Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M.C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er août 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé le bénéfice du regroupement familial pour son épouse ainsi que la décision du 12 octobre 2016 rejetant son recours gracieux. .
Par un jugement n° 1605233 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2016 et la décision du 12 octobre 2016 du préfet de la Gironde ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer l'autorisation de regroupement familiale sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet s'est cru à tort lié par l'article 2 de l'accord franco-algérien alors qu'il dispose d'un pouvoir discrétionnaire ;
- la circonstance que son épouse soit titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ne lui confère pas autant de garanties de sorte que le refus litigieux porte atteinte au respect de la vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant qui est de rester auprès de sa mère ;
- l'existence d'une obligation de quitter le territoire français du 10 mars 2014 ne saurait fonder le refus contesté, la situation familiale ayant évoluée depuis avec la naissance d'un enfant dont l'état de santé nécessite la présence de sa mère à ses côtés et la grossesse de son épouse. En outre, cette obligation de quitter le territoire français est caduque à la suite de la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour ;
- l'existence d'une autorisation provisoire de séjour ne saurait pas davantage fonder le refus litigieux. Elle ne peut pas retourner en Algérie puisqu'elle doit rester auprès de son fils malade. En conséquence, elle ne peut que bénéficier de la procédure de regroupement familial sur place. Enfin, son autorisation provisoire de séjour ne lui permet pas de travailler ;
- la grossesse de son épouse fait obstacle à son retour en Algérie. L'autorisation provisoire de séjour est provisoire à la différence du regroupement familial qui permet d'assurer la pérennité de sa présence aux côtés de son fils ;
- par un jugement du 26 juin 2017, il a été enjoint au préfet de délivrer à son épouse un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " en retenant l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Ce moyen doit donc également être accueilli dans le cadre de la présente instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2018, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance dont il joint une copie et soutenant que l'appel est irrecevable sauf si la preuve du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est rapportée.
Par ordonnance du 8 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juillet 2018 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien né le 19 juillet 1977, est entré en France en 2002 sous couvert d'un visa de court séjour. A la suite de son mariage avec une ressortissante française le 28 octobre 2006, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence. Le préfet de la Gironde lui a alors délivré un certificat de résidence puis, lors de son renouvellement, une carte de résident. Après avoir divorcé le 4 janvier 2010, M. B...s'est remarié le 9 novembre 2013 avec une compatriote entrée en France le 20 octobre 2013. Mme B...a alors sollicité la délivrance d'un certificat de résidence. Le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 10 mars 2014, rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. A la suite de la naissance de leur fils le 14 juillet 2014 et en raison de l'état de santé de ce dernier, Mme B...a sollicité le 30 octobre 2015 la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'un enfant malade. Le préfet de la Gironde lui a délivré une autorisation provisoire de séjour valable six mois, régulièrement renouvelée le 3 mai 2016. Entretemps, M. B...a déposé le 25 février 2016 une demande de regroupement familial au profit de son épouse. Le préfet de la Gironde a rejeté cette demande par un arrêté du 1er août 2016, refus confirmé le 12 octobre 2016 par le rejet du recours gracieux formé par M.B.... Ce dernier relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 26 mars 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2016 et de la décision du 12 octobre 2016.
2. En premier lieu, M. B...semble soutenir que le préfet de la Gironde s'est cru à tort lié par l'article 2 de l'accord franco-algérien alors qu'il dispose d'un pouvoir discrétionnaire. Il ressort cependant des motivations de l'arrêté et de la décision contestés, qui ne font nullement mention de ces stipulations, que le préfet n'a pas fait application desdites stipulations, lesquelles au demeurant ont été abrogées par l'avenant à cet accord du 22 décembre 1985. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction. Peuvent en bénéficier le conjoint et, le cas échéant, les enfants de moins de dix-huit ans de celui-ci résidant en France, sauf si l'un des motifs de refus ou d'exclusion mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-5 leur est opposé. ".
4. M. B...soutient que le refus de regroupement familial ne pouvait se fonder sur les circonstances que son bénéficiaire a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en 2014 et qu'une autorisation provisoire de séjour lui a été délivrée en 2015 et renouvelée en 2016. Si ces circonstances sont effectivement mentionnées dans l'arrêté contesté, l'obligation de quitter le territoire français de 2014 ne constitue pas pour autant le fondement du refus de regroupement familial. Il ressort en effet de la motivation de cet arrêté que le refus de regroupement familial se fonde sur le fait que Mme B...ne remplit pas les conditions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or il n'est pas contesté qu'aux dates des arrêtés en litige Mme B...n'était pas titulaire d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an mais seulement d'une autorisation provisoire de séjour valable six mois. Dans ces conditions, le refus en litige n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a pu valablement se fonder sur la circonstance que la bénéficiaire n'était pas titulaire d'une carte de séjour temporaire d'un an sous réserve que ce refus ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
6. Comme indiqué précédemment, Mme B...était titulaire, aux dates des décisions contestées, d'une autorisation provisoire de séjour de sorte que le refus litigieux n'implique pas la séparation de la cellule familiale. La seule circonstance que ce refus l'empêche de travailler ne permet pas à elle seule de caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, Mme B...ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 juin 2017 accueillant le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale pour annuler l'arrêté du 5 avril 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi dès lors que l'acte attaqué et la situation sont différents puisque Mme B...ne résidait plus régulièrement sur le territoire national. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Mme B...étant titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, les actes contestés n'impliquent pas sa séparation de son fils. Dans ces circonstances, ces actes ne méconnaissent pas davantage l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2016 et de la décision du 12 octobre 2016 du préfet de la Gironde. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Paul-André BraudLe président,
Marianne PougetLa greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01767