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26/10/2018 | FRANCE | N°18BX01311

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 26 octobre 2018, 18BX01311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704791 du 30 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2018, M. F...représenté par MeD..

., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...F...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1704791 du 30 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er avril 2018, M. F...représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 novembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au bénéfice de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier en considérant que le préfet avait procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation : elle n'indique pas qu'il est père d'un enfant français et ne vise pas l'article L. 511-4 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance et en précisant que le contrôle de la dénaturation des pièces du dossier relève du juge de cassation et non du juge d'appel.

Par ordonnance du 5 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juillet 2018 à 12h00.

Par une décision du 1er mars 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M.F....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Nicolas Normand pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Paul-André Braud a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. G...F...ressortissant marocain né le 15 mai 1990, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement en France il y a environ dix ans. Après avoir fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français en avril et novembre 2014 sous l'identité de M. A...B..., M. F...a été interpellé par les services de la gendarmerie le 15 octobre 2017. M. F...relève appel du jugement du 30 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 octobre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. M. F...soutient que le jugement du tribunal administratif doit être annulé pour dénaturation des pièces du dossier dès lors que le tribunal n'aurait pas pu considérer que le préfet n'avait pas entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa situation. Cette critique du bien-fondé du jugement est sans incidence sur sa régularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 octobre 2017 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) ". En visant le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant que M. F...est entré irrégulièrement en France et qu'après avoir fait l'objet de deux obligation de quitter le territoire français il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Haute-Garonne a énoncé les considérations de droit et de fait fondant l'obligation de quitter le territoire français. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Haute-Garonne n'était pas tenu de viser le 6° de l'article L. 511-4 dont il ne fait pas application. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. F...soutient que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation en ne prenant pas en compte la circonstance qu'il est père d'un enfant français et que la mère de cet enfant est de nationalité française. Toutefois, il ressort au contraire de la motivation de l'arrêté que le préfet de la Haute-Garonne a pris en compte ces éléments en indiquant que M. F...n'apporte aucun document permettant d'attester de relations particulières avec la mère de cet enfant ni qu'il contribuerait à l'entretien et à l'éducation de celui-ci. Le défaut d'examen allégué de sa situation manque donc en fait.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. Si M. F...soutient qu'il entretient depuis trois ans une relation amoureuse avec MmeC..., ressortissante française, il ne produit aucun document au soutien de cette allégation. Par ailleurs, s'il se prévaut également de sa qualité de père d'un enfant français né le 13 septembre 2016 de sa relation avec MmeE..., il ressort des pièces du dossier et notamment d'un procès verbal d'audition de Mme E..., que cette dernière a entretenu avec M. F...une relation épisodique et que si l'intéressé a manifesté un intérêt pour son fils lors des premiers mois qui ont suivi sa naissance, il s'est révélé incapable de pourvoir à son entretien et à son éducation. En ce sens, il ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il aurait effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de son fils depuis sa naissance autre que l'attestation de MmeE.... De plus, si M. F...soutient être entré sur le territoire français depuis près de dix ans, il ne l'établit pas davantage et a au demeurant fait l'objet de deux mesures d'éloignement qui n'ont pas été exécutées. Dans ces circonstances, et eu égard notamment aux conditions de son séjour en France et à l'intensité de ses liens avec ses attaches familiales en France, l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, et eu égard à l'absence de démonstration par le requérant de l'intensité des liens qui le lient à son enfant, il n'apparaît pas que le préfet aurait méconnu l'intérêt supérieur de son enfant en violation de l'article 3.1 la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2017. Par voie de conséquences, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...F...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme Agnés Bourjol, conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2018

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01311
Date de la décision : 26/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : TOUBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-10-26;18bx01311 ?
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