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22/03/2019 | FRANCE | N°18BX03388

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 mars 2019, 18BX03388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...F...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 juillet 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1605220 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2018, MmeF..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux

du 26 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 5 juillet 2016 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...F...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 5 juillet 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 1605220 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2018, MmeF..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 5 juillet 2016 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée en fait dès lors qu'il n'est pas fait mention de la naissance de son enfant le 10 novembre 2015 ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle entretient une relation et vit avec un compatriote qui a obtenu le statut de réfugié et que de leur union est né un enfant ;

- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle entraîne une séparation d'elle et de son enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 9 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2018 à midi.

Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Cécile Cabanne pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E...F..., ressortissante congolaise née le 13 décembre 1990 à Niangara (République démocratique du Congo) est entrée irrégulièrement en France en février 2013. Le 6 mars 2013, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. A la suite du rejet de sa demande d'asile par une décision du 25 février 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision du 22 septembre 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 5 juillet 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme F...relève appel du jugement du 26 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 5 juillet 2016 :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...et M. B...D..., ressortissant congolais titulaire d'un titre de séjour en qualité de réfugié ont eu un enfant né le 10 novembre 2015. Or la décision contestée faisant obstacle à ce que Mme F...demeure en France, l'exécution de cette décision aurait pour effet de priver durablement leur enfant de la présence de l'un de ses parents en l'absence de possibilité de reconstitution de la cellule familiale en République démocratique du Congo en raison de la qualité de réfugié de son compagnon. Or il n'est pas contesté, ainsi que cela ressort notamment de l'attestation de l'intervenante sociale du 2 mai 2016 et de l'attestation du praticien hospitalier du 1er septembre 2016 afférente à l'hospitalisation de l'enfant de sa naissance jusqu'au 4 décembre 2015, que les deux parents participent à l'entretien et à l'éducation de leur enfant depuis sa naissance. Dans ces circonstances, le refus litigieux a été pris en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 juillet 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de la Gironde réexamine la demande de titre de séjour de MmeF.... Par suite, les conclusions à fin d'injonction tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme F...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à MeC..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1605220 du 26 mars 2018 du tribunal administratif de Bordeaux et la décision du 5 juillet 2016 du préfet de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme F...est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...F..., au ministre de l'Intérieur, au préfet de la Gironde et à MeC....

Délibéré après l'audience du 20 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président- assesseur,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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18BX03388

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03388
Date de la décision : 22/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AYMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-22;18bx03388 ?
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