Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...se disant Husem Hassan a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 mars 2018 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a ordonné son placement en rétention administrative.
Par un jugement n° 1801024 du 19 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a donné acte du désistement des conclusions tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention administrative et a annulé l'arrêté du 3 mars 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. A...se disant Husem Hassan ;
3°) de mettre à la charge de M. A...se disant Husem Hassan la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé le premier juge M. A...se disant Husem Hassan n'a pas clairement manifesté sa volonté de déposer une demande d'asile. Lors de son interpellation dans le Gard alors que la gendarmerie lui avait fourni les informations nécessaires pour déposer une demande, il n'a pas déposé de demande d'asile. Il n'a pas davantage entrepris une telle démarche lors de son séjour en Italie. Il n'a effectué cette demande que lors de son audition à la suite de son interpellation à Perpignan. Cette demande n'est d'ailleurs pas mentionnée dans l'ordonnance de la cour d'appel de Toulouse ;
- à ce jour, il n'a déposé aucune demande d'asile. Cela démontre que la demande n'a été formulée que dans le seul but de faire échec à la mesure d'éloignement comme l'a reconnu la jurisprudence de la cour de céans ;
- le signataire de l'arrêté a été régulièrement habilité par une délégation de signature ;
- l'arrêté énonce les faits sur lesquels il se fonde et motive l'absence d'octroi de délai de départ volontaire par l'insuffisance des garanties de représentation et l'absence d'adresse fixe de l'intéressé. L'arrêté est ainsi suffisamment motivé ;
- la demande d'asile étant purement dilatoire, la mesure d'éloignement est fondée ;
- l'intéressé séjourne irrégulièrement sur le territoire Schengen, ne dispose pas d'adresse fixe, n'a pas de travail et a déjà fui à deux reprises. Le risque de fuite étant caractérisé, le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est fondé ;
- l'intéressé ne justifie d'aucune vie privée et familiale en France et réside irrégulièrement en France, ce qui suffit à fonder une interdiction de retour sur le territoire national ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, l'intéressé ne rapporte la preuve d'un risque encouru en cas de retour au Soudan ;
- l'arrêté ne porte pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par ordonnance du 5 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juillet 2018 à midi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...se disant Husem Hassan, ressortissant soudanais né le 1er janvier 1998, est entré irrégulièrement en France le 28 février 2018. Après avoir été interpellé par les services de police, le préfet des Pyrénées-Orientales, par un arrêté du 3 mars 2018, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire national pendant une durée de deux ans. Par une décision du même jour, le préfet des Pyrénées-Orientales a ordonné son placement en rétention administrative. Par un jugement du 19 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a donné acte du désistement de M. A...se disant Husem Hassan de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de placement en rétention administrative et a, à la demande de l'intéressé, annulé l'arrêté du 3 mars 2018 du préfet des Pyrénées-Orientales au motif que M. A...se disant Husem Hassan avait clairement manifesté son intention de demander l'asile en France. Le préfet des Pyrénées-Orientales doit être regardé comme sollicitant la réformation de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du 3 mars 2018.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). ".
3. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. / L'étranger est tenu de coopérer avec l'autorité administrative compétente en vue d'établir son identité, sa ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d'origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d'asile antérieures. Il présente tous documents d'identité ou de voyage dont il dispose (...). ". L'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / 1° L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d'irrecevabilité en application des 1° ou 2° de l'article L. 723-11 ; / 2° Le demandeur a informé l'office du retrait de sa demande d'asile en application de l'article L. 723-12 ; / 3° L'office a pris une décision de clôture en application de l'article L. 723-13. L'étranger qui obtient la réouverture de son dossier en application de l'article L. 723-14 bénéficie à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ; / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; / 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale. / (...). ". Selon l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. / (...)" et selon l'article R. 741-1 : " I. - Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police (...). ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de l'audition du 3 mars 2018 sur la vérification du droit de circulation ou de séjour que, lors de son audition par les services de police, le jour de son interpellation à Perpignan, M. A...se disant Husem Hassan a déclaré " je souhaite demander l'asile en France ", manifestant ainsi clairement son intention de demander l'asile. Il appartenait dès lors aux services de police, en vertu des articles R. 741-2 et R. 741-1 précitées, de saisir de cette demande le préfet. Il appartenait ensuite à ce dernier, sous réserve de justifier que l'intéressé entre dans le champ des exceptions prévues par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enregistrer la demande d'asile de M. A...se disant Husem Hassan et de lui délivrer l'attestation prévue à l'article L. 741-1. Or, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Orientales n'a procédé ni à cet enregistrement, ni à cette délivrance. D'autre part, le préfet ne justifie aucunement que l'intéressé entrait dans l'un des cas, limitativement énumérés par la loi, dans lesquels il pouvait légalement refuser de procéder à ces formalités. Dans ces conditions, il n'a pu légalement prendre à l'encontre de l'intéressé, le 3 mars 2018, une mesure d'éloignement avec fixation du pays de destination assortie d'une interdiction de retour sur le territoire.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 3 mars 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par le préfet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête du préfet des Pyrénées-Orientales est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...se disant Husem Hassan et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Paul-André Braud
Le président,
Marianne PougetLa greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 18BX01754