Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 23 septembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a prolongé son placement à l'isolement pour une durée de trois mois, d'autre part, d'annuler la décision du 22 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a décidé de son maintien au répertoire des détenus particulièrement signalés.
Par un jugement n° 1605257, 1605640 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 février 2019,
M. B..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2018 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler les décisions du garde des sceaux, ministre de la justice
des 23 septembre 2016 et 22 novembre 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas justifié que le signataire de la décision de prolongation de son placement à l'isolement, dont le tampon ne figure pas sur l'acte, aurait disposé d'une délégation régulièrement publiée ;
- cette décision ne se réfère, en guise de motivation, qu'à des faits anciens ;
- depuis son incarcération à compter 25 septembre 2015, il est placé à l'isolement ; il n'a pourtant fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire ; la décision n'est pas basée sur des faits actuels, mais seulement sur des faits anciens, et se fonde sur de simples suspicions de projets d'évasion ; la nécessité de maintenir cette mesure de sécurité n'est pas établie ;
- il n'est pas établi que le signataire de la décision de maintien au répertoire des détenus particulièrement signalés, dont le tampon ne figure pas sur l'acte, aurait disposé d'une délégation régulièrement publiée ;
- cette décision, fondée sur un " potentiel de violence " et des faits anciens et, pour certains, pas même établis, n'est pas justifiée.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 2 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".
2. M. B..., condamné le 13 février 1994 à une peine de vingt ans d'emprisonnement puis le 13 octobre 1995 à une peine de réclusion à perpétuité pour des faits de vol avec arme, vol avec violence, meurtre, tentative de meurtre et recel, a fait l'objet d'une libération conditionnelle le 3 septembre 2014. Le 24 septembre 2015, il a été placé en détention provisoire pour des faits de vol avec arme et tentative de meurtre, et un second mandat de dépôt a été délivré le
2 mars 2016 pour détention arbitraire d'otage pour faciliter un crime ou délit commis en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime. Incarcéré le 25 septembre 2015 au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, il a été placé à l'isolement et inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés. Par une décision
du 23 septembre 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, a prolongé pour trois mois son placement à l'isolement. Par une décision du 22 novembre 2016, la même autorité a décidé de le maintenir au répertoire des détenus particulièrement signalés. M. B... relève appel du jugement du 19 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice,
du 23 septembre 2016 portant prolongation du placement à l'isolement de M. B... :
3. Aux termes de l'article L. 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-70 du même code : " Lorsque la personne détenue est placée à l'isolement depuis un an à compter de la décision initiale, le ministre de la justice peut prolonger l'isolement pour une durée maximale de trois mois renouvelable. La décision est prise sur rapport motivé du directeur interrégional saisi par le chef d'établissement selon les modalités du présent article. L'isolement ne peut être prolongé
au-delà de deux ans sauf, à titre exceptionnel, si le placement à l'isolement constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité de la personne détenue. ". Aux termes de l'article R. 57-7-73 de ce code : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé. ".
4. En premier lieu, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 1er juin 2016 donnant délégation de signature à
M. D... E..., signataire de la décision en litige, a été régulièrement publié
le 8 juin 2016. La circonstance alléguée que la décision en cause ne comporte pas le " tampon " de son signataire ne constitue pas un vice de forme de cette décision.
5. En deuxième lieu, et comme l'ont considéré les premiers juges, la décision
est motivée en droit comme en fait.
6. Enfin, pour écarter le moyen tiré de ce que la décision de prolongation du placement à l'isolement de M. B... était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, le tribunal administratif a relevé que " M. B..., appartenant à la criminalité organisée, présente un profil particulièrement dangereux ", que la décision " se fonde sur sa dangerosité et sa personnalité actuelle et non uniquement sur des faits anciens " et " se réfère à la notice individuelle du juge d'instruction en date du 25 septembre 2015 indiquant des risques particuliers d'évasion ".
Il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal, d'écarter le moyen, repris en appel sans qu'aucun élément nouveau ne soit apporté, tiré de ce que la décision reposerait sur une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice,
du 22 novembre 2016 portant maintien de M. B... au répertoire des détenus particulièrement signalés :
7. Aux termes de l'article D. 276-1 du code de procédure pénale : " En vue de la mise en oeuvre des mesures de sécurité adaptées, le ministre de la justice décide de l'inscription et de la radiation des détenus au répertoire des détenus particulièrement signalés dans des conditions déterminées par instruction ministérielle ". Il ressort de l'instruction ministérielle
du 15 octobre 2012, prise pour la mise en oeuvre de ces dispositions, que l'inscription d'un détenu au ...répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge sur ce détenu,
en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires
en vigueur.répertoire des détenus particulièrement signalés a pour seul effet d'appeler l'attention des personnels pénitentiaires et des autorités amenées à le prendre en charge sur ce détenu,
en intensifiant à son égard les mesures particulières de surveillance, de précaution et de contrôle prévues pour l'ensemble des détenus par les dispositions législatives et réglementaires
en vigueur Dans ce cadre, seules peuvent être apportées aux droits des détenus les restrictions résultant des contraintes inhérentes à la détention, au maintien de la sécurité et au bon ordre des établissements, à la prévention de la récidive et à la protection de l'intérêt des victimes, dans les conditions rappelées par les article 22 et suivants de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Aux termes du paragraphe I.1.1.1 de l'instruction du garde des sceaux, ministre de la justice, du 15 octobre 2012, publiée au bulletin officiel du ministère de la justice n° 2012-10 du 31 octobre 2012, prise pour la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article D. 276-1 du code
de procédure pénale : " Les critères d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés sont liés au risque d'évasion et à l'intensité de l'atteinte à l'ordre public que celle-ci pourrait engendrer ainsi qu'au comportement particulièrement violent en détention de certaines personnes détenues. Les personnes détenues susceptibles d'être inscrites au répertoire des DPS sont celles :1) appartenant à la criminalité organisée locale, régionale, nationale ou internationale ou aux mouvances terroristes, appartenance établie par la situation pénale ou par un signalement des magistrats, de la police ou de la gendarmerie ; 2) ayant été signalées pour une évasion réussie ou un commencement d'exécution d'une évasion, par ruse ou bris de prison ou tout acte de violence ou ayant fait l'objet d'un signalement par l'administration pénitentiaire, les magistrats, la police ou la gendarmerie, selon lequel des informations recueillies témoignent de la préparation d'un projet d'évasion ; 3) susceptibles de mobiliser les moyens logistiques extérieurs d'organisations criminelles nationales, internationales ou des mouvances terroristes ; 4) dont l'évasion pourrait avoir un impact important sur l'ordre public en raison de leur personnalité et / ou des faits pour lesquels elles sont écrouées ; 5) susceptibles d'actes de grandes violences, ou ayant commis des atteintes graves à la vie d'autrui, des viols ou actes de torture et de barbarie ou des prises d'otage en établissement pénitentiaire. ".
8. En premier lieu, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, l'arrêté
du 19 septembre 2016 donnant délégation de signature à Mme C... A..., signataire de la décision en litige, a été régulièrement publié le 21 septembre 2016. La circonstance alléguée que la décision en cause ne comporte pas le " tampon " de son signataire ne constitue pas un vice de forme de cette décision.
9. En second lieu, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il ressort des pièces du dossier que M. B... appartient à la criminalité organisée, a commis à plusieurs reprises des actes de grande violence, les derniers pour lesquels il a été incarcéré en détention provisoire datant de 2015, ce qui ne peut être regardé comme permettant de les qualifier d'anciens à la date de la décision attaquée, et présente des risques particuliers d'évasion au regard des multiples tentatives constatées lors d'incarcérations précédentes, la circonstance qu'elles soient datées de 1998, 2000, 2002 et 2006 ne permettant pas d'exclure une réitération au regard du profil de l'intéressé. Celui-ci ne conteste pas les faits d'agression sur un surveillant pénitentiaire
en 2011 qui sont également mentionnés. Par suite, en décidant de maintenir l'intéressé au répertoire des détenus particulièrement signalés, le garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel de M. B..., qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions à fin d'application des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Fait à Bordeaux, le 19 novembre 2019.
La présidente de la 2ème chambre,
Catherine Girault
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 19BX00533