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22/03/2019 | FRANCE | N°18BX04041

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 mars 2019, 18BX04041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800216 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2018 et un mémoire en rép

lique enregistré le 4 février 2018, Mme A...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800216 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 novembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 4 février 2018, Mme A...D..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 14 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 novembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le certificat de résidence sollicité dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des entiers dépens du procès ainsi que d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas valablement répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de défaut de base légale dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur l'arrêté du 14 novembre 2017 pris dans son ensemble :

- les décisions sont entachées d'un défaut de motivation au sens des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

Sur la décision portant refus du titre de séjour :

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par son entrée irrégulière pour refuser le titre de séjour demandé et a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour pour l'obligation de quitter le territoire français et de l'illégalité de la mesure d'éloignement pour la décision fixant le pays de destination ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D...ne sont pas fondés.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme F...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. B...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante algérienne née le 29 mai 1989, est entrée en France le 25 décembre 2013. Après avoir épousé un ressortissant français le 13 août 2016, elle a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 2° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Le préfet de la Haute-Garonne a pris un arrêté du 14 novembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. Mme D...relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal a répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant au point 5 du jugement. La critique de la réponse apportée, se rattachant au bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité. Dès lors, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité à ce titre.

3. En second lieu, en indiquant au point 6 du jugement que " la requérante n'établit pas l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ", les juges de première instance ont, implicitement mais nécessairement, écarté le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français du fait de l'illégalité du refus de séjour. Dès lors, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer sur le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de l'arrêté du 14 novembre 2017 pris dans son ensemble :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8 ainsi que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, notamment son article 6 (2°) et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1 et les articles L. 513-1 à L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne, lors de l'examen de sa vie privée et familiale, les éléments de fait propres à la situation de MmeD..., tels que son enfant issu d'une précédente union, son mariage avec M. C... de nationalité française le 18 août 2016, son interpellation le 31 août 2016 par la police aux frontières de Perpignan et l'obligation de quitter le territoire français sans délai pris à son encontre le même jour. L'arrêté énonce les motifs du refus de titre de séjour en indiquant que l'intéressée ne justifie pas de la régularité de son entrée en France, faute d'avoir satisfait à l'obligation de déclaration d'entrée, condition requise pour l'obtention d'un certificat de résidence sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. L'arrêté ajoute que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, notamment en l'absence de demande d'asile. Par ailleurs, l'arrêté n'a pas à préciser l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de la requérante, mais doit uniquement, comme c'est le cas en l'espèce, énoncer les considérations de droit et de fait fondant les décisions comprises dans celui-ci. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de renvoi doivent être écartés.

5. En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de la motivation circonstanciée de l'arrêté que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen réel et sérieux de sa situation individuelle.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient MmeD..., la circonstance que le préfet de la Haute-Garonne lui oppose l'irrégularité de son entrée sur le territoire national ne signifie pas qu'il s'est cru lié par le respect de cette condition. Au contraire, il ressort de la rédaction de l'arrêté, qui fait expressément référence au pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet, que ce dernier ne s'est pas estimé lié par cette condition. Par suite, l'erreur de droit ainsi alléguée manque en fait.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application des stipulations précitées, le ressortissant qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Si Mme D...se prévaut de la durée de son séjour en France depuis décembre 2013, il n'est pas contesté qu'elle y a séjourné irrégulièrement et a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2016. Par ailleurs, si Mme D...soutient que la communauté de vie avec son mari remonte à l'année 2015, les pièces produites, notamment le contrat de location signé le 23 mars 2016, ne permettent de l'établir qu'à compter du mois d'avril 2016. Dès lors, à la date de l'arrêté en litige, la communauté de vie était récente et Mme D...n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où son fils, issu d'une précédente union, est né en 2009. Dans ces circonstances, en refusant de lui délivrer un certificat de résidence, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté au droit de Mme D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par par rapport aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Si la requérante soutient que la décision a pour effet de séparer son fils de son beau-père, aucune pièce versée au dossier ne permet d'apprécier l'intensité de leurs liens au demeurant récents comme indiqué au point précédent. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs énoncés lors de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour.

12. En second lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français, en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour, et de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, doivent être écartés.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 novembre 2017. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouse C...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 20 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président- assesseur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2019.

Le rapporteur,

Paul-André B...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX04041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX04041
Date de la décision : 22/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : NACIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-22;18bx04041 ?
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