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06/02/2020 | FRANCE | N°19BX03388

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 06 février 2020, 19BX03388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler la décision implicite du maire de Pamandzi refusant d'enregistrer sa demande de carte nationale d'identité et de passeport français et d'enjoindre à cette autorité d'enregistrer sa demande, d'autre part, d'annuler les décisions implicites du préfet de Mayotte refusant de lui délivrer une carte nationale d'identité et un passeport français et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un passeport français.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler la décision implicite du maire de Pamandzi refusant d'enregistrer sa demande de carte nationale d'identité et de passeport français et d'enjoindre à cette autorité d'enregistrer sa demande, d'autre part, d'annuler les décisions implicites du préfet de Mayotte refusant de lui délivrer une carte nationale d'identité et un passeport français et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un passeport français.

Par un jugement n°1801022, 1801023, 1801434 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté les requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 août 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Mayotte en tant qu'il statue sur le refus implicite du préfet de Mayotte de lui délivrer un passeport français ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet de Mayotte refusant de lui délivrer un passeport français ;

3°) d'enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un passeport français dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si sa naissance a été inscrite sur les registres de la commune de Majunga le 25 août 1959, avant l'accès de Madagascar à l'indépendance, sa transcription sur les registres du service central d'état civil du ministère des affaires étrangères ne peut avoir été effectuée que postérieurement au 1er juin 1965, date de création par décret de ce service ; c'est ainsi grâce aux démarches accomplies par son père durant sa minorité que son acte de naissance a été retranscrit sur les registres du service central de l'état civil ;

- dès lors qu'elle dispose d'un acte de naissance retranscrit par le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, il rapporte la preuve de sa nationalité française ; en effet, seule une personne de nationalité française peut obtenir une telle retranscription ;

- le refus de délivrance de passeport français a ainsi été pris en méconnaissance des dispositions du 4° du I de l'article 5 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ; c'est à tort que les premiers juges ont examiné la légalité de ce refus au regard des dispositions du II du même article ; cette interprétation du décret est conforme à la circulaire NOR IOCK 100258C du 1er mars 2010 relative à la simplification de la procédure de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité et du passeport , qui précise que la délivrance, par le service central d'état civil, d'un acte d'état civil d'un ressortissant né dans un territoire anciennement sous souveraineté française, établit la nationalité française de l'intéressé ;

- le refus de lui délivrer un passeport français méconnaît sa liberté d'aller et venir, liberté fondamentale à valeur constitutionnelle ; il viole sa liberté de quitter le pays dont elle a la nationalité, garantie par l'article 2 du protocole n°4 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le refus litigieux est en outre contraire à sa liberté personnelle de se voir délivrer un document d'identité française.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code civil ;

- le décret n°65-422 du 1er juin 1965 portant création d'un service central d'état civil au ministère des affaires étrangères ;

- le décret n°2005-1726 du 30 décembre 2005 relatif aux passeports ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".

2. Mme A..., née le 24 août 1959 à Madagascar, est entrée à Mayotte en 2010 selon ses déclarations et s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, dont le renouvellement lui a été refusé par un arrêté du préfet de Mayotte du 7 mai 2018. A la suite de ce refus, elle a sollicité la délivrance d'un passeport français en se prévalant d'une copie de son acte de naissance délivrée le 9 mars 2018, selon procédé informatisé, par le service central de l'état-civil du ministère des affaires étrangères. Elle relève appel du jugement n°1801022, 1801023, 1801434 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Mayotte en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite opposé par le préfet de Mayotte à sa demande de délivrance d'un passeport français.

3. Aux termes de l'article 5 du décret du 30 décembre 2005 relatif aux passeports, dans sa rédaction applicable au litige : " I. -En cas de première demande, le passeport est délivré sur production par le demandeur : / 1° De sa carte nationale d'identité sécurisée (...), valide ou périmée depuis moins de cinq ans à la date de la demande ; en pareil cas, sans préjudice, le cas échéant, de la vérification des informations produites à l'appui de la demande de cet ancien titre, le demandeur est dispensé d'avoir à justifier de son état civil et de sa nationalité française ; / 2° Ou de sa carte nationale d'identité ne répondant pas aux caractéristiques de l'article 6 du décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 (...) ; / 3° Ou d'un passeport d'un autre type délivré en application des articles 4 à 17 du présent décret, valide ou périmé depuis moins de cinq ans à la date de la demande du renouvellement (...) ; / 4° Ou à défaut de produire l'un des titres mentionnés aux alinéas précédents, de son extrait d'acte de naissance de moins de trois mois, comportant l'indication de sa filiation ou, lorsque cet extrait ne peut pas être produit, de la copie intégrale de son acte de mariage. / Lorsque la nationalité française ne ressort pas des pièces mentionnées aux alinéas précédents, elle peut être justifiée dans les conditions prévues au II./ II. - La preuve de la nationalité française du demandeur peut être établie à partir de l'extrait d'acte de naissance mentionné au 4° du I portant en marge l'une des mentions prévues aux articles 28 et 28-1 du code civil. / Lorsque l'extrait d'acte de naissance mentionné au précédent alinéa ne suffit pas à établir la nationalité française du demandeur, le passeport est délivré sur production de l'une des pièces justificatives mentionnées aux articles 34 ou 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 (...) / Lorsque les documents mentionnés aux alinéas précédents ne suffisent pas à établir sa nationalité française, le demandeur peut justifier d'une possession d'état de Français de plus de dix ans. / Lorsque le demandeur ne peut produire aucune des pièces prévues aux alinéas précédents afin d'établir sa qualité de Français, celle-ci peut être établie par la production d'un certificat de nationalité française ". Enfin, l'article 28 du code civil dispose que : " Mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. " Pour l'application de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Seul un doute suffisant sur l'identité pour la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement d'un passeport.

3. En premier lieu, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la copie d'acte de naissance dont se prévaut Mme A... ne comporte aucune mention relative à la nationalité française de l'intéressée ou de l'un de ses parents. Or, et contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que cet acte soit détenu par le service central d'état civil du ministère français des affaires étrangères, en application des dispositions de l'article 2 du décret du 1er juin 1965 portant création d'un service central au ministère des affaires étrangères, ne suffit pas à établir, par elle-même, et en l'absence de toute disposition législative ou règlementaire le prévoyant, que l'intéressée ou l'un de ses parents seraient de nationalité française ou qu'elle aurait, de ce seul fait, la possession d'état de Française, dès lors que certains actes d'état civil des personnes nées sur un territoire anciennement sous souveraineté française et qui ne détenaient pas la nationalité française ont pu être reçus par les autorités françaises de l'époque. La requérante n'a par ailleurs produit aucun autre élément pour établir la prétendue nationalité française de son père, et n'est pas davantage détentrice d'un certificat de nationalité française, qu'il lui est toujours loisible de solliciter auprès de la juridiction judiciaire. Enfin, Mme A... ne s'est prévalue de sa nationalité française que postérieurement au refus de renouvellement du titre de séjour dont elle était titulaire. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le préfet de Mayotte a pu légalement estimer qu'un doute suffisant sur la nationalité de l'intéressée faisait obstacle à la délivrance d'un passeport français.

5. En deuxième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du ministre de l'intérieur du 1er mars 2010, et en particulier de ses préconisations relatives au caractère probant des actes d'état civil des personnes nées sur un territoire anciennement sous souveraineté française délivrés par le service central d'état civil du ministère français des affaires étrangères, dès lors que cette circulaire est dépourvue de valeur réglementaire.

6. Enfin, la décision en litige de refus de délivrance d'un passeport étant légalement fondée, les moyens invoqués par Mme A... tirés de la méconnaissance de sa liberté d'aller et venir et de sa " liberté personnelle de se voir délivrer un document d'identité française " ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de Mme A..., qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Fait à Bordeaux, le 6 février 2020.

La présidente de la 2ème chambre,

Catherine GIRAULT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

N° 19BX03388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Numéro d'arrêt : 19BX03388
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-07 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : GHAEM

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-06;19bx03388 ?
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