enjoindre à titre subsidiaire au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un nouvel examen de sa situation en application des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la période transitoire ;
5°) d'enjoindre à titre infiniment subsidiaire au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un nouvel examen de sa situation en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la période transitoire ;
6°) de mettre à la charge l'État à lui verser une somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2ème de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et traduit un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII est incomplet et entaché de plusieurs vices de procédures, il méconnaît l'article 6 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 et l'article 4 de l'arrêté ministériel du 5 janvier 2017 ;
- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu l'étendue de sa compétence en ce qu'il s'est placé, à tort, en position de compétence liée ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en ce que le préfet ne démontre pas qu'il existe un traitement approprié en Algérie ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte caractérisée et disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la présence régulière en France de la majorité des membres de sa famille et des risques pour sa santé en cas d'éloignement vers son pays d'origine.
Par un mémoire, enregistré le 10 septembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme E... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. F... B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante algérienne née le 8 février 1954 à Isser (Algérie), est entrée en France le 23 septembre 2017 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de 90 jours. Le 30 janvier 2018, elle a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Au vu de l'avis émis le 8 juillet 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance de titre par un arrêté du 18 juin 2019 portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont l'intéressée est ressortissante ou pour lequel elle établit être légalement admissible. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cet arrêté et elle relève appel du jugement du 24 janvier 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, Mme E... se borne à reprendre en appel, dans des termes identiques, sans critique utile et sans apporter d'élément nouveau par rapport à ses productions de première instance, les moyens de légalité externe tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 18 juin 2019 et du défaut d'examen particulier de sa situation soulevés à l'encontre de la décision portant refus de séjour auxquels le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En second lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) ".
4. Il résulte des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées, que la portée de l'avis rendu par les médecins de l'OFII est purement consultative. Contrairement à ce que soutient Mme E..., il ne ressort pas des termes de l'arrêté en litige que le préfet se serait estimé lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6-7° de l'accord franco algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
6. Il résulte de ces stipulations qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le certificat de résidence sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. L'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 8 juillet 2018, indique que l'état de santé de Mme E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, ce même avis indique qu'elle pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... souffre de troubles respiratoires et de troubles psychiques. D'une part, pour contredire l'avis du collège des médecins de l'OFII, elle produit en appel, des compte rendus de spécialistes algériens antérieurs à son départ pour la France et des comptes rendus de spécialistes antérieurs à l'avis des médecins de l'OFII. Elle produit également une ordonnance du 16 mai 2019 par laquelle son psychiatre lui prescrit notamment deux nouveaux médicaments (le traxene et le loxapax), lesquels figurent sur la nomenclature des médicaments disponibles en Algérie au 31 décembre 2019. Enfin, si Mme E... produit le compte rendu d'une consultation neurologique du 6 mai 2019 au terme de laquelle elle a bénéficié d'un traitement d'une durée de trois mois pour des troubles lombaires, et un compte rendu d'une consultation rhumatologique du 27 mai 2019, aucun de ces documents ne révèle l'émergence d'une nouvelle pathologie. Dans ces circonstances, et alors qu'il existe en Algérie un système de couverture médicale pour les personnes dont les ressources sont insuffisantes, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier, Mme E... ne justifie pas qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. D'autre part, si la requérante soutient qu'elle ne pourra pas se faire soigner en Algérie dès lors qu'elle ne dispose d'aucune ressource, elle ne justifie pas être dépourvue de tout revenu. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaîtrait les stipulations précitées du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., arrivée en France en septembre 2017, n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à ses 63 ans et où résident au moins quatre de ses huit enfants. Les circonstances qu'elle vit en France depuis deux ans, qu'elle est hébergée par l'une de ses filles titulaire d'une carte de résident, et que de nombreux membres de sa famille sont installés en France, ne suffisent pas à établir que la décision de refus de lui délivrer un titre de séjour porterait à son droit de mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été édictée. Le préfet n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressée ou des conséquences sur cette dernière.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 511-4 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
12. Il résulte de ce qui a été dit au point 8 que Mme E... ne peut se prévaloir des dispositions précitées dans la mesure où il n'est pas établi qu'elle ne pourrait pas accéder effectivement aux soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine.
13. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 10, en prenant la décision attaquée, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État au titre des frais non compris dans les dépens dès lors qu'il n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. F... B..., président,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 décembre 2020.
La présidente-assesseure,
Karine C...Le président-rapporteur,
Dominique B...
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX00755