La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/09/2020 | FRANCE | N°20BX01719

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (juge unique), 10 septembre 2020, 20BX01719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Environnement confolentais et charlois, l'association pour la Protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme M... B..., M. A... I..., M. N... H..., Mme K... J... et la société civile Châteauneuf d'Asnois ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet de la Vienne a délivré à la société Parc éolien du Bois Merle une autorisation unique portant sur un projet de parc éolien sur le territoire des communes d

e Surin et Chatain.

Par un jugement n° 1802175 du 21 novembre 2019, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Environnement confolentais et charlois, l'association pour la Protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme M... B..., M. A... I..., M. N... H..., Mme K... J... et la société civile Châteauneuf d'Asnois ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet de la Vienne a délivré à la société Parc éolien du Bois Merle une autorisation unique portant sur un projet de parc éolien sur le territoire des communes de Surin et Chatain.

Par un jugement n° 1802175 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté préfectoral du 15 mai 2018.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 22 mai 2020 et des mémoires enregistrés les 23 juillet et 1er septembre 2020, la société Parc éolien du Bois Merle, société par actions simplifiée, représentée par Me F..., demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 novembre 2019 ou, subsidiairement, de surseoir à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision contestée pour ce qui concerne les éoliennes E2, E3, E4, E6, E7 et E8 et, en toute hypothèse, de mettre à la charge de chacun des intimés la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions sont fondées sur les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que les demandeurs personnes physiques ne justifiaient pas d'un intérêt à agir au regard des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que les associations ne justifient pas d'un objet auquel le projet est susceptible de porter atteinte et que la société civile n'est pas représentée par une personne ayant qualité pour ce faire et ne justifie pas de l'atteinte portée par le projet ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet ne portera pas atteinte à la commodité du voisinage du fait de sa visibilité dans le paysage ; le paysage environnant, composé essentiellement de parcelles agricoles, ponctué de boisements faisant écran, ne présente aucun intérêt particulier ; aucun des hameaux avoisinants ne recèle de monuments protégés ni ne présente une qualité paysagère particulière ; les communes d'implantation sont situées en zone favorable au développement de l'éolien ; la seule circonstance que les éoliennes seraient visibles depuis des habitations ne suffit pas à caractériser une atteinte au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; en l'espèce, les photomontages joints à l'étude paysagère ont été réalisés depuis les points de vue les plus pénalisants et les services instructeurs n'ont pas émis d'avis critiques ; le commissaire enquêteur a émis un avis favorable ; des habitants de hameaux voisins témoignent que la visibilité du projet ne constitue pas une gêne particulière à leur égard ; la visibilité sera faible compte tenu du bâti et de la végétation comme le montrent les vidéomontages produits ; le moyen tiré du caractère erroné du motif retenu par le tribunal est sérieux ;

- l'étude paysagère présente de façon complète l'impact du projet sur les paysages ;

- subsidiairement, le moyen ne saurait être retenu pour les éoliennes E2, E3, E4, E6, E7 et E8 et elle pourrait renoncer aux éoliennes E1 et E5 qui sont les plus visibles depuis le hameau du Peu et le bourg de Surin ;

- l'exécution du jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables pour elle ; elle a versé un acompte de 274 884,62 euros HT pour le raccordement de son installation au réseau public de distribution d'électricité et le gestionnaire du réseau l'a informée qu'à la suite du jugement d'annulation de l'autorisation, les offres de raccordement qui lui avaient été faites sont devenues caduques avec pour conséquence la sortie de la file d'attente et, par conséquent, la perte d'une partie de l'acompte versé et l'obligation de déposer une nouvelle demande de raccordement ; or, compte tenu des capacités des postes de raccordement et des demandes concurrentes de raccordement qui risquent d'être présentées, elle est exposée à devoir recourir à des solutions plus éloignées et plus onéreuses, ayant pour conséquence de compromettre l'équilibre économique et la faisabilité du projet.

Par un mémoire enregistré le 20 août 2020, l'association Environnement confolentais et charlois, l'association pour la Protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme B..., M. I..., M. H..., Mme J... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Parc éolien du Bois Merle une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- leur demande de première instance était recevable ; ils justifient d'un intérêt à agir contre l'acte contesté ;

- le motif d'annulation retenu par le tribunal est fondé ;

- l'urgence invoquée à édifier un parc éolien n'est pas établie ; les propositions de raccordement ont été signées postérieurement au jugement d'annulation ; la requérante ne justifie pas de conséquences difficilement réparables ;

- le sursis à exécution pourrait s'avérer contraire à l'intérêt général puisqu'il autoriserait la construction du parc sans attendre que la juridiction se soit prononcée au fond ; cela pourrait porter un grave préjudice à la commodité du voisinage et à la biodiversité avec des conséquences difficilement réparables.

Vu :

- la requête au fond enregistrée sous le n° 20BX00269 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme L... D...,

- et les observations de :

* Me E..., substituant Me F..., représentant la société Parc éolien du Bois Merle, en présence de Mme G..., qui souligne la distinction qui doit être faite entre l'atteinte au paysage, qui n'a pas été retenue en l'espèce, et l'atteinte à la commodité du voisinage et sur le fait qu'une simple perception visuelle ne suffit pas à caractériser une atteinte ; elle précise que les impacts n'ont pas été sous-évalués mais que, compte tenu des masques visuels et des ouvertures des habitations les plus proches, l'atteinte retenue par le tribunal n'est pas caractérisée ; elle rappelle les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance ; elle précise, s'agissant des conséquences de l'annulation, que le raccordement a été demandé avant le jugement du tribunal et que l'annulation aurait pour effet de faire sortir le projet de la " file d'attente " en vue du raccordement ; elle ajoute qu'au cas où seules les éoliennes E1 et E5 seraient remises en cause, le parc serait distant de plus d'un kilomètre des hameaux et villages les plus proches ;

* Me C..., représentant l'association Environnement confolentais et charlois, l'association pour la Protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme B..., M. I..., M. H..., Mme J... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, qui insiste sur l'impact fort du parc éolien en projet sur le cadre de vie de nombreux riverains, compte tenu de la hauteur des éoliennes prévues et des effets de domination et de rupture d'échelle qu'elles induiront ; elle demande à ce qu'il soit tenu compte du fait que les intimés n'ont pas eu les moyens de produire de nouveaux photomontages dans l'instance de sursis à exécution mais que des documents seront produits dans le dossier de fond ; elle souligne que l'intérêt général s'oppose à ce que le sursis à exécution du jugement soit prononcé dès lors qu'il autoriserait la construction du parc.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

2. Par arrêté du 15 mai 2018, le préfet de la Vienne a délivré à la société Parc éolien du Bois Merle une autorisation unique pour l'installation et l'exploitation d'un parc de huit aérogénérateurs de 185 mètres de hauteur totale et de deux postes de livraison. Saisi par l'association Environnement confolentais et charlois, l'association pour la Protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, Mme B..., M. I..., M. H..., Mme J... et la société civile Châteauneuf d'Asnois, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté au motif qu'il était de nature à porter atteinte à la commodité du voisinage en modifiant de manière substantielle un paysage qui n'est pas dépourvu d'intérêt.

3. Les moyens invoqués par la société Parc éolien du Bois Merle, tirés de ce que l'étude paysagère présente de façon complète l'impact du projet sur les paysages, de ce que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le projet ne portera pas atteinte à la commodité du voisinage du fait de sa visibilité dans le paysage et de ce que la seule circonstance que les éoliennes seraient visibles depuis des habitations ne suffit pas à caractériser une atteinte au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

4. L'article R. 811-15 précité du code de justice administrative ne subordonne pas le prononcé du sursis à exécution à une condition d'urgence ou à un risque de conséquences difficilement réparables lié à l'exécution du jugement. Par suite, à supposer même que l'édification du parc en projet ne présenterait pas un caractère d'urgence et que la société bénéficiaire de l'autorisation ne justifierait pas des conséquences difficilement réparables qui selon elle découlerait de l'exécution du jugement qu'elle attaque, ces circonstances ne font pas obstacle au prononcé du sursis à exécution du jugement en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

5. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'espèce, l'intérêt général qui s'attache à la commodité du voisinage et à la préservation de la biodiversité justifierait qu'il ne soit pas fait droit aux conclusions de la société Parc éolien du Bois Merle.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Parc éolien du Bois Merle est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 21 novembre 2019.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Parc éolien du Bois Merle le versement de la somme que demandent les intimés au titre des frais d'instance exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société appelante tendant à l'application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à l'exécution du jugement n° 1802175 du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Poitiers jusqu'à ce qu'il ait été statué au fond sur la requête n° 20BX00269.

Article 2 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien du Bois Merle, à l'association Environnement confolentais et charlois, à Mme M... B..., à M. A... I..., à M. N... H..., à Mme K... J..., la SC Châteauneuf d'Asnois, à l'association protection de l'environnement et du patrimoine de la commune d'Asnois, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2020 à laquelle siégeait Mme L... D..., président de chambre.

Lu en audience publique le 10 septembre 2020.

Le président de la 5ème chambre

Elisabeth D...

Le greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX01719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 20BX01719
Date de la décision : 10/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Avocat(s) : CABINET FCA ; CABINET BCTG et ASSOCIES ; CABINET FCA ; CABINET FCA

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-10;20bx01719 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award