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17/04/2019 | FRANCE | N°18BX03735

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 17 avril 2019, 18BX03735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet du Lot lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n°1801940 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Lot de procéder au renouvellement de son titre de séjo

ur en qualité d'étranger malade dans le délai de deux mois à compter de la notification ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet du Lot lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n°1801940 du 11 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Lot de procéder au renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2018, le préfet du Lot demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 octobre 2018 et de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- M. C...a sollicité, non pas le renouvellement de son titre de séjour pour soins, mais son admission exceptionnelle au séjour ; lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, il n'a fourni aucun élément relatif à son état de santé, de sorte qu'il n'était pas tenu de saisir l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; en tout état de cause, les certificats médicaux versés par M. C... sont postérieurs à l'arrêté attaqué et ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, ni que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- l'intéressé ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : il est entré en France sous couvert d'un passeport d'emprunt le 10 août 2012 et s'y est maintenu en situation irrégulière ; sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile ; il n'établit pas la réalité des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; il ne peut davantage faire l'objet d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de l'intégration professionnelle.

Par un mémoire en défense et un mémoire en production de pièces, enregistrés respectivement le 20 décembre 2018 et le 17 janvier 2019, M.C..., représenté par Me Belou, conclut au rejet de la requête du préfet du Lot et demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet du Lot de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir, en se rapportant à ses écritures de première instance, que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle a été adoptée par une autorité incompétente, le signataire de la décision,

M.D..., ne justifiant pas d'une délégation de signature spéciale et motivée alors que par arrêté n° 2017-132 du 23 novembre 2017, une délégation de signature a été accordée à M. E... pour les décisions portant obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'irrégularité puisqu'il a été privé de son droit d'être entendu prévu à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen au regard de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son admission au séjour étant justifiée par des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 27 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 janvier 2019.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 3 novembre 1978, est entré en France le 10 août 2012 sous couvert d'un passeport d'emprunt afin d'y solliciter le bénéfice de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office Français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 août 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 23 juillet 2015. Le 26 janvier 2016, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. M. C... s'est ainsi vu délivrer un titre de séjour à ce titre, régulièrement renouvelé jusqu'en janvier 2018. Le 17 janvier 2018, M. C...a sollicité la délivrance d'un nouveau titre de séjour. Par un arrêté du 29 mars 2018, le préfet du Lot a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé. Le préfet du Lot relève appel du jugement du 11 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 29 mars 2018 et lui a enjoint de renouveler le titre de séjour de M. C...en qualité d'étranger malade dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Sur l'appel du préfet du Lot :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement donné, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se rapportant aux fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.

3. En l'espèce, si le préfet du Lot fait valoir que M. C...a seulement sollicité son admission exceptionnelle au séjour, il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier du préfet accompagnant l'arrêté en litige, que ce dernier a néanmoins estimé que l'examen de la situation de M. C...ne permettait pas que lui soit délivrée une " carte de séjour à un quelconque titre du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. ". Dès lors et ainsi que l'on retenu les premiers juges, le préfet du Lot doit être regardé comme ayant examiné si M. C...était susceptible ou non de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, notamment de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " délivrée pour raison de santé dont l'intéressé était titulaire à la date de sa demande de renouvellement de titre de séjour. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est opérant.

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (.. .) ".

5. Pour annuler l'arrêté litigieux, le tribunal administratif de Toulouse a notamment considéré qu'il ressortait des pièces du dossier que l'interruption des traitements suivis en France par M. C...pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que, compte tenu du lien entre le traumatisme dont il souffre et son pays d'origine, il ne pouvait être envisagé un traitement effectivement approprié dans ce pays. Le préfet du Lot soutient que les certificats médicaux produits par M. C...sur lesquels s'est fondé le jugement attaqué sont postérieurs à la date de son arrêté et qu'ils ne permettent pas d'établir que le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, ni que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier du traitement nécessité par son état de santé dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement que le tribunal administratif s'est notamment fondé, contrairement à ce que soutient le préfet du Lot, sur les certificats médicaux établis le 12 décembre 2017 et le 15 janvier 2018, soit antérieurement à la date de l'arrêté attaqué. Par ailleurs, le préfet du Lot ne produit aucun élément de nature à contredire ces certificats médicaux.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Lot n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 29 mars 2018 par lequel il a refusé de renouveler le titre de séjour de M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Sur les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte par M. C... :

7. L'exécution du présent arrêt, qui rejette la requête d'appel du préfet du Lot, n'appelle en lui-même aucune mesure d'exécution. En tout état de cause, le dispositif du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 23 avril 2018, confirmé par le présent arrêt, a fait droit aux conclusions à fin d'injonction de M. C...tendant à la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les conclusions susvisées ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées par M. C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belou, avocat de M.C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Belou de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Lot est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Belou la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Belou renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B...C...et à Me Belou. Copie en sera adressée au préfet du Lot.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 avril 2019.

Le premier-conseiller,

Paul-André Braud

Le président-rapporteur,

Marianne A...

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N°18BX03735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03735
Date de la décision : 17/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Marianne POUGET M.
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT LAURENT BELOU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-17;18bx03735 ?
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