Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Gimonet, société par actions simplifiée, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Valençay à lui verser la somme de 35 554,13 euros à titre de provision à raison de l'exécution du lot n° 2 " isolation thermique par l'extérieur " de l'opération de construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et d'une unité de soins de suite et de réadaptation.
Par une ordonnance n° 1800718 du 12 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2019, le centre hospitalier de Valençay, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 12 février 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Limoges ;
2°) de rejeter la demande de la société Gimonet ;
3°) de mettre à la charge de la société Gimonet la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance qui ne répond pas à son moyen tiré du caractère prématuré du projet de décompte final, n'est pas régulièrement motivée ;
- le premier juge a considéré qu'était intervenu un décompte général et définitif tacite alors que la société ne justifie pas avoir envoyé simultanément au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage un projet de décompte final dans un délai de 45 jours à compter de la date de réception des travaux ni avoir mis en demeure le maître d'ouvrage d'établir un décompte général, conformément à l'article 13.4.2 du CCAG Travaux applicables au marché dont il s'agit ; la réception a eu lieu le 14 juin 2016 et ce n'est que le 8 décembre 2016 que la société a adressé au maître d'oeuvre un document intitulé " décompte général et définitif " ; aucune décompte général et définitif tacite n'a pu naître ;
- les conclusions de la société sont donc irrecevables ;
- en tout état de cause, la demande de la société Gimonet est également irrecevable faute d'avoir été précédée d'un mémoire en réclamation ainsi que l'impose l'article 50.1 du CCAG Travaux applicable au marché.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné Mme C...A...comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché du 30 juin 2014, le centre hospitalier de Valençay a confié à la société Gimonet le lot n°2 " Isolation thermique par l'extérieur " de l'opération de construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de 111 lits et d'une unité de soins de suite et de réadaptation de 30 lits. A la suite d'un contrôle du 1er décembre 2015 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du Centre Val de Loire, le centre hospitalier de Valençay a suspendu les paiements de la société Temos Valor, société sous-traitante de la société Gimonet, et a interdit à compter du mois d'avril 2016 l'accès du sous-traitant au chantier. Par un courrier du 29 juillet 2016, le centre hospitalier a procédé au règlement de la " situation n°6 " correspondant aux prestations réalisées par la société Gimonet au mois de février 2016 et a demandé des justificatifs supplémentaires pour le règlement de la " situation n°7 " du mois d'avril 2016, notamment concernant les prestations réalisées par la société sous-traitante Temos Valor. La société Gimonet a alors sollicité la condamnation du centre hospitalier de Valençay à lui verser une provision de 11 988,64 euros correspondant au montant de la " situation de travaux n°7 " du mois d'avril 2016 dont elle a déduit la somme de 30 477,64 euros qu'elle estimait due à son sous-traitant. Par une ordonnance du 3 janvier 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête de la société Gimonet au motif que la créance ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable en l'absence notamment d'éléments permettant de déterminer la répartition entre les prestations réalisées par elle et celles réalisées par son sous-traitant. Par une nouvelle requête, la société Gimonet a saisi le juge des référés du tribunal aux fins de condamnation du centre hospitalier de Valençay à lui verser une provision de 35 554,13 euros avec intérêts moratoires à compter du 6 avril 2016, date de la première mise en demeure, au titre des sommes qu'elle estime lui être dues au titre du solde du marché. Le centre hospitalier de Valençay fait appel de l'ordonnance du 12 février 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal a fait droit aux conclusions de la société Gimonet.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation est non sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.
3. Dans sa demande introductive d'instance devant le tribunal, la société Gimonet s'est prévalue, quant au principe de sa créance, des différentes situations établies par elle et de la réalisation effective, dans les délais prévus, des travaux objet du marché et, quant au montant de la créance alléguée, d'un document intitulé " décompte général et définitif " faisant apparaître un solde du marché égal à 35 554,13 euros, montant de sa demande de provision. Pour faire droit à ses conclusions, le premier juge, estimant que les conclusions de la société Gimonet étaient fondées sur le décompte général et définitif du marché, s'est appuyé sur l'existence d'un décompte général et définitif tacite du marché.
4. Aux termes de l'article 13.3.2. du cahier des clauses administratives générales (CCAG) approuvé par arrêté du 8 septembre 2009 modifié, applicable au marché dont il s'agit qui n'y déroge pas sur ce point : " Le titulaire transmet son projet de décompte final, simultanément au maître d'oeuvre et au représentant du pouvoir adjudicateur, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux telle qu'elle est prévue à l'article 41.3 ou, en l'absence d'une telle notification, à la fin de l'un des délais de trente jours fixés aux articles 41.1.3 et 41.3 (...) ". En application de l'article 13.3.3. du même document, le maître d'oeuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire, le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final et en cas de rectification du projet de décompte final, le paiement est effectué sur la base provisoire des sommes admises par le maître d'oeuvre. L'article 13.3.4. de ce cahier stipule qu'en cas de retard dans la transmission du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet, le maître d'oeuvre établit d'office le décompte final aux frais du titulaire et que ce décompte final est alors notifié au titulaire avec le décompte général. Selon l'article 13.4.2. de ce CCAG " le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général et le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général à la plus tardive des deux dates ci-après : - trente jours à compter de la réception par le maître d'oeuvre de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ; - trente jours à compter de la réception par le représentant du pouvoir adjudicateur de la demande de paiement finale transmise par le titulaire ". Enfin, selon l'article 13.4.4. du même CCAG, si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l'article 13.4.2, le titulaire notifie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'oeuvre, un projet de décompte général signé et dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents et le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l'article 13.4.3. En application de ce même article, " si, dans ce délai de dix jours, le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas notifié au titulaire le décompte général, le projet de décompte général transmis par le titulaire devient le décompte général et définitif ".
5. Dès lors qu'en application de l'article 13.4.2, l'expiration du délai de trente jours prévu par celui-ci est appréciée au regard de la plus tardive des dates de réception du projet de décompte final respectivement par le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre, ce délai ne peut pas courir tant que ceux-ci n'ont pas tous deux reçus le document en cause.
6. Il résulte de l'instruction que la société Gimonet a adressé le 8 décembre 2016 au maître d'oeuvre, une facture intitulée " DGD " et faisant ressortir un solde du marché en sa faveur de 35 554,13 euros TTC. Toutefois, à supposer que ce document puisse être regardé comme le projet de décompte final, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'il aurait été adressé au représentant du pouvoir adjudicateur. Ce document ne pouvait, par suite, donner lieu à un décompte général et définitif tacite. Le centre hospitalier de Valençay est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a admis l'existence d'un décompte général et définitif tacite pour le condamner à verser une provision à la société Gimonet.
7. Il appartient au juge des référés de la cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la société Gimonet.
8. La société Gimonet, qui n'a pas produit en appel, s'est prévalue en première instance des situations 6 et 7 et de l'article 3.1.2. du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoyant le paiement des sommes dues dans un délai de 50 jours à compter de la réception des factures ou demandes de paiement. Elle a cependant admis que le montant de la situation n° 6 avait été payée et n'apporte aucune précision quant à la situation n° 7, sur la répartition entre les prestations réalisées par elle, dont elle demande le paiement, et celles réalisées par son sous-traitant. Sa créance ne peut, dans ces conditions, et alors même que la réalisation des travaux n'a jamais été remise en cause, être regardée comme suffisamment certaine.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée, que le centre hospitalier de Valençay est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette ordonnance, le juge des référés du tribunal administratif l'a condamné à verser une provision à la société Gimonet.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Gimonet le versement au centre hospitalier de Valençay d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Limoges du 12 février 2019 est annulée.
Article 2 : La demande de la société Gimonet présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Limoges est rejetée.
Article 3 : La société Gimonet versera au centre hospitalier de Valençay la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée au centre hospitalier de Valençay et à la société Gimonet.
Fait à Bordeaux, le 24 mai 2019.
Le juge des référés,
Elisabeth A...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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No 19BX00756