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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX01776

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX01776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 1800344 du 16 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2018, M. B..., représenté par MeA..., d

emande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M.C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance n° 1800344 du 16 février 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mai 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 16 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2018 du préfet des Hautes-Pyrénées ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de lui délivrer un titre de séjour dans le délais d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il a déposé une question prioritaire de constitutionnalité concernant la validité du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lien avec le présent litige. Le tribunal a refusé de transmettre cette question au motif que le recours principal était irrecevable alors que cette condition n'est pas prévue par la loi et que la question était en lien direct avec la recevabilité du recours principal ;

- l'arrêté en cause lui a été notifié le 9 février 2018 à 9 heures à la maison d'arrêt de Tarbes mais le délai n'a pu commencer à courir car il n'était pas en situation d'exercer un recours. Il n'y a pas eu d'agent notificateur permettant d'attester de la date et heure de la remise. Il n'a reçu aucune information sur le délai pour exercer son recours. Sa signature du document de notification n'atteste que de sa connaissance de la décision mais pas de celle des voies et délais de recours. La notification n'étant pas régulière, le délai de recours est inopposable ;

- l'information figurant dans l'arrêté sur l'exercice des voies et délais de recours est incomplète faute de préciser que l'étranger peut déposer son recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire en vertu des articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de justice administrative.

- l'ordonnance attaquée n'a pas répondu à ses arguments ;

- l'arrêté ne fait mention ni de la durée de son séjour en France ni de la présence de sa soeur et son frère, titulaires de cartes de séjour temporaire et n'est donc pas suffisamment motivé ;

- le préfet n'a donc pas suffisamment examiné sa situation individuelle ;

- l'arrêté n'a pas été précédé d'une audition en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et du principe général du droit d'être entendu ;

- l'obligation de quitter le territoire français ne peut se fonder sur le 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'il est entré en France sous couvert d'un visa touristique qu'il ne peut produire, son passeport ayant été renouvelé ;

- le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire l'empêche de comparaître à l'audience correctionnelle du 20 février 2018. Dès lors, le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît les 1) et 3) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Son état de santé n'a pas évolué. L'obligation de quitter le territoire français méconnaît donc le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Son état de santé requiert une trithérapie qui n'est pas disponible au Congo ;

- ses parents sont décédés. Ses seules attaches familiales, son frère et sa soeur, résident régulièrement en France. Il réside en France depuis 2002. L'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- eu égard à son état de santé, le renvoi au Congo l'expose à un risque prohibé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2018, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- il a avisé l'intéressé de son intention de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français le 1er février 2018 et l'a invité à produire ses observations ;

- le recours n'a été enregistré que le 15 février 2018, postérieurement à l'expiration du délai de recours. Sa libération est intervenue le lendemain de la notification de l'arrêté, avant l'expiration du délai de recours ;

- M. B...comprend et lit le français et il pouvait exercer un recours durant son incarcération. Son recours est donc tardif.

Par ordonnance du 14 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 août 2018 à midi.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant congolais né le 16 avril 1968, est entré en France en 1992. Il a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable du 2 octobre 2014 au 1er octobre 2015. Alors qu'il était écroué à la maison d'arrêt de Tarbes, le préfet des Hautes-Pyrénées, par un arrêté du 9 février 2018 intervenu la veille de sa levée d'écrou, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. B...relève appel de l'ordonnance du 16 février 2018 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2018 comme étant tardive.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si M. B...soutient que le tribunal n'a pas répondu à ses arguments, il ne précise pas les arguments auxquels il n'aurait pas été répondu et n'assortit donc pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, le tribunal n'est pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par le requérant au soutien de ses moyens.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " IV.-Lorsque l'étranger est en détention, il est statué sur son recours selon la procédure [et dans les délais] prévue au III. Dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger est informé, dans une langue qu'il comprend, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète ainsi que d'un conseil. ".

4. Par sa décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a censuré les mots : " et dans les délais " figurant au IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, qui prévoient qu'un étranger détenu qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de quarante-huit heures pour saisir le tribunal administratif, lequel dispose d'un délai de soixante-douze heures pour se prononcer, aux motifs que : " en enserrant dans un délai maximal de cinq jours le temps global imparti à l'étranger détenu afin de former son recours et au juge afin de statuer sur celui-ci, les dispositions contestées, qui s'appliquent quelle que soit la durée de la détention, n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre le droit au recours juridictionnel effectif et l'objectif poursuivi par le législateur d'éviter le placement de l'étranger en rétention administrative à l'issue de sa détention ". Le Conseil constitutionnel a précisé que cette censure est applicable à toutes les instances non jugées définitivement à la date de sa décision.

5. Il résulte de cette même décision, éclairée par son commentaire, qu'il y a alors lieu de faire application des délais de droit commun. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. B...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai qui lui a été notifiée par voie administrative le 9 février 2018 à neuf heures. Il résulte de ce qui précède que le délai de recours contentieux contre cette mesure était donc de quarante-huit heures à compter de sa notification. M. B...soutient cependant que ce délai de recours ne lui est pas opposable en l'absence de notification régulière de l'arrêté du 9 février 2018 aux motifs qu'il n'y avait pas d'agent notificateur et qu'il n'a pas eu d'information sur le délai de recours et sur la possibilité, comme le prévoit les articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de justice administrative, de déposer son recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.

7. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a signé l'exemplaire de l'arrêté notifié par voie administrative précisant la date et l'heure de la notification et faisant mention des voies et délais de recours en français, langue comprise par l'intéressé. La circonstance que l'identité de l'agent notificateur ne soit pas précisée et que sa signature ne soit pas apposée est sans incidence sur la régularité de la notification. En outre, contrairement à ce que soutient M.B..., il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative que la notification doit faire mention, le cas échéant, de la faculté de déposer le recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire. Par suite, le délai de recours de quarante-huit heures mentionné aux points 5 et 6 lui était opposable. Enfin, ainsi que l'a relevé à juste titre le premier juge, à supposer même que la détention de M. B...faisait obstacle à l'exercice d'un recours effectif, il est constant que l'intéressé a été libéré le 10 février 2018 et que son recours contre l'arrêté du 9 février 2018 n'a été enregistré que le 15 février 2018 à 21 heures 58, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux de quarante-huit heures fixé par l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Par ailleurs, l'ordonnance attaquée ne statuant pas sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée en première instance par M.B..., ce dernier ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité du refus de transmission de cette question dans le cadre de la présente instance.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. B...comme étant irrecevable. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président,

Marianne PougetLa greffière,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01776
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : OUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx01776 ?
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