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17/02/2020 | FRANCE | N°19BX03177

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 17 février 2020, 19BX03177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pena environnement, société par actions simplifiée, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner une expertise relative à l'existence, l'origine et aux conséquences de nuisances olfactives qui affecteraient le quartier Toctoucau à Pessac.

Par une ordonnance n° 1900425 du 29 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux, juges des référés, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 20 août 2019, la société Pena environnement, représentée par Me A... B..., demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pena environnement, société par actions simplifiée, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner une expertise relative à l'existence, l'origine et aux conséquences de nuisances olfactives qui affecteraient le quartier Toctoucau à Pessac.

Par une ordonnance n° 1900425 du 29 juillet 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux, juges des référés, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2019, la société Pena environnement, représentée par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 29 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de faire droit à sa demande d'expertise.

Elle soutient que :

- le premier juge, en ne prenant pas en compte l'urgence qu'il y a à clarifier l'origine des odeurs ressenties par les plaignants et leur lien éventuel avec l'installation qu'elle exploite, et en ne distinguant pas la légalité de l'arrêté d'astreinte émis à son encontre et l'objet de l'expertise qui est bien plus large, a commis une erreur d'appréciation qui entache son ordonnance d'irrégularité ;

- les conditions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative sont réunies ;

- une mesure d'expertise s'avère utile pour déterminer l'origine des odeurs ressenties ; elle ne met pas en doute la réalité de ces nuisances mais ne les a pas elle-même constatées ; son installation respecte les prescriptions de l'arrêté préfectoral qui l'autorise en matière d'émissions olfactives ; si des constats ont été faits par des inspecteurs de l'environnement, elle n'était pas prévenue de ces opérations qui n'ont pas été conduites à son contradictoire ; les études menées par l'organisme Odometric en 2015 et 2019 montrent que des sources d'odeurs autres que l'installation peuvent biaiser les observations des riverains ; de plus, la direction des vents dominants est contraire, la localisation des plaignants est trop éloignée du site et les odeurs ressenties ne correspondent pas aux molécules odorifères recensées sur le site ;

- bien qu'aucune non-conformité ne lui soit reprochée, elle s'est vu imposer de lourds travaux par l'administration et doit encore réaliser d'autres travaux sous astreinte sans qu'il soit certain que ces travaux mettent fin aux plaintes ; l'administration elle-même met en doute les études réalisées ;

- l'administration s'oppose à une expertise et prétend que l'entreprise ne se conforme pas à ses obligations alors que, depuis deux ans, les arrêtés pris ne sont pas fondés sur une méconnaissance de la règlementation applicable ; contrairement à ce que soutient l'administration, sa demande d'expertise n'a pas pour but de retarder la réalisation des travaux dès lors qu'une astreinte court à son encontre ; pour le cas où l'opposition de l'administration serait due au coût financier de l'expertise, elle précise qu'elle est disposée à supporter ce coût.

Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les conclusions de la société Pena environnement doivent être rejetées pour les motifs exposés en première instance par le préfet et ajoute que, comme l'a relevé le premier juge, aucune circonstance particulière ne confère à la mesure sollicitée un caractère d'utilité différent de celui de la mesure que le juge du fond peut ordonner en vertu de ses pouvoirs d'instruction ; il ajoute également que la société dispose de la faculté de présenter toute nouvelle étude olfactive qu'il lui plaira de mener.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Le président de la cour a désigné Mme Jayat, président de chambre, en qualité de juge des référés, en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

2. La société Pena environnement exploite depuis 1996 sur le territoire de la commune de Saint-Jean-d'Illac une activité de tri, transit et regroupement de déchets, de production de compost et de traitement d'effluents liquides, soumise à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, autorisée et régie en dernier lieu par un arrêté du préfet de la Gironde du 20 novembre 2008. En 2015, à la suite de plaintes de riverains, l'inspection des installations classées a fait réaliser une étude olfactométrique confiée au bureau d'études Odometric. Cette étude a conclu que les nuisances olfactives trouvaient au moins en partie leur origine dans l'activité de la société Pena. Le 22 juillet 2016, le préfet a mis en demeure la société de respecter ses obligations, l'inspection des installations classées ayant constaté que les installations de traitement de l'air des tunnels de fermentation qui devaient capter les effluents gazeux n'étaient pas opérationnelles. A la demande de l'inspection des installations classée, une nouvelle étude a été réalisée, au moins de janvier 2017, confiée au bureau d'études IRH Conseil, qui fait apparaître des émissions de trois types de molécules odorantes. Le 22 mai 2017, un nouvel arrêté de mise en demeure a imposé à l'exploitant de mettre en oeuvre les traitements adaptés à chacune de ces molécules. Une nouvelle inspection ayant fait apparaître que les mesures n'avaient pas été prises et en présence de plaintes persistantes, de nouveaux arrêtés de mise en demeure ont été pris le 24 novembre 2017 puis le 26 janvier 2018. Durant l'été 2018, les nuisances olfactives ont de nouveau été constatées par l'inspection de l'environnement qui a conclu à une insuffisance du dispositif de traitement des odeurs. La société a alors informé l'administration de la mise en place d'un dispositif de brumisation qui a été estimé insuffisant. Le 28 novembre 2018, un arrêté préfectoral lui appliquant une astreinte a été pris à son encontre. La société a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Bordeaux. Elle a également demandé au juge des référés de ce tribunal d'ordonner une expertise relative à l'existence, à l'origine et aux conséquences, notamment au regard des travaux qui lui incomberaient, des nuisances olfactives qui affecteraient le quartier Toctoucau à Pessac. Elle fait appel de l'ordonnance du 29 juillet 2019 par laquelle le président du tribunal, statuant en référé, a rejeté sa demande.

3. Pour justifier de l'utilité de la mesure qu'elle sollicite, la société Pena environnement fait état de l'action qu'elle a engagée contre l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2018. Toutefois, ainsi que l'a relevé le premier juge, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que la mesure d'expertise qu'elle sollicite présenterait un caractère d'utilité différent de celui que le juge, saisi de la demande au fond, peut ordonner, s'il l'estime nécessaire dans l'exercice de ses pouvoirs de direction de l'instruction. A cet égard, l'existence et l'origine des nuisances olfactives dont se plaignent les riverains ont déjà donné lieu à plusieurs études olfactométriques, à de nombreux constats d'huissier et à plusieurs constatations de l'inspection de l'environnement sur des manquements de la société Pena environnement à ses obligations en matière de traitement des effluents gazeux, manquements qui, contrairement à ce que soutient la société requérante, motivent les arrêtés préfectoraux de mise en demeure et d'astreinte pris à son encontre. Si ces études et constats permettent de penser que d'autres causes pourraient s'ajouter aux nuisances liées aux effluents de l'installation, aucun de ces documents ne permet de douter sérieusement de la réalité de ces effluents en provenance de l'installation et de leur caractère de nuisance. Par ailleurs, l'arrêté préfectoral du 18 novembre 2008 met à la charge de l'exploitant les contrôles des rejets atmosphériques de son établissement et les études de dispersion du débit d'odeur rejeté et l'arrêté du 28 novembre 2018 appliquant une astreinte à la société précise que la satisfaction de la mise en demeure devra être démontrée par une étude appropriée, laquelle doit s'entendre comme étant à la charge de la société. Enfin, l'article L. 171-8 du code de l'environnement, sur le fondement duquel a été pris l'arrêté préfectoral du 28 novembre 2018 prévoit qu'en cas d'inobservation des prescriptions applicables aux installations régies par le code, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine et qu'elle peut ordonner notamment une astreinte jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée, et en vertu de l'article L. 171-6 du même code, les manquements ainsi sanctionnés sont constatés par des agents chargés du contrôle qui établissent un rapport dont une copie est remise à l'intéressé qui peut présenter ses observations. Ainsi, il appartient aux seules autorités compétentes de déterminer, selon la procédure contradictoire prévue, les manquements qui donneront lieu à sanction, de sorte que la société ne peut se prévaloir de ce que les constatations faites par l'inspection de l'environnement n'ont pas été contradictoires, et il appartient au seul exploitant de déterminer sous sa responsabilité les travaux à réaliser, le cas échéant, pour remédier à ces manquements sans qu'il puisse être demandé à un expert judiciaire de décrire les travaux qu'elle devrait réaliser.

4. Il résulte de ce qui précède que la mesure sollicitée ne présente pas le caractère d'utilité auquel les dispositions précitées subordonnent une mesure d'expertise et la société Pena environnement n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal a rejeté sa demande.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Pena environnement est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Pena environnement et au ministre de la transition écologique et solidaire. Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Fait à Bordeaux, le 17 février 2020.

Le juge des référés,

Elisabeth Jayat

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 19BX03177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 19BX03177
Date de la décision : 17/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : EDP AVOCATS BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-17;19bx03177 ?
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