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22/03/2019 | FRANCE | N°18BX02470

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 mars 2019, 18BX02470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 août 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704794 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Bordeaux à rejeter sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2018, MmeE..., représentée par MeB..., demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 août 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704794 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Bordeaux à rejeter sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juin 2018, MmeE..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 18 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de la Gironde, sous les mêmes conditions d'astreinte et de délai, de procéder à un nouvel examen de sa demande et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l' Etat le versement au profit de son conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 12 juin 2017 ne mentionne pas le nom du médecin instructeur ; le préfet n'ayant pu s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins et vérifier que le médecin instructeur n'y siégeait pas, elle a de ce fait été privée d'une garantie ;

- l'arrêté attaqué est entaché de vice de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'OFII ne se prononce pas sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation. Il méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de son état de santé alors qu'elle souffre d'un état dépressif majeur d'intensité sévère associé à un syndrome de stress post-traumatique et que les soins que requiert son état de santé ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, le Nigéria ;

- le refus de titre de séjour méconnaît également les dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet ayant précisé qu'elle n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être considéré comme ayant examiné d'office son droit au séjour sur le fondement de ces dispositions susvisées, elle était bien fondée à invoquer la violation par le préfet de ces dispositions. Victime d'exploitation sexuelle et ayant porté plainte sur ce fondement, elle est doit bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ;

- le refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- en l'obligeant à quitter le territoire français le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Par ordonnance du 9 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2018 à 12 heures.

Par une lettre du 31 janvier 2019, la cour a, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, invité le préfet de la Gironde, à produire des pièces en vue de compléter l'instruction.

Le préfet de la Gironde a produit le 7 février 2019 les pièces complémentaires sollicitées, en application des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Mme D...E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n°2018/002032 du 8 mars 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Cécile Cabanne pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M A...a été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...E..., ressortissante nigériane née le 8 août 1988, déclare être entrée en France via l'Italie en novembre 2012 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 novembre 2013, et par la Cour nationale du droit d'asile le 27 novembre 2014. Elle a fait l'objet d'un premier refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 22 janvier 2015, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux le 28 mai 2015. Pour raisons de santé, le préfet de la Gironde lui a délivré, le 27 janvier 2016, une carte de séjour d'un an " étranger malade ", dont elle a sollicité le renouvellement le 4 novembre 2016. Elle relève appel du jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".

4. L'article R. 313-23 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; dans ce cas le récépissé de demande de première délivrance de carte de séjour prévu à l'article R. 311-4 n'est pas délivré. Lorsque l'étranger dépose une demande de renouvellement de titre de séjour, le récépissé est délivré dès la réception, par le service médical de l'office, du certificat médical mentionné au premier alinéa. / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) / Le collège peut demander au médecin qui suit habituellement le demandeur, au médecin praticien hospitalier ou au médecin qui a rédigé le rapport de lui communiquer, dans un délai de quinze jours, tout complément d'information. Le demandeur en est simultanément informé. Le collège de médecins peut entendre et, le cas échéant, examiner le demandeur et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. Il peut être assisté d'un interprète et d'un médecin. Lorsque l'étranger est mineur, il est accompagné de son représentant légal. / L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".

5. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. D'une part, il ne résulte d'aucune de ces dispositions ni d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Par suite, cette omission est sans incidence sur la régularité de l'avis et, par voie de conséquence, sur la légalité du refus de titre de séjour.

7. D'autre part, le préfet de la Gironde a produit en appel une attestation du directeur territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Bordeaux en date du 4 février 2019 précisant que le rapport médical sur l'état de santé de MmeE..., prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été établi le 3 mai 2017 par le Dr F...G.... Or, il ressort de l'avis du collège de médecins, qui indique sa composition, que ce médecin n'a pas siégé au sein du collège. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'irrégularité de la composition du collège de médecins doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 12 juin 2017, l'état de santé de Mme E...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour Mme E...de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine.

9. En troisième lieu, Mme E...soutient qu'elle souffre d'un syndrome de stress post-traumatique consécutif à un viol commis sur sa personne en 2013 pour lequel elle suit un traitement dans le cadre d'un suivi psychiatrique, et qu'elle ne pourra bénéficier effectivement d'un traitement adapté à cette pathologie au Nigéria. Pour contester l'avis émis le 12 juin 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, la requérante produit notamment un certificat médical du Dr H...du 9 octobre 2015, la copie d'une ordonnance du 20 juin 2017 et un certificat médical du même Dr H...du 3 octobre 2017, postérieur à la décision attaquée. Cependant, ces documents ne détaillent pas les conséquences d'un défaut de suivi psychiatrique. Ainsi, s'il est indiqué que le défaut de suivi entraînera une dégradation de son état et que l'arrêt du traitement en juin 2017 a entraîné une reprise des cauchemars, des hallucinations auditives et des insomnies avec l'apparition d'un apragmatisme important, ces éléments ne permettent pas de mettre en évidence des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En quatrième lieu, d'une part, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de disposition expresse en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Lorsque le préfet recherche d'office si l'étranger peut bénéficier d'un titre de séjour sur un ou plusieurs autres fondements possibles, l'intéressé peut alors se prévaloir à l'encontre de la décision de rejet de sa demande de titre de séjour de la méconnaissance des dispositions au regard desquelles le préfet a également fait porter son examen.

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites (...) ".

12. En l'espèce, le préfet énonce, dans les motifs de sa décision, que " l'intéressée n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code précité ", il doit être réputé avoir examiné si le demandeur était susceptible de recevoir l'un des titres de séjour prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, Mme E...peut utilement invoquer l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que Mme E...a déposé une plainte le 18 décembre 2014 contre Mme C...pour extorsion et non pour l'une des infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal. En tout état de cause, il n'est pas contesté que la procédure pénale s'est terminée par un classement sans suite de la plainte le 15 janvier 2015. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Si MmeE..., après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2015, a bénéficié d'un titre de séjour en 2016 et a entrepris plusieurs démarches de formation avant de travailler sous couvert de contrats de travail à durée déterminée, elle ne justifie pas avoir rompu tout lien avec son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans et où résident ses parents et sa fratrie. En outre, elle est célibataire et sans charge de famille et ne fait état d'aucune attache familiale en France. Dans ces circonstances, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de Mme E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour ces mêmes motifs et ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation doit également être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

16. En deuxième lieu, aux termes l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".

17. Ainsi qu'il a été énoncé au point 9, MmeE..., dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale, n'établit pas que le défaut de cette prise en charge entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

18. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs énoncés au point 14.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

19. Mme E...soutient qu'elle risque être exposée à des agressions des hommes de mains de MmeC..., alors qu'elle reste débitrice de la dette de voyage, et qu'ils s'en sont déjà pris à sa mère, violemment agressée à son domicile et qu'elle ne pourrait être correctement soignée au Nigéria, alors que son état de santé nécessite la poursuite de ses soins. Toutefois d'une part, ainsi qu'il a été dit au point 9, MmeE..., dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale, n'établit pas que le défaut de cette prise en charge entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, d'autre part, MmeE..., dont la demande d'asile a été rejetée successivement par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 novembre 2013 et de la Cour nationale du droit d'asile, le 27 novembre 2014, n'établit pas, par son récit et un extrait de la plainte de sa mère datant du 24 mai 2014, la réalité des évènements allégués et l'existence de menaces actuelles et personnelles auxquelles elle serait exposée en cas de retour au Nigéria. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2017 par lequel le préfet de la Gironde a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également les conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 20 février 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 22 mars 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX02470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02470
Date de la décision : 22/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : COSTE MAGALI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-22;18bx02470 ?
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