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16/04/2020 | FRANCE | N°19BX03583

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 16 avril 2020, 19BX03583


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Ikarie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte d'aménagement de la Découverte (SMAD) à lui verser une provision de 199 121,30 euros.

Par ordonnance n° 1902033 du 30 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2019, la société Ikarie, représenté par Me A..., de

mande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 30 août 2019 du juge des référé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Ikarie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte d'aménagement de la Découverte (SMAD) à lui verser une provision de 199 121,30 euros.

Par ordonnance n° 1902033 du 30 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2019, la société Ikarie, représenté par Me A..., demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 30 août 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle a rejeté sa demande ;

2°) de condamner le syndicat mixte d'aménagement de la Découverte (SMAD) à lui verser une provision, à titre principal, de 199 121,30 euros et, à titre subsidiaire, de 150 000 euros, sommes majorées des intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2019 ;

3°) de confirmer l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté les conclusions reconventionnelles du SMAD ;

4°) de mettre à la charge du SMAD une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à juste titre que le premier juge a rejeté comme irrecevables les conclusions reconventionnelles du SMAD ; en effet, ce dernier n'a pas respecté les stipulations de l'article 42 du contrat d'affermage, qui imposaient aux parties une obligation préalable de conciliation en cas de différend ;

- en vertu des stipulations de l'article 25 du contrat d'affermage conclu avec le SMAD doit lui être versée une indemnisation financière des contraintes de service public mises à sa charge et le montant dû au titre de la dernière année d'exécution de ce contrat s'élève à la somme de 1 116 666,62 euros HT, laquelle doit être réglée par 1/14ème ;

- le SMAD a cessé d'appliquer ces stipulations sans aucun motif valable ;

- à cet égard, le syndicat n'est pas fondé à prétendre qu'elle aurait été défaillante dans la mise en oeuvre de ses obligations d'entretien, en s'appuyant sur des constats non contradictoires et après avoir refusé d'effectuer l'état des lieux contradictoire prévu par le contrat ;

- en outre, ces constats, qui ne concernent du reste pas la période ici en litige, ne permettent pas à eux seuls d'établir l'absence de mise en oeuvre de ses obligations d'entretien ; il résulte, au contraire, du procès-verbal de constat du 30 novembre 2018 un excellent état d'entretien du site ;

- de plus, il ne saurait lui être reproché une fermeture partielle de la zone de baignade du lac Sainte-Marie ;

- enfin et à titre subsidiaire, la provision sollicitée correspond aussi à des sommes dues aux fins de compenser des obligations d'une toute autre nature que celles visées dans l'ordonnance attaquée et, par conséquent, rien ne justifie le refus de tout paiement de ces compensations ; en outre, le SMAD n'a pas chiffré le préjudice que représenterait le défaut d'entretien qu'il allègue ;

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2020, le syndicat mixte d'aménagement de la Découverte (SMAD), représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à obtenir la condamnation de la société appelante à lui verser une provision de 1 116 666,62 euros HT et à ce qu'il soit mis à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Il soutient que :

- comme l'a estimé le premier juge, la demande de provision de l'appelante se heurte à l'existence d'une contestation sérieuse, tenant à l'inexécution de ses obligations par cette dernière ;

- en effet et en vertu des stipulations de l'article 2 de la convention d'affermage la société s'est engagée à maintenir le site en l'état, en contrepartie de la compensation due par le syndicat des obligations de service public mises à sa charge ;

- or la société fermière n'a pas exécuté ses obligations, ainsi qu'en attestent les constats d'huissier dressés en pleine période estivale ;

- par ailleurs, l'article 42 de la convention d'affermage ne concerne que les seules réclamations du fermier ; il ne lui est donc pas opposable, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge ;

- sa demande reconventionnelle est justifiée tant par l'inexécution par la société de ses obligations que par la nécessité de la mise en conformité de la situation avec les exigences posées par la jurisprudence Altmark.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné, par décision du 2 septembre 2019, M. C... en application du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte d'aménagement de la Découverte (SMAD), regroupant les communes du bassin minier de Carmaux (Tarn), a pour objet la maîtrise d'ouvrage et le financement du site " Cap Découverte ", soit un parc de loisirs créé sur l'emplacement d'une ancienne mine de charbon à ciel ouvert. Au cours de l'année 2012, il a engagé une procédure de passation concernant trois contrats en vue de déléguer la gestion du parc de loisirs, la gestion de l'auberge du parc et la gestion du camping du parc pour une durée de cinq ans. La société Vert Marine a été désignée attributaire de ces trois contrats à laquelle s'est substituée, en vertu de l'article 45.2 du contrat d'affermage, les sociétés, nouvellement constituées, Ikarie pour la gestion du parc de loisirs, Ikarie Auberge pour la gestion de l'auberge et Ikarie Camping pour la gestion du camping. Par un avenant en date du 21 septembre 2017, les contrats ont été prorogés jusqu'au 30 novembre 2018. Ces contrats prévoyaient le montant des compensations financières des obligations de service public qui lui étaient imposées. Le SMAD n'ayant pas procédé au règlement des sommes dues, malgré la tentative contractuelle du règlement amiable du différend, la société Ikarie a demandé au juge des référés de le condamner à lui verser une provision correspondant au montant des compensations financières des obligations de service public non réglées au titre des mois de juin, juillet, août et septembre 2018. Par une ordonnance du 2 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a condamné le SMAD à verser à la société Ikarie la somme de 398 242,60 euros à titre de provision au titre de cette période, avec constitution de garantie bancaire.

2. Par la présente requête, la société lkarie relève appel de l'ordonnance du 30 août 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle a rejeté sa demande tendant à la condamnation du SMAD à lui verser une provision de 199 121,30 euros correspondant au montant des compensations financières des obligations de service public non réglées au titre des mois d'octobre et novembre 2018.

Sur les conclusions relatives à la condamnation du SMAD à verser une provision :

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

4. Aux termes de l'article 25 de la convention d'affermage du parc de loisir du site cap Découverte, intitulé " Indemnisation financière - compensation des contraintes de service public " : " Le délégataire reçoit du SMAD une indemnisation financière des obligations de service public mises à sa charge (...) ". Il résulte, en outre, des stipulations de l'article 25.2 de la convention précitée que l'indemnité a pour objet de compenser les contraintes de service public liées au fonctionnement et à l'entretien du télésiège, à l'usage de la navette, à l'entretien de la plage et à la gratuité de la baignade et de la surveillance de la fosse ainsi que de toute autre sujétion de service public prévue dans la convention. Par ailleurs et aux termes de l'article 2.7 de cette convention, le délégataire contribue à l'entretien courant des ouvrages indivisibles, notamment en procédant au nettoyage des espaces fréquentés par le public, des ouvrages hydrauliques et de ceux dédiés à l'assainissement et également à l'entretien des espaces verts.

5. Il est, d'abord, constant que l'indemnisation destinée à compenser les obligations de service public mises à la charge de la société appelante s'élève théoriquement à la somme globale de 199 121,30 euros au titre des mois d'octobre et de novembre 2018.

6. Il résulte, ensuite, de l'instruction et notamment des constats d'huissier produits par le SMAD, établis les 26 et 27 juillet 2018, que la société Ikarie n'a pas, au cours de l'été 2018, correctement assuré l'entretien d'une partie du site, notamment certaines zones des espaces verts ainsi que les abords des voies d'accès au lac et à la plage. Toutefois et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, il ne résulte pas des seules constatations de ces procès-verbaux, établis plus de deux mois auparavant et qui ne concernent pas la totalité des espaces et installations exploités par l'appelante, un défaut d'entretien général du site s'agissant des mois d'octobre et de novembre 2018. De plus, la société Ikarie a produit un constat d'huissier du 30 novembre 2018 dont il ressort, au contraire, un entretien satisfaisant - et contemporain de la période au titre de laquelle l'indemnisation est sollicitée - des installations et équipements concernés. Enfin et ainsi qu'il a été exposé au point 4 les indemnités prévues par l'article 25 de la convention visaient notamment à compenser le fonctionnement et l'entretien du télésiège, l'usage de la navette et la surveillance de la fosse, charges dont il n'est ni établi ni même allégué qu'elles n'auraient pas été assumées.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a estimé que la société Ikarie ne pouvait, s'agissant de l'indemnisation des mois d'octobre et novembre 2018 sur le fondement de l'article 25 de la convention d'affermage du parc de loisir du site cap Découverte, se prévaloir de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable à l'égard du SMAD.

Sur les conclusions reconventionnelles du SMAD :

8. Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la procédure de règlement des litiges organisée par l'article 42 de la convention d'affermage applicable n'imposait pas à l'autorité délégante, soit le SMAD, de saisir une commission de conciliation préalablement à la saisine du juge administratif.

9. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il y a lieu de se prononcer sur les conclusions reconventionnelles du SMAD, qui tendent à ce que la société Ikarie soit condamnée à lui verser une provision de 1 116 666,62 euros correspondant aux indemnités versées à cette société au titre de la dernière année d'exécution sur le fondement de l'article 25 de la convention d'affermage.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, eu égard aux constats d'huissier effectués au coeur de la période estivale l'absence d'entretien correct d'une partie des espaces verts et équipements confiés à la société appelante est attestée, s'agissant du moins du mois de juillet 2018. Toutefois, le SMAD n'établit ni même n'allègue que cette situation lui aurait causé un quelconque préjudice. Par ailleurs, aucune stipulation de la convention d'affermage concernée ne prévoit dans une telle hypothèse le reversement de tout ou partie des indemnités réglées sur le fondement de l'article 25 de ladite convention. Enfin, la situation précitée constatée à la fin du mois de juillet n'est pas de nature à elle seule à établir que tout ou partie des sommes versées par le SMAD à la société Ikarie sur le fondement de l'article 25 de la convention d'affermage précitée constituerait une aide d'État au sens de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00).

11. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Ikarie est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 30 août 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'elle a refusé de condamner le SMAD à lui verser une provision de 199 131,30 euros et, d'autre part, que le SMAD n'est pas fondé à se plaindre de ce que cette ordonnance a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Iakrie à lui verser une provision de 1 116 666,62 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge du SMAD le versement à la société Ikarie d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ikarie, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le SMAD demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : Le SMAD est condamné à verser à la société Ikarie une provision de 199 131,30 euros.

Article 2 : Les conclusions du SMAD sont rejetées.

Article 3 : L'ordonnance du 30 août 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.

Article 4 : Le SMAD versera à la société Ikarie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Ikarie et au syndicat mixte d'aménagement de la Découverte.

Fait à Bordeaux, le 16 avril 2020.

Le juge d'appel des référés,

C...

La République mande et ordonne au préfet du Tarn, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à 1'exécution de la présente ordonnance.

2

No 19BX03583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 19BX03583
Date de la décision : 16/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LINDITCH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-04-16;19bx03583 ?
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