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06/03/2020 | FRANCE | N°19BX02484

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 06 mars 2020, 19BX02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier de Cayenne (CHC) Andrée Rosemon à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de provision, assortie des intérêts légaux à compter du 19 décembre 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n°1900773 du 10 juin 2019, le juge des référés

du tribunal administratif de la Guyane a condamné le CHC à verser à M. B... la somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner le centre hospitalier de Cayenne (CHC) Andrée Rosemon à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de provision, assortie des intérêts légaux à compter du 19 décembre 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n°1900773 du 10 juin 2019, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a condamné le CHC à verser à M. B... la somme de 3 000 euros à titre de provision, portant intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2018, et une somme de 1 200 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juin 2019 et des mémoires enregistrés les 6 août 2019, 20 août 2019, 6 septembre 2019 et 23 septembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour de confirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif en ce qu'elle a reconnu l'existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier, de la réformer sur le montant de la provision allouée en la portant à la somme de 100 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande indemnitaire préalable et capitalisation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, et de mettre à la charge du CHC une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le CHC a commis une faute médicale engageant sa responsabilité en ne diagnostiquant pas son cancer du larynx dès la consultation du 16 juin 2015 ;

- le juge des référés du tribunal administratif a opéré une confusion entre le retard de diagnostic, qui court à compter de la première consultation, et le retard de traitement, ce qui a faussé le calcul de l'indemnité provisionnelle qui lui est due ;

- le CHC ne peut pas se fonder sur le référentiel d'indemnisation de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour minorer ce chef de préjudice, car l'ONIAM n'a pas à intervenir dans l'espèce, son référentiel n'est donc pas applicable ;

- la somme de 1 000 euros allouée au titre de la gêne fonctionnelle temporaire partielle qu'il a subie doit être portée à 20 000 euros ;

- la somme de 2 000 euros allouée au titre des souffrances endurées doit être portée à 30 000 euros, dès lors qu'il a été totalement abandonné par le CHC avec quatre enfants dont deux à charge, et contraint de se faire soigner en métropole, où il réside toujours ;

- la perte de chance réelle de subir un traitement moins lourd, exclusivement à base de radiothérapies alors qu'il a subi en sus une chimiothérapie, est caractérisée et confirmée par le rapport d'expertise, et justifie le versement d'une somme de 50 000 euros ;

- la faute du CHC augmente de manière certaine le risque d'apparition de métastases et le plonge dans un état d'anxiété et d'angoisse qui justifie le versement d'une somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

- il a été contraint de s'occuper seul de l'ensemble des formalités administratives liées à sa prise en charge médicale en métropole, sans que son dossier médical lui soit transmis ; le préjudice résultant de l'absence de dossier médical complet est indemnisable, et cette faute distincte du retard de traitement justifie le versement d'une somme de 10 000 euros ;

- le suivi tardif de sa maladie a entraîné son déménagement en métropole, l'ayant obligé à quitter son emploi en Guyane, il vit désormais grâce aux aides de Pôle Emploi, est débiteur d'une dette locative concernant son logement en métropole et s'est vu signifier un commandement de payer par huissier visant la clause résolutoire de son bail. Un traitement moins invasif lui aurait permis de rester en Guyane et de continuer son activité professionnelle antérieure. Son préjudice patrimonial doit être évalué ainsi à 100 000 euros ;

- Sur ce total de 230 000 euros réclamé par requête au fond devant le tribunal administratif en réparation de l'ensemble du préjudice subi, 100 000 euros constituent la partie non contestable de l'obligation de réparation, qui devront lui être versés à titre de provision.

Par un mémoire, enregistré le 18 juillet 2019, l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut à sa mise hors de cause et à ce que les dépens soient mis à la charge du CHC.

Il soutient que :

- M. B... ne formule aucune demande à son encontre ;

- le CHC ne conteste pas le principe de sa responsabilité ;

- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies, aucun acte de soin n'étant à l'origine du dommage.

Par un mémoire, enregistré le 19 août 2019, et un mémoire enregistré le 12 septembre 2019, le centre hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1 a été correctement indemnisé par le juge des référés du tribunal administratif, et la différence d'indemnisation entre une période de retard de diagnostic de 9 mois, 10 mois ou 11 mois est minime ;

- les souffrances endurées ont été justement estimées à 2 sur une échelle de 7, et correctement indemnisées par le juge des référés du tribunal administratif à hauteur de 2 000 euros, la demande de 30 000 euros ne reposant par ailleurs sur aucun fondement, puisque M. B... ne justifie pas que le fait qu'il soit parti habiter en métropole, et qu'il y réside encore actuellement soit en relation avec le retard de diagnostic. De même, il ne démontre pas avoir des enfants à charge à l'époque des faits, cette condition n'a donc pas pu majorer ses souffrances pendant la période d'errance diagnostique ;

- le risque de récidive est purement éventuel et ne peut être indemnisé, ce que ne remet pas en cause M. B..., qui demande néanmoins en appel l'indemnisation d'un préjudice moral lié à la crainte de récidive, dont le risque se serait accru du fait du retard de diagnostic. Cependant si l'expert a indiqué que ce risque serait moindre si le cancer avait été traité plus tôt, ce risque existerait tout de même, et est lié à la pathologie, si bien que le préjudice moral invoqué aurait été subi même en l'absence de faute, et il est impossible d'évaluer un préjudice moral lié à ce préjudice qui demeure indéterminé ;

- l'absence de production d'un dossier médical complet et l'absence d'information de la part du médecin traitant n'ont entraîné aucun autre préjudice que le retard de diagnostic lui-même ;

- M. B... n'est pas en incapacité de travailler puisqu'il était titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée de juillet 2018 à juin 2019, qui n'a pas été renouvelé, et qu'il était en arrêt de travail depuis 2014, jusqu'à sa rupture conventionnelle en 2017, dont le motif n'est pas connu. Il n'y a donc pas de lien de causalité entre une éventuelle perte de revenus ou une incidence professionnelle et le retard de diagnostic ;

- l'expert a omis de répondre au dire concernant le caractère envahissant du carcinome, ce qui rend impossible de savoir si le traitement aurait été le même que celui prodigué si le diagnostic avait été posé plus tôt, toute demande formulée sur ce point fait donc l'objet d'une contestation sérieuse, et ne peut faire l'objet d'une provision.

Par des mémoires enregistrés le 30 septembre 2019 et le 14 février 2020, la Caisse générale de sécurité sociale de Guyane conclut à ce que le centre hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon soit condamné à lui rembourser, au titre des prestations versées, la somme de 4107,86 euros, avec intérêts de droit, et la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Elle soutient que :

- les prestations imputables au retard de diagnostic ont été évaluées en dernier lieu à 4 107,86 euros comprenant notamment la chimiothérapie ;

-elle doit en être remboursée en application de l'article 376-1 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui présentait depuis le mois d'avril 2015 une gêne laryngée et une importante dysphonie, a consulté à plusieurs reprises des spécialistes en oto-rhino-laryngologie du Centre Hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon, notamment les 16 juin, 14 septembre et 22 octobre 2015. Les médecins ont noté une parésie de la corde vocale gauche liée à un épaississement de la droite et posé le diagnostic de laryngite chronique. Après avoir subi, le 13 novembre 2015, un examen tomodensitométrique, le patient s'est vu proposer des séances d'orthophonie et des injections de graisse dans la corde vocale. Hospitalisé, sur les conseils de son médecin traitant, à la Pitié-Salpêtrière le 11 avril 2016 suite à l'aggravation de ses symptômes, M. B... a subi un examen tomodensitométrique, un scanner, puis, le 26 mai suivant, une laryngoscopie en suspension avec des biopsies. Celles-ci ont permis de diagnostiquer un cancer épidermoïde de la corde vocale droite. Après avoir subi quatre cures de chimiothérapie et trente séances de radiothérapie à compter du 15 septembre 2016, il a achevé son traitement le 14 novembre suivant et a bénéficié d'une consultation trimestrielle de suivi pendant deux ans.

2. M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane de condamner le CHC Andrée Rosemon à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de provision en réparation de son préjudice, assortie des intérêts légaux à compter du 19 décembre 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance, et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. M. B... relève appel de l'ordonnance du 10 juin 2019 par lequel le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a condamné le CHC à lui payer seulement la somme de 3 000 euros à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2018, et mis à la charge du CHC la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.

Sur la responsabilité :

4. Aux termes de l'article L.1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que M. B... a consulté un médecin du CHC Andrée Rosemon le 16 juin 2015. Cette consultation a abouti à un diagnostic de parésie de la corde vocale gauche. Ce diagnostic initial s'est révélé erroné, et un cancer épidermoïde de la corde vocale droite a finalement été diagnostiqué à Paris, suite à une laryngoscopie réalisée le 26 mai 2016. Il n'est pas contesté que M. B... a subi à la fois un retard et une erreur de diagnostic lors de sa prise en charge initiale au CHC Andrée Rosemon, et que l'absence de réalisation immédiate d'une laryngoscopie en suspension avec biopsies a retardé la découverte et le traitement de sa maladie. Cette erreur lors de cette prise en charge, qui a concerné un patient pour lequel il n'existait aucune difficulté particulière d'établissement de diagnostic, présente le caractère d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à sa mise hors de cause :

6. Il résulte de l'instruction que les conditions d'intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies, en ce que les préjudices subis par M. B... ne résultent pas d'un accident médical ou d'un aléa, mais d'une faute commise par un établissement de santé. Aucune indemnisation ne saurait, dès lors, être mise à la charge de l'ONIAM, qui doit donc être mis hors de cause.

Sur le montant de la provision:

S'agissant de la gêne fonctionnelle temporaire partielle :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert que, dépisté plus tôt, le cancer de M. B..., qualifié de carcinome isolé de la corde vocale sans envahissement, aurait été traité exclusivement par radiothérapie, et n'aurait pas continué à évoluer. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que lors de la consultation du 16 juin 2015, le carcinome pouvait être qualifié d'envahissant. Dès lors, une intervention plus précoce aurait permis d'éviter de faire subir au requérant le traitement lourd qu'il a dû endurer, associant radiothérapie et chimiothérapie. Après sa première consultation à son arrivée en métropole, à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le 11 avril 2016, un délai d'environ un mois et quinze jours a été nécessaire pour procéder à un examen tomodensitométrique et une biopsie, et poser un diagnostic de cancer épidermoïde de la corde vocale droite. Compte tenu de cette durée, si M. B... avait été correctement pris en charge au CHC Andrée Rosemon le 16 juin 2015, son cancer aurait pu être diagnostiqué environ un mois et quinze jours après cette première consultation. Le retard de diagnostic de M. B... peut donc être estimé à 10 mois à compter du 1er août 2015. Le préjudice subi par M. B..., qui réside dans le retard de traitement qu'a induit le retard de diagnostic, peut ainsi être évalué à environ dix mois, compte tenu de l'incertitude sur la date des premiers traitements dont il a bénéficié et du délai qui aurait de toute façon été nécessaire pour organiser le transfert de M. B... en métropole. L'expert a regardé la gêne fonctionnelle temporaire liée notamment à des difficultés d'élocution et au préjudice d'anxiété en l'absence d'explications de son état comme de classe 1, soit environ 10%. Au regard de ce degré, le premier juge n'a en toute hypothèse pas procédé à une insuffisante évaluation de ce chef de préjudice en allouant à M. B... la somme de 1 000 euros à titre de provision pour la gêne fonctionnelle temporaire.

S'agissant des souffrances endurées :

8. L'expert a évalué les souffrances endurées par M. B... à deux sur une échelle de sept pendant la période d'attente entraînée par le retard de diagnostic. M. B... ne peut utilement faire valoir ses difficultés financières liées d'une part à son déménagement en métropole, lequel aurait de toute façon été nécessaire en l'absence de possibilité de réaliser sur place les soins nécessaires, et d'autre part à sa situation de famille, pour demander une majoration de la provision de 2 000 euros qui lui a été allouée à juste titre en réparation de ces souffrances, incluant la perte de chance d'éviter une chimiothérapie, sur laquelle l'expert a au demeurant expressément répondu au dire du centre hospitalier.

S'agissant des carences dans le suivi du dossier médical :

9. Si l'expert relève que le dossier médical tenu par le CHC Andrée Rosemon est " quasiment vide ", avec une seule consultation répertoriée, alors que d'autres consultations ont bien eu lieu car elles ont été suivies d'examens, il ne résulte pas de l'instruction que cette carence dans la tenue du dossier médical et les difficultés subies par M. B... pour l'obtenir aient entraîné des préjudices indemnisables autres que ceux déjà réparés au titre d'autres chefs de préjudice.

S'agissant du préjudice moral :

10. M. B... a présenté un cancer épidermoïde de la corde vocale droite depuis le mois d'avril 2015, qui a été traité à partir de juin 2016, et qui est actuellement en rémission. Il ressort du rapport d'expertise que l'évolution dans le temps de ce cancer est imprévisible, notamment en raison d'une possibilité d'apparition future de métastases dont la probabilité, bien qu'inquantifiable faute de séquelles et de signes de récidive, serait moindre si le cancer n'avait pas été tardivement traité par la faute du CHC. La perte de chance de se soustraire à un risque dont la réalisation n'est pas certaine et qui ne peut être estimé est purement éventuelle, et ne peut, dès lors, ouvrir droit à une provision.

S'agissant du préjudice patrimonial :

11. M. B... soutient qu'il a été contraint de quitter son emploi de conducteur d'autobus et que, désormais indemnisé par Pôle emploi à hauteur de 1328,70 euros, il subit une perte de revenus mensuelle de 1.170 euros, qu'il est débiteur d'une dette locative qu'il ne parvient pas à régler malgré l'échelonnement convenu avec son bailleur, et que ces circonstances caractérisent l'existence d'un préjudice patrimonial imputable au retard de diagnostic. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. B... se serait vu forcé, même si le diagnostic avait été posé plus tôt, de venir résider en métropole afin de pouvoir bénéficier du traitement médical approprié. Ainsi, comme le souligne en défense le centre hospitalier, il n'est pas établi que le préjudice patrimonial allégué serait directement imputable, non à la maladie, mais aux fautes médicales, en particulier qu'en l'absence d'erreur de diagnostic, le requérant, d'ailleurs placé en arrêt de travail depuis 2014, et dont le motif de la rupture conventionnelle de 2017 ne ressort pas expressément du dossier, n'aurait pas exposé les mêmes frais de déménagement et subi les mêmes pertes de revenus. Le caractère non sérieusement contestable de la créance alléguée ne peut donc être retenu.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a limité à 3 000 euros la provision qu'il a mise à la charge du centre hospitalier André Rosemon de Cayenne.

Sur les intérêts et la capitalisation :

13. M. B... a droit, comme l'a reconnu le premier juge, aux intérêts légaux sur le montant de 3.000 euros à compter du 19 décembre 2018, date de réception par le centre hospitalier de sa demande préalable. En revanche, si le premier juge a rejeté sa demande de capitalisation présentée dans sa requête enregistrée le 28 mai 2019, ce qu'il était fondé à faire dès lors qu'à la date de son ordonnance du 10 juin 2019 il n'était pas dû une année d'intérêts, les pièces du dossier ne permettent pas de savoir si le centre hospitalier s'est acquitté des sommes mises à sa charge par le juge des référés. S'il ne l'a pas fait avant le 19 décembre 2019, le requérant est fondé à demander la capitalisation des intérêts à cette dernière date.

Sur les droits de la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane :

14. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : "Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre ou du livre Ier. (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. (...)". La Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane, pour pouvoir prétendre, sur le fondement des dispositions précitées, au remboursement par le CHC des prestations servies à M. B... doit justifier non seulement du montant des dépenses qu'elles ont occasionnées, mais aussi du lien d'imputabilité avec la faute du CHC.

15. La Caisse demande le remboursement d'une somme de 4 107,86 euros correspondant à des prestations versées qu'elle qualifie d'" imputables au fait médical ", ainsi que la somme de 1091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Cependant, ces conclusions sont présentées pour la première fois en appel, au demeurant à titre non provisionnel, et la notification définitive de débours ni les pièces qui y sont jointes ne permettent pas d'apprécier précisément les soins et transports qui y sont mentionnés. Par suite, cette demande ne peut être accueillie par le juge des référés, ni par voie de conséquence celle tendant au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

16. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : L'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est mis hors de cause.

Article 2 : Les intérêts sur les sommes allouées par l'ordonnance du 21 juin 2019 seront capitalisés au 19 décembre 2019 s'ils n'ont pas été versés avant cette date.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier de Cayenne présentées au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au centre hospitalier de Cayenne Andrée Rosemon, à l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane.

Fait à Bordeaux le 6 mars 2020.

Le juge des référés,

Catherine Girault

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

N° 19BX02484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 19BX02484
Date de la décision : 06/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-015 Procédure. Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET MARCAULT DEROUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-06;19bx02484 ?
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