La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2020 | FRANCE | N°20BX00671

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 01 décembre 2020, 20BX00671


Vu la procédure suivante :

M. B... A..., représenté par Me C..., a saisi, le 25 février 2020, la cour d'une requête enregistrée sous le n° 20BX00671 dirigée contre le jugement n° 1801259 du 26 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er septembre 1990 et le 30 septembre 2013.

Par mémoire distinct enregistré le 4 septembre 2020, déposé

au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n° 58-1068 modifiée du 7 novembre 1958 ...

Vu la procédure suivante :

M. B... A..., représenté par Me C..., a saisi, le 25 février 2020, la cour d'une requête enregistrée sous le n° 20BX00671 dirigée contre le jugement n° 1801259 du 26 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er septembre 1990 et le 30 septembre 2013.

Par mémoire distinct enregistré le 4 septembre 2020, déposé au titre des articles 23-1 de l'ordonnance n° 58-1068 modifiée du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et R. 771-3 du code de justice administrative, M. A..., demande à la cour de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des articles 1er, 3 et 6 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 en tant qu'ils méconnaissent le droit de propriété des agents de l'administration garanti par les articles 1, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe d'égalité entre les agents publics et le principe d'égalité des agents " devant la justice " garantis par l'article 6 de la Déclaration, le droit des agents à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration et le principe de responsabilité garanti par l'article 4 de la Déclaration.

Il soutient que :

- les conditions de transmission sont réunies :

- les dispositions législatives contestées sont applicables au litige ;

- ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution ;

- la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

Par des observations, enregistrées le 4 novembre 2020, le ministre des armées conclut à ce qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... et fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée ;

- le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative, notamment ses articles R. 771-3 et suivants.

Par décision de la présidente de la cour, M. Naves, président de chambre, a été désigné en qualité de juge statuant sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Considérant ce qui suit :

1. Les dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que la juridiction saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de cette question et procède à cette transmission, si est remplie la triple condition que la disposition soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

2. M. A... a présenté le 25 février 2020 une requête d'appel dirigée contre le jugement n° 1801259 du 26 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande tendant à la revalorisation du montant de l'indemnité différentielle qui lui a été versée entre le 1er septembre 1990 et le 30 septembre 2013. Le ministre des armées lui a opposé la prescription quadriennale de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics. M. A... invoque l'inconstitutionnalité des articles 1, 3 et 6 de cette loi en tant qu'ils méconnaissent le droit de propriété des agents de l'administration garanti par les articles 1, 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe d'égalité entre les agents publics et le principe d'égalité des agents " devant la justice " garantis par l'article 6 de la Déclaration, le droit des agents à un recours effectif garanti par l'article 16 de cette Déclaration et le principe de responsabilité garanti par l'article 4 de la Déclaration.

3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ". Aux termes de l'article 6 de cette loi : " Les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi. / Toutefois, par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou en partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier. / La même décision peut être prise en faveur des créanciers des départements, des communes et des établissements publics, par délibérations prises respectivement par les conseils départementaux, les conseils municipaux et les conseils ou organes chargés des établissements publics. Ces délibérations doivent être motivées et être approuvées par l'autorité compétente pour approuver le budget de la collectivité intéressée. ".

4. En ce qui concerne l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, M. A... soutient, à l'appui de son moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété, que l'exception d'ignorance légitime n'est pas retenue par l'administration indépendamment de la complexité du calcul de la rémunération des agents, " la jurisprudence administrative ayant même tendance à reprocher aux agents leur ignorance, en la faisant passer pour un manque de vigilance, créant ainsi une situation d'inégalité entre l'Administration-employeur et ses agents ". Toutefois, par la décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012, le Conseil constitutionnel a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 conforme à la Constitution. Aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. À cet égard, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'objet de la décision n° 2013-682 QPC du 19 décembre 2013, dont la question portait sur la constitutionnalité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, est sans rapport avec le présent litige. Ainsi, ce moyen, comme les autres, doivent être écartés alors même que la décision n° 2012-256 QPC du 18 juin 2012 ne s'est pas expressément prononcée sur ces moyens.

5. En ce qui concerne les articles 1er et 6 de la loi du 31 décembre 1968, il en est de même, d'une part, du moyen invoqué à l'appui de l'atteinte au principe d'égalité entre agents publics tiré de ce que dans certaines situations il est difficile pour un agent d'évaluer son préjudice compte tenu de la complexité du régime de sa rémunération avant qu'une décision de justice ne fixe, avec l'autorité de la chose jugée, le bon mode de calcul de leur rémunération, d'autre part, du moyen invoqué au titre de l'atteinte au principe d'égalité " devant la justice ", tiré de ce que l'administration-employeur disposant de moyens plus importants et d'une information légale plus précise que ses agents, le régime de la prescription quadriennale construit par la jurisprudence, lui est très favorable et, par conséquent, est déséquilibré. Par ailleurs, s'agissant du moyen tiré de ce que ces dispositions portent également atteinte au principe de responsabilité et au droit au recours effectif, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a jugé, s'il résulte de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qu'en principe tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, le législateur peut, pour un motif d'intérêt général, apporter à ce principe des exclusions ou des limitations, à condition qu'il n'en résulte pas une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'actes fautifs. Ainsi, l'instauration d'un délai de prescription particulier, poursuivant un but d'intérêt général, en vue notamment non seulement de garantir la sécurité juridique des collectivités publiques en fixant un terme aux actions mais également de permettre l'apurement rapide des comptes publics, n'a ni pour objet ni pour effet de priver un fonctionnaire dont le montant d'une indemnité a été établie de façon erronée par une personne publique de faire valoir ses droits à réparation dans les conditions et délais prévus par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968. Pour ces mêmes motifs, ces dispositions ne portent pas davantage atteinte au droit de propriété des agents publics.

6. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les observations du ministre des armées, que la question soulevée ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'État.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A....

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.

Fait à Bordeaux, le 1er décembre 2020.

Le président de la 6ème chambre,

Dominique Naves.

La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 20BX00671 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX00671
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DUCHADEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;20bx00671 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award