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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX01832

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX01832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800798 du 26 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée

le 7 mai 2018, M. A...C..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1800798 du 26 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, M. A...C..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux du 26 avril 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant entachée d'une erreur de droit ;

- il résulte de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le demandeur d'asile bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Or, nonobstant ce qui est renseigné dans l'application " Telemofpra ", il ressort du cachet même de l'enveloppe contenant cette décision qu'elle n'a pu être notifiée avant le 20 février 2018. Le préfet ne rapporte d'ailleurs pas la preuve du contraire, faute de produire l'accusé de réception. Or, ayant entrepris des démarches pour former un recours contre cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, il bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire national jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'arrêté litigieux étant antérieur à cette notification, il méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales puisqu'elle porte atteinte à son droit à faire examiner son recours devant la Cour nationale du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il sollicite la jonction avec la requête concernant le mari de Mme B...qui présente à juger les mêmes questions ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance dont il joint une copie.

Par ordonnance du 8 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juillet 2018 à midi.

Un mémoire présenté pour M. C...a été enregistré le 20 septembre 2018, postérieurement à la clôture de l'instruction.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...C..., ressortissant albanais né le 8 avril 1992 à Vlore (Albanie), est entré en France en compagnie de son épouse le 15 janvier 2017 afin d'y solliciter l'asile. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 décembre 2017, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 19 février 2018, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. C...relève appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la jonction :

2. Le juge n'est jamais tenu de joindre un appel à un autre et, saisi de conclusions en ce sens, il n'a pas à motiver son refus. En l'espèce, il n'y a pas lieu de joindre la présente instance avec celle, enregistrée sous le numéro 18BX01827, concernant son épouse.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le fait pour un juge de première instance d'écarter à tort un moyen ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel saisi d'un moyen. Dès lors, M. C...ne peut utilement soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier au motif que la réponse du tribunal administratif au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait entachée d'une erreur de droit.

Sur la légalité de l'arrêté du 19 février 2018 :

4. Aux termes de l'article L. 743-1 du même code dispose que : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Selon l'article R. 723-19 du même code : " I. - La décision du directeur général de l'office est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.(...) III - La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent (...) au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. ". Il résulte de l'application combinée de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de l'Office.

5. M. C...soutient ne pas avoir reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 décembre 2017 le 28 décembre 2017 mais au plus tôt le 20 février 2018 soit postérieurement à la date de l'arrêté en litige. Le préfet de la Gironde a produit en première instance le relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et relative à l'état des procédures de demandes d'asile faisant apparaître les mentions suivantes " date de la décision : 19/12/2017 ", " nature de la décision : rejet de la demande non suivi de recours " , " notifiée le : 28 décembre 2017 ". Toutefois, le cachet de la Poste apposé sur l'enveloppe provenant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, versée au dossier par l'appelant mentionne la date du 20 février 2018, date postérieure à celle de l'arrêté en litige. Ainsi, il n'est pas établi que l'appelant avait le 19 février 2018, date de l'arrêté contesté, reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 décembre 2017 rejetant sa demande d'asile. Dans ces conditions, en l'absence de preuve d'une notification régulière de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le préfet de la Gironde ne pouvait regarder M. C...comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour, et une telle circonstance faisait obstacle à l'édiction à son encontre d'une mesure d'éloignement.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen invoqué contre l'obligation de quitter le territoire français et en l'absence de tout moyen dirigé contre le refus de titre de séjour, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence de la décision fixant le pays de renvoi, comprises dans l'arrêté du 19 février 2018 du préfet de la Gironde.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) "

8. Il résulte des dispositions précitées que l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français implique le réexamen de la situation de l'intéressé. Par suite, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement d'enjoindre au préfet de la Gironde, comme le demande M.C..., de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. C...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lanne, avocat de M. A...C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Lanne.

DECIDE :

Article 1er : Les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi comprises dans l'arrêté du 19 février 2018 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la situation de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 1800798 du 26 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de M. C...est rejeté.

Article 5 : Sous réserve que Me Lanne, avocat de M. C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Lanne.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Agnés Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

18BX01832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01832
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : LANNE PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx01832 ?
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