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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX01624

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX01624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...E...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté en date du 6 octobre 2016 par lequel le préfet de la Guyane lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1700163 du 1er février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2018, Mme D...A...E...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d

u tribunal administratif de la Guyane du 1er février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2016 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...A...E...C...a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté en date du 6 octobre 2016 par lequel le préfet de la Guyane lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1700163 du 1er février 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 avril 2018, Mme D...A...E...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2016 du préfet de la Guyane ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 250 euros par jour de retard et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 250 euros par jour de retard et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dans leur réponse au moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté, au demeurant non invoqué, les premiers juges ont ajouté à la motivation de l'arrêté contesté ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés de l'erreur de fait et la méconnaissance de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les erreurs de fait entachant l'arrêté démontrent que le préfet de la Guyane ne s'est pas livré à un examen sérieux et particulier de sa situation ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait dès lors que le préfet de la Guyane a considéré qu'elle vivait à Macapa (Brésil) où ses deux enfants mineurs sont scolarisés alors qu'elle résidait, à la date de l'arrêté contesté, en Guyane et était la mère d'un seul enfant mineur, son autre fils étant majeur ;

- le préfet de la Guyane indique qu'une enquête de domiciliation a été faite à son égard, toutefois cette enquête n'est pas produite en défense de sorte que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait à ce sujet ;

- le préfet de la Guyane a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'à la date de l'arrêté contesté la communauté de vie entre les époux n'avait pas cessé. Leur éloignement durant les deux premières années était dû à l'activité professionnelle de M. C...et aux démarches administratives. Leur communauté de vie a été renforcée dès le mois d'avril 2016 avec une cohabitation commune ;

- le préfet de la Guyane a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'arrêté contesté l'empêche de s'installer durablement aux côtés de son époux français et que son frère et le père de sa fille vivent également en Guyane.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2018, le préfet de la Guyane conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal la requête de première instance de Mme A...E...C...est irrecevable, celle-ci ayant été présentée par son mari en méconnaissance de l'article R. 431-5 du code de justice administrative ;

- la requête de première instance ne comportait l'exposé d'aucun moyen en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et est donc irrecevable ;

- l'absence de communauté de vie n'est pas motivée par des circonstances professionnelles mais par des raisons familiales. La communauté de vie ne peut donc être regardée comme effective ;

- elle n'établit pas l'intensité des liens avec son frère. Le père de sa fille pourrait tout à fait venir la voir au Brésil et la communauté de vie avec son époux est récente. Son fils et ses petits enfants résident au Brésil. Il n'y a donc pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale.

Par ordonnance du 5 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juillet 2018 à midi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir épousé un ressortissant français le 24 décembre 2013, Mme D...A...E...C..., ressortissante brésilienne née le 6 avril 1973, a effectué des allers-retours entre la Guyane et le Brésil. Après avoir bénéficié d'un visa de long séjour valable du 15 septembre 2015 au 15 septembre 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de Français. Par arrêté du 6 octobre 2016, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Mme A...E...C...relève appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-4 du code de justice administrative : " Dans les affaires où ne s'appliquent pas les dispositions de l'article R. 431-2, les requêtes et les mémoires doivent être signés par leur auteur (...) ".

3. Si le préfet de la Guyane soutient que la requête de première instance a été présentée par le mari de la requérante, il ressort des pièces du dossier que si cette requête a été signée par son mari, elle est également signée par la requérante, satisfaisant ainsi aux dispositions précitées de l'article R. 431-4 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la personne ayant présenté la requête de première instance doit être rejetée.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) ".

5. Si le préfet de la Guyane soutient que la requête de première instance ne comporte l'énoncé d'aucun moyen, il est indiqué dans celle-ci que l'arrêté se fonde sur " des informations obsolètes et erronées (...) contrairement à ce qui est indiqué, mon épouse a une fille de onze ans scolarisée, son fils de vingt-cinq ans travaille comme employé " et " Depuis notre mariage, il y a trois ans, nous nous efforçons d'être ensemble le plus possible malgré les difficiles conditions de circulation au Brésil et sa situation familiale et professionnelle compliquée ". La requérante doit ainsi être regardée comme ayant entendu invoquer une erreur de fait sur la situation de son fils, mentionné comme étant mineur et scolarisé dans l'arrêté, et comme ayant entendu contester le motif du refus de délivrance d'un titre de séjour résultant de ce que la communauté de vie du couple n'est plus avérée. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête de première instance doit également être rejetée.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 octobre 2016 :

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que depuis leur mariage Mme A...E...C...et son mari ont résidé séparément, la requérante résidant au Brésil où sa fille mineure était scolarisée et son mari résidant en Guyane en raison de son travail. Cependant, la circonstance que des époux aient des résidences distinctes n'emporte pas nécessairement l'absence de communauté de vie lorsqu'elle résulte de circonstances matérielles et ne traduit pas la volonté des époux de mettre fin à leur communauté de vie. Or il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites pour la première fois en appel, que si les époux avaient des résidences séparées en raisons des circonstances matérielles susénoncées, cette absence de cohabitation ne traduisait pas pour autant une volonté de mettre fin à la communauté de vie puisque chacun des époux a effectué plusieurs séjours pour rejoindre son conjoint et qu'en 2016, antérieurement à l'arrêté contesté, Mme A...E...C...est venue s'installer chez son mari comme en témoignent l'avenant au contrat de location du 27 juillet 2016, la facture de téléphone du 17 août 2016, l'ouverture d'un compte courant le 3 septembre 2016, la participation à un atelier sociolinguistique du 8 septembre 2016 au 31 octobre 2016, le suivi d'une formation au français d'août à octobre 2016. Dès lors, si à la date de l'arrêté contesté, la cohabitation des époux était récente, il ressort des pièces du dossier que leur séparation géographique ne traduisait pas une volonté de mettre fin à leur communauté de vie. Par suite, le refus opposé par le préfet de la Guyane méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué et les autres moyens invoqués, que Mme A...E...C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

10. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressée d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet de la Guyane de délivrer à Mme A...E...C...ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...E...C...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700163 du tribunal administratif de Mayotte en date du 1er février 2018 et l'arrêté du préfet de la Guyane en date du 6 octobre 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de délivrer à Mme A...E...C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...E...C...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...E...C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au ministre des Outre-mer et au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Agnés Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX01624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01624
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : PIALOU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx01624 ?
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