Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de La Réunion a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, sur le fondement des dispositions de l'article L. 554-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la délibération n° 37 du 10 avril 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Louis a approuvé la création de 563 emplois à temps non complet d'adjoint administratif et d'adjoint technique territorial.
Par une ordonnance n° 1901490 du 19 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a suspendu la délibération n° 37 du 10 avril 2019 du conseil municipal de la commune de Saint-Louis.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2019, la commune de Saint-Louis, représentée par la Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance en date du 19 décembre 2019 ;
2°) de rejeter le déféré préfectoral à fin de suspension ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes de précisions, de renseignements et de la communication d'une délibération ne constituaient pas une demande de documents annexes nécessaires pour permettre au préfet d'apprécier la portée et la légalité de la délibération litigieuse ; dans ces conditions ces demandes reçues le 18 juin 2019 n'ont pas pu proroger les délais de recours, par conséquent, le recours gracieux reçu le 11 septembre 2019 était tardif, ainsi que le recours enregistré au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2019 ;
- le moyen, soulevé d'office par le juge des référés du tribunal administratif, tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, compte tenu de la population de la commune de Saint-Louis et des cadres d'emplois concernés, au regard des dispositions des articles 4 et suivants du décret du 20 mars 1991, n'est pas un moyen d'ordre public ; un tel moyen ne pouvait donc pas être soulevé d'office par le juge des référés du tribunal administratif ;
- les dispositions de l'article 4 du décret du 20 mars 1991 ne sont pas applicables dès lors que les communes de plus de 5 000 habitants peuvent librement créer des emplois permanents à temps non complet dans la mesure où la durée de travail est au moins égale à la moitié de la durée légale hebdomadaire en vertu des dispositions des articles 104, 107 et 108 de la loi du 26 janvier 1984 alors en vigueur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
- le décret n° n°91-875 du 6 septembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. B... en qualité de juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Saint-Louis relève appel de l'ordonnance du 29 décembre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a ordonné la suspension la délibération n° 37 du conseil municipal de Saint-Louis du 10 avril 2019 par laquelle ont été créés 563 emplois à temps non complet d'adjoint administratif ou d'adjoint technique territorial.
2. Aux termes du 3ème alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, repris à l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué (...) ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article 104 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les dispositions de la présente loi sont applicables aux fonctionnaires nommés dans des emplois permanents à temps non complet, sous réserve des dérogations prévues par décret en Conseil d'Etat rendues nécessaires par la nature de ces emplois. Le même décret détermine : 1° Les catégories de collectivités, notamment en fonction de leur population et les caractéristiques des établissements publics pouvant recruter des agents à temps non complet qui ne remplissent pas les conditions pour être intégrés dans un cadre d'emplois conformément à la règle définie par l'article 108, en précisant le cas échéant le nombre d'agents permanents à temps non complet susceptibles d'être recrutés et en arrêtant la liste des emplois concernés ". Aux termes de l'article 107 de la même loi : " Le fonctionnaire nommé dans un emploi à temps non complet doit être affilié à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, s'il consacre à son service un nombre minimal d'heures de travail fixé par délibération de cette caisse. Ce nombre ne peut être inférieur à la moitié de la durée légale du travail des fonctionnaires territoriaux à temps complet. ". En application de ces dernières dispositions, le conseil d'administration de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a, par une délibération du 3 octobre 2001, fixé à 28 heures de travail hebdomadaire le seuil minimal d'affiliation à ladite caisse. Aux termes de l'article 108 de la même loi : " Les fonctionnaires nommés dans des emplois permanents à temps non complet qui sont employés par une ou plusieurs collectivités ou établissements pendant une durée supérieure ou égale à la moitié de la durée légale du travail des fonctionnaires territoriaux à temps complet sont intégrés dans les cadres d'emplois ". Par ailleurs, le décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, pris pour l'application de l'article 104 de la loi du 26 janvier 1984, dispose en son article 4 : " Des emplois permanents à temps non complet sont susceptibles d'être créés par les collectivités et établissement publics suivants : / 1° Communes dont la population n'excède pas 5 000 habitants et leurs établissements publics ; / 2° Centres communaux et intercommunaux d'action sociale (...) dont la population cumulée n'excède pas 5 000 habitants (...) " et en son article 5-1 : " Les communes (...) peuvent, nonobstant les dispositions de l'article 4 du présent décret, créer des emplois à temps non complet pour l'exercice des fonctions relevant des cadres d'emplois suivants : professeurs d'enseignement artistique, assistants spécialisés d'enseignement artistique, assistants d'enseignement artistique, agents qualifiés du patrimoine et agents du patrimoine. / Ces mêmes collectivités et établissements ainsi que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (...) peuvent créer des emplois à temps non complet pour l'exercice des fonctions relevant du cadre d'emplois des agents d'entretien, des agents spécialisés des écoles maternelles, des agents sociaux et des auxiliaires de soins (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, quelle que soit son importance démographique, une commune peut créer tout type d'emploi à temps non complet dans toutes les filières à la condition notamment, prévue à l'article 107 de la loi du 26 janvier 1984, que la durée de travail par semaine soit supérieure ou égale à la moitié de la durée légale de travail des fonctionnaires à temps complet, soit 17 heures 30. Par suite, c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a estimé que le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi, compte tenu de la population de la commune de Saint-Louis et des cadres d'emplois concernés, au regard des dispositions des articles 4 et suivants du décret du 20 mars 1991, était, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération litigieuse.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la délibération du conseil municipal de Saint-Louis du 10 avril 2019 si elle autorise notamment le maire de Saint-Louis à créer 563 emplois à temps non complet d'adjoint administratif et d'adjoint technique territorial, n'a en revanche ni pour objet ni pour effet de procéder à des titularisations pour ces postes. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération en litige en prévoyant de titulariser 565 agents contractuels aurait méconnu les règles relatives au recrutement fixé par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le principe constitutionnel d'égal accès aux emplois publics, et alors qu'au demeurant la commune de Saint-Louis établit avoir procédé aux déclarations de vacances d'emploi, n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération litigieuse.
6. En troisième lieu, si le préfet de La Réunion fait valoir que les quotités de temps de travail ne sont pas justifiées par les besoins du service mais adaptées à des situations individuelles pour permettre la titularisation des agents concernés, il ressort des pièces du dossier que les quotités de temps de travail des emplois que la délibération du conseil municipal de Saint-Louis du 10 août 2019 autorise le maire à créer, ont notamment été déterminées pour redéployer les personnels existants vers les politiques publiques prioritaires et obligatoire et en se fondant sur les quotités de temps de travail des emplois ayant vocation à être supprimés. Par suite, le moyen tiré de ce que les emplois à temps non complet que la délibération du conseil municipal de Saint-Louis du 10 août 2019 autorise le maire à créer ne seraient pas justifiés par les besoins du service, n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération litigieuse.
7. En quatrième lieu, le préfet de La Réunion soutient que l'article 3 de la délibération du conseil municipal de Saint-Louis du 10 avril 2019 autorisant le maire à supprimer des heures supplémentaires pour les personnels concernés serait en contradiction avec la délibération du conseil municipal de Saint-Louis du 26 mars 1997 et méconnaîtrait les dispositions de l'article 2 du décret n° n°91-875 du 6 septembre 1991, ce faisant, en l'état de l'instruction, un tel moyen doit être regardé comme dépourvu des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.
8. En cinquième lieu, si l'article 3 du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet exige que la délibération créant un emploi permanent à temps non complet fixe la durée hebdomadaire de service afférente à l'emploi en fraction de temps complet exprimée en heure, le préfet de La Réunion n'établit pas, ni ne soutient d'ailleurs, que la circonstance tenant à ce que la quotité des temps de travail des emplois que le maire a été autorisés à créer par la délibération du conseil municipal de Saint-Louis du 10 avril 2019 soient exprimées en pourcentage et non en heure aurait pour conséquence de faire regarder ces emplois comme étant des emplois à temps complet sur lesquels seraient affectés des agents à temps partiels. Par suite, et en l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce qu'il existerait un risque pour les emplois crées d'être considérés comme des emplois à temps complets sur lesquels seraient affectés des agents à temps partiel n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la délibération.
9. Enfin, si le préfet de La Réunion soutient qu'aucun élément ne permet d'identifier les économies avancées par la commune de Saint-Louis dans le projet de délibération accompagnant la délibération ainsi que dans cette dernière, un tel moyen n'est pas, en l'état de l'instruction de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la délibération.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune de Saint-Louis et non compris dans les dépens.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de suspension présentée devant le tribunal administratif de La Réunion, les conclusions à fin de suspension dirigées contre la délibération n° 37 du conseil municipal de Saint-Louis du 10 avril 2019 doivent être rejetées.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1901490 du 19 décembre 2019 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion est annulée.
Article 2 : Les conclusions à fin de suspension de l'exécution de la délibération n° 37 du conseil municipal de Saint-Louis du 10 avril 2019 présentées par le préfet de La Réunion devant le tribunal administratif de La Réunion sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Louis sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Saint-Louis et ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de La Réunion, à la chambre régionale des comptes de La Réunion et au directeur régional des finances publiques de La Réunion.
Fait à Bordeaux, le 12 novembre 2020
Le juge d'appel des référés,
Pierre B...,
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 19BX04842