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03/11/2020 | FRANCE | N°20BX01532

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 03 novembre 2020, 20BX01532


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte d'aménagement de la découverte (SMAD) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Ikarie, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 14 494 810 euros au titre des aides publiques illégales versées dans le cadre des délégations de service public conclues le 12 avril 2007 et le 1er octobre 2012.

Par ordonnance n° 1905839 du 23 avril 2020, le juge des référés du tribuna

l administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte d'aménagement de la découverte (SMAD) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Ikarie, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à lui verser une provision de 14 494 810 euros au titre des aides publiques illégales versées dans le cadre des délégations de service public conclues le 12 avril 2007 et le 1er octobre 2012.

Par ordonnance n° 1905839 du 23 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2020, le SMAD, représenté par Me A..., demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 23 avril 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner la société Ikarie à lui verser une provision de 14 494 810 euros ;

3°) de mettre à la charge de la société Ikarie une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que le syndicat mixte aurait d'abord dû saisir la Commission européenne aux fins de récupérer l'aide illégalement octroyée à la société Ikarie ; en réalité, chaque État membre et les institutions publiques qui en dépendent ont le droit de récupérer directement l'aide illégale en raison de l'absence de notification à la Commission européenne ;

- en l'espèce et compte tenu de ce que les titres exécutoires initialement émis pour recouvrer cette créance ont été retirés, il est fondé à saisir le juge administratif d'une demande ayant cet objet ; en effet, sa créance correspond au versement de sommes qui ne peuvent s'analyser en des subventions en compensation d'obligations de service public mises à la charge de la société Ikarie ; or, ce versement est intervenu sans notification préalable à la Commission et en méconnaissance des règles posées par la jurisprudence Altmarkt de la Cour de justice de l'Union européenne.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

La présidente de la cour a désigné M. B... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte d'aménagement de la Découverte (SMAD), regroupant les communes du bassin minier de Carmaux (Tarn), a pour objet la maîtrise d'ouvrage et le financement du site " Cap Découverte ", soit un parc de loisirs créé sur l'emplacement d'une ancienne mine de charbon à ciel ouvert. Au cours de l'année 2012, il a engagé une procédure de passation concernant trois contrats en vue de déléguer la gestion du parc de loisirs, la gestion de l'auberge du parc et la gestion du camping du parc pour une durée de cinq ans. La société Vert Marine a été désignée attributaire de ces trois contrats à laquelle s'est substituée, en vertu de l'article 45.2 du contrat d'affermage, les sociétés, nouvellement constituées, Ikarie pour la gestion du parc de loisirs, Ikarie Auberge pour la gestion de l'auberge et Ikarie Camping pour la gestion du camping. Par un avenant en date du 21 septembre 2017, les contrats ont été prorogés jusqu'au 30 novembre 2018. Ces contrats prévoyaient le montant des compensations financières des obligations de service public qui lui étaient imposées. Le SMAD n'ayant pas procédé au règlement des sommes dues, malgré la tentative contractuelle du règlement amiable du différend, la société Ikarie a demandé au juge des référés de le condamner à lui verser une provision correspondant au montant des compensations financières des obligations de service public non réglées au titre des mois de juin, juillet, août et septembre 2018. Par une ordonnance du 2 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné le SMAD à verser à la société Ikarie la somme de 398 242,60 euros à titre de provision au titre de cette période, avec constitution de garantie bancaire. Puis, par une ordonnance du 16 avril 2020 du juge des référés de la présente cour le SMAD a été condamné à verser, de plus et au titre des compensations financières des obligations de service public afférentes aux mois d'octobre et novembre 2018, une provision de 199 131,30 euros.

2. Parallèlement le SMAD, estimant que la société Ikarie avait manqué à plusieurs reprises à ses obligations contractuelles et que, par ailleurs, les aides qui lui ont été versées étaient des aides publiques illégales, a émis des titres exécutoires en vue de récupérer lesdites compensations financières versées au délégataire depuis le contrat du 12 avril 2007, puis a retiré ces titres. Le SMAD, considérant qu'il n'a pas récupéré les sommes qu'il estime lui être dues, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner la société Ikarie à lui verser une provision correspondant au montant total de ces compensations financières, soit une somme de 14 494 810 euros.

3. Par la présente requête le SMAD relève appel de l'ordonnance du 23 avril 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de condamnation de la société Ikarie à lui verser la provision précitée de 14 494 810 euros.

4. D'une part et aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

5. D'autre part et aux termes de l'article 25 de la convention d'affermage du parc de loisir du site cap Découverte, intitulé " Indemnisation financière - compensation des contraintes de service public " : " Le délégataire reçoit du SMAD une indemnisation financière des obligations de service public mises à sa charge (...) ". Il résulte, en outre, des stipulations de l'article 25.2 de la convention précitée que l'indemnité a pour objet de compenser les contraintes de service public liées au fonctionnement et à l'entretien du télésiège, à l'usage de la navette, à l'entretien de la plage et à la gratuité de la baignade et de la surveillance de la fosse ainsi que de toute autre sujétion de service public prévue dans la convention. Par ailleurs et aux termes de l'article 2.7 de cette convention, le délégataire contribue à l'entretien courant des ouvrages indivisibles, notamment en procédant au nettoyage des espaces fréquentés par le public, des ouvrages hydrauliques et de ceux dédiés à l'assainissement et également à l'entretien des espaces verts.

6. Enfin, aux termes de l'article 107 du traité susvisé sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ". L'article 108 du même traité stipule : " 1 . La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché intérieur (...), elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...). ... 3 . La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l'article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ".

7. Le SMAD soutient que les compensations financières aux obligations de service public versées à la société Ikarie constituent des aides d'État au sens de l'article 107 du TFUE et que, ces dernières étant illégales, il convient de procéder à leur remboursement.

8. Cependant et en premier lieu, il n'est ni établi ni même allégué que la société Ikarie n'aurait pas exécuté la plus grande partie, tout au long de la période concernée, des missions qui lui avaient été confiées et qui devaient être compensées par le versement de subventions, ainsi que prévu par l'article 25 de la convention d'affermage du parc de loisir du site cap Découverte.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'observations définitives sur la gestion du SMAD émanant de la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées ainsi que des éléments financiers produits en première instance par la société Ikarie, que l'exploitation du site de la Découvert est structurellement déficitaire, en raison notamment d'une fréquentation très en deçà de celle qui avait été anticipée, et que les subventions précitées servent effectivement à compenser les charges supportées par la société Ikarie pour le maintien en état des équipements du site, sans d'ailleurs lui permettre toujours d'équilibrer ses comptes, notamment s'agissant des années 2013 et 2014. Il suit de là que les subventions en cause constituent une compensation qui ne peut être regardée comme dépassant ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y afférant ainsi que d'un bénéfice raisonnable pour l'exécution de ces obligations. Par conséquent et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes versées par le SMAD à la société Ikarie sur le fondement de l'article 25 de la convention d'affermage précitée constitueraient une aide d'État au sens de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00).

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'obligation dont se prévaut le SMAD est sérieusement contestable et, par conséquent, que le SMAD n'est pas fondé à se plaindre de ce que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande de condamnation de la société Ikarie à lui verser une provision de 14 494 810 euros. Par suite ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

ORDONNE :

Article 1er : La requête n° 20BX01532 du SMAD est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au syndicat mixte d'aménagement de la découverte et à la société Ikarie.

Fait à Bordeaux, le 3 novembre 2020.

Le juge d'appel des référés,

B...

La République mande et ordonne au préfet du Tarn, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition certifiée conforme.

La greffière,

Angélique Bonkoungou

4

No 20BX01532


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX01532
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : LINDITCH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-11-03;20bx01532 ?
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