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20/02/2019 | FRANCE | N°18BX03037

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 20 février 2019, 18BX03037


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...B...D...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 29 mars 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1700402 du 8 février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2018, M. B...D..., rep

résenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E...B...D...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 29 mars 2017 par lequel le préfet de la Guyane a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1700402 du 8 février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2018, M. B...D..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2017 du préfet de la Guyane ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le refus de séjour n'est pas motivé ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen personnalisé et complet ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et a méconnu les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;

- cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, méconnaît les articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...D...ne sont pas fondés.

Par décision n°2018/007217 du 26 avril 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a admis M. B...D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. F...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...D..., ressortissant brésilien né le 29 novembre 1955, est entré en France en 1999 selon ses déclarations. Après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en 2005, M. B...D...a déposé une demande de titre de séjour en 2011 qui a été rejetée. Après avoir fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement en 2013, M. B...D...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dont il a obtenu la délivrance le 19 janvier 2015 pour une durée d'un an, titre régulièrement renouvelé jusqu'au 18 janvier 2017. Toutefois, par arrêté du 29 mars 2017, le préfet de la Guyane a refusé de lui renouveler à nouveau son titre de séjour. M. B...D...relève appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration entre l'administration et le public codifié à L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi codifié à l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision portant refus de séjour vise les textes sur lesquels elle se fonde, notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et les dispositions des articles L. 211-1, L.311-1 à L. 311-8, L. 513-2, L. 513-4, L. 514-1 et le titre I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle énonce également les éléments relatifs à la situation personnelle de M. B...D..., en particulier le fait qu'il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, qu'il est père de deux enfants majeurs vivant au Brésil, qu'il ne démontre pas une insertion économique et sociale au sein de la société française, et qu'il ne justifie d'aucun lien personnel, familial et professionnel en France. Elle relève, en outre, que M. B...D...ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel permettant une admission exceptionnelle au séjour. Enfin, la décision précise que l'intéressé ne présente aucun justificatif salarial démontrant une activité professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Le préfet de la Guyane, qui n'avait d'ailleurs pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation du requérant, a ainsi énoncé de manière suffisamment précise les circonstances de droit et de fait qui fondent la décision litigieuse du 29 mars 2017. Par suite, le refus de séjour est suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B...D...a seulement sollicité le renouvellement de son titre de séjour en raison de sa vie privée et familiale, au titre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constituaient le seul fondement de sa demande. Il n'a pas demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du même code. En tout état de cause, il ressort de la motivation de l'arrêté que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Guyane a examiné sa situation, notamment au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de la Guyane n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

6. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

7. M. B...D...se prévaut à ce titre d'un séjour en France de plus de dix années, de son activité salariée et de sa volonté d'intégration en France. Cependant, il ressort des pièces qu'à la date de l'arrêté contesté, M. B...D...était sans emploi. En outre, s'agissant de la durée de son séjour, il ne produit aucune pièce concernant la période comprise entre 1999 et 2005 et les pièces produites sur la période comprise entre 2006 et le 1er semestre 2011, lesquelles consistent essentiellement en des documents médicaux, ne permettent pas à elles seules d'établir une présence continue en France durant cette période. Dans ces conditions, ni la durée du séjour en France ni la situation de M. B...D...ne peuvent être regardées comme des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Pour l'application des dispositions et stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

9. M. B...D...soutient que le centre de ses intérêts privés se trouve désormais en France où il réside depuis 1999 de manière continue et où il a travaillé à de multiples reprises. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est célibataire et père de deux enfants majeurs qui vivent au Brésil. En outre, comme indiqué précédemment, il n'établit résider sur le territoire national de manière continue que depuis le second semestre de l'année 2011. Dans ces circonstances, eu égard aux conditions de séjour du requérant, ce dernier ayant déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, le refus de titre de séjour litigieux n'a pas porté au droit de M. B...D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le préfet de la Guyane n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Guyane n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle de M. B...D....

10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

11. En sixième lieu, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...D...en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs précédemment énoncés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2017. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B...D...et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller.

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 février 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...

Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX03037


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03037
Date de la décision : 20/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : HUSSEIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-20;18bx03037 ?
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