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20/10/2020 | FRANCE | N°20BX02453

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 20 octobre 2020, 20BX02453


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1900987 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté préfectoral du 16 juillet 2019 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans

un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1900987 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté préfectoral du 16 juillet 2019 et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 16 juin 2020 et d'en prononcer l'annulation.

Il soutient que :

- ses conclusions aux fins de sursis à exécution sont fondées sur les articles R. 811-17 et R. 811-15 du code de justice administrative ;

- l'exécution de la décision causerait un préjudice difficilement réparable pour l'autorité préfectorale, une somme d'argent considérable sera mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens et compte tenu de la délivrance d'un titre de séjour ;

- il soulève des moyens sérieux dans sa requête au fond ; en effet, le préfet a correctement apprécié la situation de Mme B... dès lors qu'elle ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ; Mme B... ne justifie pas suffisamment de la communauté de vie avec son compagnon, ni que ce dernier contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; rien ne s'oppose à ce que l'intéressée reconstitue sa cellule familiale en Haïti avec ses enfants.

Par mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2020, Mme B... représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Guadeloupe. Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er septembre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2020 à 12h00.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 20BX02452 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents des formations de jugement des cours, (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel (...) ".

2. Mme B..., de nationalité haïtienne, née le 3 novembre 1974, est entrée en France, selon ses dires, en 2013. Elle a sollicité le 11 février 2019, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 16 juillet 2019, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de la Guadeloupe, par la présente requête, fait appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution.

3. Les conclusions d'appel du préfet de la Guadeloupe ont été enregistrées dans une requête distincte, enregistrée sous le n° 20BX02452. Il n'y a lieu, dans la présente instance, de ne statuer que sur les conclusions du préfet à fins de sursis à exécution.

4. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, invoqué par le préfet : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

5. Le préfet ne fait état dans sa requête d'aucune circonstance qui permettrait de considérer que l'exécution du jugement risquerait d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Ni la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ni l'injonction de délivrance d'un titre de séjour à Mme B... ne peuvent, par elles-mêmes, être regardées comme créant un tel risque. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la situation financière de Mme B... créerait un risque de non-remboursement en cas d'annulation ultérieure du jugement. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner si les moyens invoqués paraissent sérieux, le préfet n'est pas fondé à demander le sursis à l'exécution du jugement attaqué sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

6. Le préfet, qui fait état de la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à la charge de l'Etat, peut être regardé comme invoquant également l'article R. 811-16 du code de justice administrative aux termes duquel : " Lorsqu'il est fait appel par une personne autre que le demandeur en première instance, la juridiction peut, à la demande de l'appelant, ordonner sous réserve des dispositions des articles R. 533-2 et R. 541-6 qu'il soit sursis à l'exécution du jugement déféré si cette exécution risque d'exposer l'appelant à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies ".

7. A supposer que le préfet, en faisant état de ces dispositions, ait entendu se prévaloir du coût pour l'Etat de la délivrance d'un titre de séjour, ce coût, dont le montant n'est pas précisé, ne peut être regardé comme ne devant pas rester à la charge de l'Etat dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies au sens des dispositions de l'article R. 811-16 précité du code de justice administrative. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus, il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat serait exposé à la perte définitive de la somme de 800 euros qui a été mise à sa charge par les premiers juges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Enfin, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

9. Pour annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, le tribunal administratif de la Guadeloupe a jugé que, compte tenu de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels et familiaux de Mme B..., la décision en litige portait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En effet, le tribunal a considéré que Mme B... se prévalait d'une présence en France depuis 2013, vivait en concubinage avec un ressortissant haïtien en situation régulière, père de ses deux enfants, et qu'elle produisait de nombreuses pièces attestant d'une vie commune avec son compagnon depuis 2013. A l'appui de ses conclusions à fins de sursis à exécution le préfet fait valoir qu'il a correctement apprécié la situation de Mme B..., qui ne justifiait pas suffisamment de la communauté de vie avec son compagnon, et que ce dernier ne démontrait pas qu'il contribuait à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, ni des liens qu'il aurait tissés avec eux. Enfin, il fait valoir que rien ne s'oppose à ce que Mme B... reconstitue sa cellule familiale en Haïti avec ses enfants. Toutefois, aucun des moyens ainsi invoqués par le préfet n'apparait, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, ainsi que l'exigent les dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué. Par suite, sa requête doit être rejetée selon la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme C... B....

Une copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Fait à Bordeaux le 20 octobre 2020.

La présidente de la 4ème chambre

Evelyne Balzamo

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 20BX02453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 20BX02453
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-10-20;20bx02453 ?
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