Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2017 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1704932 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 avril 2018 M. A...B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2017 du préfet de Tarn-et-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour pour une admission exceptionnelle portant la mention " salarié " ou tout autre titre lui permettant de résider sur le sol français ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. La motivation litigieuse ne prend pas en compte sa situation ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait sur la date de son entrée sur le territoire national ;
- le refus de faire droit à une demande d'admission exceptionnelle au séjour, en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'une erreur quant à l'appréciation de sa situation personnelle. Sa qualité de travailleur saisonnier étranger dissimule, en réalité, une situation de travail permanent. Le renouvellement, sur une période de 15 ans, de séjours de courte durée le maintient dans une situation précaire constitutive d'un motif suffisant d'admission exceptionnelle au séjour ;
- le refus de délivrance, à titre subsidiaire, d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant remplit les conditions de délivrance de ce titre, notamment parce qu'il réside habituellement et légalement en France depuis 2002 ;
- le refus de délivrance d'un titre de séjour porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit à mener une vie privée et familiale normale du fait de sa bonne maîtrise du français et des liens personnels et familiaux forts qu'il a développé sur le territoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2018, le préfet de Tarn-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- il s'en remet à ses écritures de première instance ;
- la situation du requérant correspond bien au statut de saisonnier tel que mentionné à l'article L. 313-10 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, étant donné qu'il n'a été employé que pour des périodes de 6 mois. Le refus contesté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les moyens relatifs à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sont inopérants car fondés sur des dispositions législatives abrogées.
Par ordonnance du 19 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 août 2018 à 12 heures.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant marocain né en 1972, est entré en France pour la dernière fois, selon ses déclarations, le 14 mai 2016. Il a bénéficié, depuis le 13 août 2008, de cartes de séjour temporaire portant la mention " travailleur saisonnier " régulièrement renouvelées. Il a sollicité le 7 décembre 2016 auprès du préfet de Tarn-et-Garonne son admission exceptionnelle au séjour par le travail ou, à défaut, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 26 septembre 2017 le préfet de Tarn-et-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...B...relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". En l'espèce, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ainsi que les dispositions des articles L. 313-12, L. 313-11 7°, L. 313-14 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne les circonstances de fait qui en constituent le fondement en indiquant que le requérant déclare être entré sur le territoire le 14 mai 2016, qu'il est employé en qualité d'ouvrier agricole depuis le 12 août 2002 par contrats à durée déterminée d'une durée maximale de six mois et qu'il a bénéficié depuis le 13 août 2008 de cartes de séjour temporaires en qualité de saisonnier, la dernière étant valable jusqu'au 12 août 2017. Il indique que M. B...a présenté un contrat de travail à durée indéterminé à l'appui de sa demande de titre de séjour, qu'il ne détient pas de visa long séjour, qu'il n'a pas résidé habituellement en France depuis 2003, que, s'il se prévaut de la présence en France de son père, cette circonstance ne suffit pas à démontrer qu'il a établi le centre de ses intérêts personnels et familiaux en France, alors que son épouse et ses trois enfants mineurs résident au Maroc, pays où il a vécu la majeure partie de sa vie et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté du 26 septembre 2017 est ainsi suffisamment motivé. Par ailleurs, cette motivation révèle que le préfet de Tarn-et-Garonne a procédé à un examen de la situation individuelle de M.B....
3. En deuxième lieu, M. B...semble soutenir que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait sur la date de son entrée sur le territoire national en mentionnant la date du 14 juin 2006. Cependant l'arrêté litigieux mentionne que l'intéressé séjourne ponctuellement en France depuis 2002, date de son premier contrat de travail à durée déterminée de six mois, et qu'il est revenu pour la dernière fois en France le 14 mai 2016, ce qui n'est nullement contesté. Dans ces conditions, l'erreur de fait alléguée manque en fait.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' (...) ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile code prévoit que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
5. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en oeuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B...ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de ses contrats de travail et de l'attestation de son employeur, que M. B...a été bénéficiaire, tous les ans depuis 2003, de contrats de travailleur saisonnier de durée pouvant aller jusqu'à six mois en qualité d'ouvrier agricole et a bénéficié à cette fin, tous les ans depuis l'année 2008, de carte de séjour temporaire en qualité de travailleur saisonnier. Il ressort également des pièces du dossier que son employeur a souhaité en 2016 lui proposer un contrat de travail à durée indéterminée. Ainsi, M. B...a vécu en France la moitié de l'année, tous les ans depuis, à la date de l'arrêté contesté, depuis quatorze ans dont neuf ans en bénéficiant de titres de séjour. En outre, si M. B...se prévaut de la présence en France de son père retraité titulaire d'une carte de résident, il ressort de la fiche de renseignements qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son épouse, ses trois enfants et plusieurs autres membres de sa famille. Eu égard au caractère non continu de son séjour en France et à la présence de la majorité de ses attaches familiales au Maroc où il a résidé la moitié de chaque année, la situation de M. B...ne permet pas de caractériser l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus d'un titre de séjour sur sa situation.
7. En quatrième lieu, si M. B...invoque la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 313-11 et du 10 ° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à celle instituée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, il ne peut utilement s'en prévaloir, ces dispositions ayant été respectivement modifiées et abrogées par les articles 31 et 38 de cette loi.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne du 26 septembre 2017. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Pouget, président,
M. Paul-André Braud, premier conseiller,
Mme Agnès Bourjol, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
Le rapporteur,
Paul-André Braud
Le président,
Marianne PougetLa greffière,
Florence Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, de ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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18BX01588