Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 4 mai 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître le statut d'apatride.
Par un jugement n° 1601906 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 13 mars 2019, M.C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 mai 2018 ;
2°) d'annuler la décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 4 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de reconnaître sa qualité d'apatride dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à tout le moins de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus en litige est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation particulière et personnelle et d'un défaut de motivation. La copie de l'entretien intervenu le 6 mai 2015 avec l'agent de protection n'ayant pas été produite en première instance, l'Office ne justifie pas en quoi ses " déclarations ne permettent pas d'établir l'exactitude du parcours allégué ". Les pièces qu'il a produites devant le tribunal démontrent au contraire l'existence du village de Rus Boris (ou Rus Borisi), que l'Office a estimé " introuvable ", où il a vécu une grande partie de sa vie avant de venir en France et les démarches répétées et assidues qu'il a effectuées auprès des autorités azerbaïdjanaises pour se voir reconnaître ressortissant de ce pays. L'Office s'est borné à reprendre les dispositions de la loi azerbaïdjanaise sur la nationalité pour conclure que celles-ci lui étaient de plein droit applicables ;
- l'OFPRA a méconnu les articles L. 812-1 et R. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le premier paragraphe de l'article 1 de la convention de New York du 28 septembre 1954 ;
- la décision attaquée est en outre entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et par la même d'erreurs de fait. Il ne dispose d'aucune nationalité et aucun Etat ne le considère comme l'un de ses ressortissants. Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, le premier motif de rejet de la demande de reconnaissance du statut d'apatride est bien lié à la circonstance que les recherches effectuées par l'Office n'ont pas permis de localiser le village précité, lequel se situe bien en Azerbaïdjan et non en Géorgie comme les premiers juges l'ont indiqué à tort. Cette erreur de fait ne saurait être dans ces conditions regardée comme sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par application de leur propre législation, ni l'Azerbaïdjan, ni l'Arménie, voire le Haut-Karabagh ne le considèrent comme l'un de ses ressortissants. Les dispositions de la loi azerbaïdjanaise sur la nationalité ne lui sont pas applicables dès lors qu'il est né en ex-URSS dans la région du Haut-Karabagh, laquelle s'est autoproclamée République indépendante, et non sur le territoire de la République d'Azerbaïdjan indépendante depuis 1991 et que, de surcroît, ses deux parents sont d'origine arménienne. Il ne pouvait par ailleurs, compte tenu de son jeune âge et de la circonstance qu'il a été enlevé, à la mort de ses parents en 1992 par une famille russe qui l'a asservi, effectuer les démarches en vue de solliciter dans l'année suivant la promulgation de cette loi du 30 septembre 1998 la nationalité azerbaïdjanaise. L'OFPRA n'a pas pris en considération la circonstance qu'il est né au Haut-Karabagh, y a vécu plusieurs années et que les autorités azerbaïdjanaises sont hostiles à la population d'origine arménienne née et vivant dans cette région ;
- par ailleurs, et ainsi qu'en atteste la Cimade et contrairement à ce qu'ont estimé l'OFPRA et le tribunal, il a multiplié les démarches en 2008, 2012 et 2013 pour obtenir des documents officiels nationaux ou à tout le moins une réponse de la part des autorités saisies et a produit devant le tribunal l'intégralité des courriers adressés à l'ambassade d'Azerbaïdjan et aux représentations consulaires du Haut-Karabagh et d'Arménie. Il ne peut prétendre à la nationalité azerbaïdjanaise et se trouve aujourd'hui privé de toute nationalité dès lors qu'il a échoué à se faire reconnaitre comme ressortissant d'un Etat.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par MeA..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à ce que soit mise à la charge de M. C...la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le parcours de l'intéressé avant son entrée sur le territoire français n'a pu être établi, faute d'indications convaincantes. Son récit a d'ailleurs varié au fil du temps ;
- la séquestration par une famille russe n'étant pas établie, il n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'initier des démarches sérieuses dans son pays d'origine ;
- il n'est pas tenu de transmettre à l'intéressé le compte-rendu de l'entretien effectué dans le cadre de la demande d'apatridie ;
- la situation de l'intéressé relève des articles 5 et 11 de la loi du 30 septembre 1998 de la République d'Azerbaïdjan dans la mesure où il a résidé de façon continue en Azerbaïdjan de sa naissance jusqu'à son départ pour la France en 2006 et que ses deux parents sont ethniquement arméniens et citoyens de la République d'Azerbaïdjan. Or il n'est pas établi que l'Arménie et la République d'Azerbaïdjan auraient refusé de le considérer comme un de leurs ressortissants ;
- l'intéressé n'a produit devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides aucune preuve des démarches alléguées auprès des autorités azerbaïdjanaises et arméniennes. Les pièces produites postérieurement sont sans incidence sur la légalité de la décision de l'Office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, ensemble le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 portant publication de cette convention ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné
M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., qui a déclaré être né le 16 octobre 1985 à Chahoumian, ville située dans la région du Haut-Karabagh au sein de la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan (actuelle République d'Azerbaïdjan) de parents eux-mêmes nés dans cette région et d'origine arménienne, est entré irrégulièrement en France le 15 juin 2006 et y a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée en 2007. M. C...bénéficie depuis 2013 de titres de séjour " vie privée et familiale " régulièrement renouvelés. Il a sollicité le 24 septembre 2014 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le bénéfice du statut d'apatride. Par une décision du 4 mars 2016, le directeur de l'OFPRA a rejeté cette demande. M. C...relève appel du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, M. C...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer utilement les réponses apportées par les premiers juges, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation. A ce titre, M. C...ne peut utilement critiquer le bien-fondé des motifs pour démontrer le caractère insuffisant de la motivation de la décision. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, si M. C...réitère sa demande de communication de l'entretien intervenu le 6 mai 2015, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation conventionnelle n'impose la communication du compte-rendu de cet entretien au demandeur du statut d'apatride. Par suite, le moyen tiré du défaut de communication de ce compte-rendu ne peut qu'être écarté.
4. En troisième lieu, si M. C...invoque la méconnaissance de l'article R. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'indique pas en quoi cet article, afférent aux modalités de dépôt d'une demande de statut d'apatride, a été méconnu et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
5. En quatrième lieu, M. C...soutient que la décision litigieuse est entachée d'erreurs de fait sur l'impossibilité de localiser le village où il a vécu et sur la mauvaise transcription du nom de ce village. En l'espèce, la décision indique qu'" il évoque sa résidence de quatorze ans dans un village qu'il nomme Rus Baris et qu'il situe en Azerbaïdjan alors qu'il avait indiqué, lors de sa demande d'asile avoir résidé dans le village de Rus Baris, qu'il situait alors en Géorgie. Or les recherches effectuées par l'Office n'ont pas permis de localiser ce village ". Il résulte de la décision que ces erreurs, à les supposer même établies alors qu'il ressort des termes de la décision qu'elles se fondent sur les propres déclarations orales de l'intéressé, sont sans incidence sur le sens de la décision, et donc sur sa légalité, dès lors que le refus se fonde principalement sur la circonstance que la situation de M.C..., pour la détermination de sa nationalité, relève de l'article 5 de la loi de la République d'Azerbaïdjan du 30 septembre 1998.
6. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention (...) ". Le paragraphe 1 de l'article 1er de la convention précitée, ratifiée par ordonnance du 23 décembre 1958 et publiée par le décret susvisé du 4 octobre 1960 stipule qu'" Aux fins de la présente convention, le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, le ou les Etats de la nationalité desquels elle se prévaut ont refusé de donner suite à ses démarches.
7. Pour établir le refus des autorités azerbaïdjanaises de le reconnaître comme citoyen de ce pays, M. C...se borne à produire des copies des courriers adressés les
21 août 2012 et 13 décembre 2013 aux services consulaires d'Azerbaïdjan à Paris, au consulat et à l'ambassade d'Arménie et à la représentation du Haut-Karabagh par lesquels il a sollicité l'établissement d'un passeport en produisant une copie de son acte de naissance et du livret de famille de ses parents, d'origine arménienne. L'intéressé soutient également que la seule réponse qu'il ait reçue est un courrier à en-tête du service consulaire de l'ambassade d'Azerbaïdjan, ni daté ni signé ni même faisant une quelconque référence à sa demande, reproduisant les termes de la loi du 30 septembre 1998 relative à la nationalité azerbaïdjanaise. Si M. C...établit ainsi qu'il a accompli des démarches, celles-ci ne peuvent néanmoins être qualifiées de répétées et assidues à défaut de relances face à l'absence de réponses explicites à ses demandes et de démarches judiciaires pour contester les refus implicites opposés à ses demandes. M. C...ne peut à cet égard se prévaloir d'un courrier de la Cimade, non daté, qui fait état des vaines démarches accomplies par l'intéressé et de ce que le préfet de la Haute-Garonne en a reconnu l'insuccès en lui délivrant une carte de séjour portant la mention " nationalité indéterminée ". Par suite, M. C...ne justifie pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 et n'est donc pas fondé à soutenir que le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a entaché sa décision d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 mars 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé le bénéfice du statut d'apatride. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C...à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2019 à laquelle siégeaient :
Marianne Pouget, président,
Paul-AndréB..., premier conseiller.
Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mai 2019.
Le rapporteur,
Paul-André B...Le président,
Marianne POUGET Le greffier,
Florence FAURE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
18BX02582 2